Comprendre la fraude Orano Mining et se réconcilier avec le Niger

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Mine d'uranium au Niger / Crédit photo : @DR
[Avertissement] Cet article intervient dans un contexte douloureux entre la France et le Niger, sa publication pourrait ne pas être opportune, et pourtant elle est salutaire pour la compréhension des évènements.

Les nigériens ne sont pas pro Russie de Poutine et les russes n’ont aucun moyen d’avoir une présence militaire dans les pays africains qu’ils sont supposés contrôler. Les nigériens ne menacent personne, ni la France, ni les français, ils ne veulent plus supporter la mafia de la Françafrique. Cette forme de crime organisé qui coûte tant aux contribuables français et que plus personne ne contrôle au sommet de l’Etat.

Qui voudrait des rails sans train de Bolloré qui défigure Niamey ? Quel pays accepterait les scandales Gemalto, Uranium Gate, les avions Sukhoi SU25 vendu par Jean-Yves le Drian, l’organisation très facturée des conférences du couple Richard et Cecilia Attias ? Et l’argent détourné du ministère de la Défense nigérien en pleine opération Barkhane ?

Nous pourrions continuer la longue liste avec la description des circuits de blanchiment d’argent et de détournements de fonds mis en place par des françafricains. Le Niger en souffre depuis longtemps, mais le contribuable français aussi. Il appartient désormais à la justice de faire son travail des deux côtés et ensemble.

L’objet de cet article est plutôt de lever le voile sur le dernier scandale qui va encore couter beaucoup d’argent aux contribuables français.

Imouraren n’est pas une mine d’uranium, elle n’a jamais été exploitée. Dans un rapport de la CIA de 1971 qui fait un inventaire précis des ressources en uranium du Niger, on voit bien que seuls les actifs de la Cominak et de la Somaïr ont un intérêt. En toute logique, ils seront exploités par la France, le reste n’a aucun intérêt.

Dès qu’Imouraren entre dans le bilan d’Areva en 2009, les géologues lancent l’alerte en interne avec beaucoup de vigueur. En 2012, EDF qui n’est pas dupe de la situation, commande une expertise indépendante au bureau spécialisé Behre Dolbear, les conclusions sont accablantes.

Les images de l’inauguration d’Imouraren sont disponibles grâce au reportage remarquable du journaliste Patrick Forestier pour Envoyé Spécial. Rama Yade, Christine Lagarde sont parmi les invités à cette célébration patronnée par Madame Lauvergeon. « La production de 5 000 tonnes d’uranium par an, 200 000 tonnes d’uranium sont sous nos pieds », peut-on entendre. Les gesticulations comptables autour de cette « mine » digne de l’affaire Uramin seront signalées au parquet national financier dès 2014. Mais peu importe que cette mine soit vraie ou fausse. Cela n’a plus aucune importance. Pourquoi ?

Au risque d’être technique dans le descriptif, nous préférons mettre les preuves formelles en avant dans cet article compte tenu du climat de suspicion qu’il peut y avoir autour des manipulations des uns et des autres.

Dans le bilan 2020 déposé au greffe d’Areva NP on peut lire cet extrait.

Il est donc important de valoriser Orano mining qui appartient à 100 % à Orano maison mère et ce serait fait dans les temps. Dans le bilan d’Orano maison mère en 2021, on peut lire cet extrait :

« Des travaux de mise à jour des ressources et des réserves selon le standard NI 43 101 ont été lancés début 2021 ». Les réserves prouvées sont très importantes pour valoriser une société minière, ce sont les seuls que les financiers acceptent de considérer. Le numéro un mondial en termes de réserves prouvées en uranium étant Cameco. La capitalisation boursière de Cameco, donc sa valeur en bourse, monte environ à 12 milliards de dollars grâce à ses réserves prouvées.

Comme par magie, les réserves probables d’Imouraren vont devenir réserves prouvées dans le bilan d’Orano juste au bon moment pour avoir un maximum de valorisation et viser la prime de 91,3 millions d’euros.

Orano mining a deux commissaires aux comptes KPMG et PWC jusqu’à la démission de ce dernier au 30 juin 2021. PWC n’est pas remplacé. La création de valeur ex nihilo fait d’Imouraren une mine d’au moins 1,5 milliard d’euros. Un gisement énorme au niveau mondial.

Monsieur Nicolas Maes est nommé le 13 avril 2022 Président d’Orano Mining :

Le 4 mai 2023, soit quelques jours après sa nomination, il signe le contrat d’abandon de la mine d’Imouraren :

Pour donner le change et verser un dédommagement, Orano mining doit verser 85 millions d’euros au travers d’un permis de recherche.

Orano Mining a publié son dernier bilan 2021 et la situation montre une baisse des fonds propres de 40 %, une perte de 133 millions d’euros et une trésorerie exsangue. Mais admettons que cette situation financière puisse permettre le versement des 85 millions d’euros.

Orano invite la presse parisienne à visiter ces mines, du moins la Cominak et la Somair, pas Imouraren. Dans la foulée, nous pouvons lire cette déclaration : « La décision d’exploiter l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, dans le nord du Niger, sera prise en 2028 après des essais qui doivent débuter en 2024, a annoncé Matthieu Davrinche, directeur d’Imouraren SA, coentreprise du groupe français Orano (ex-Areva) et de l’État nigérien« .

Ce n’est pas possible sachant que le Code minier nigérien prévoit qu’un contrat de recherche à une durée de 3 ans, certes renouvelable. Mais rien ne permet de penser que le Niger va renouveler, donc la décision doit se prendre en 2026 avec ou sans coup d’État. Pire, dans le contrat du 4 mai 2023, Orano ne fait pas qu’abandonner Imouraren, il y a aussi une créance d’1 milliard d’euros :

Le montant dépasse de très loin les fonds propres d’Orano mining, cette créance est-elle provisionnée ? L’agence des participations de l’Etat a-t-elle été flouée une fois de plus ?

Monsieur Nicolas Maes démissionne de son mandat fraîchement acquis et il est remplacé au 30 juin 2023 par Monsieur Xavier Saint-Martin Tillet qui était auparavant chez Lafarge sans lien avec le passé d’Areva. Qui va payer ?

2 COMMENTS

  1. La France à la merci de ses entreprises:
    En Afrique l’image de la France est ternie par ses propres entreprises. Les africains sont enragés contre AREVA,ERAMET, BOLORÉ , et autres. Le pire c’est que ces entreprises sont soutenues par le gouvernement, les hommes politiques et la presse.
    La France doit « dresser ses entreprises ».

  2. C’est difficile de faire justice nous n’avons plus de magistrats intègres et indépendants tout vole en éclat, alors comment voulez vous être crédible devant ces pays qui ne peuvent plus nous comprendre

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