Démarrage précoce à moyen de la saison des pluies dans les zones agricoles du Niger

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Le Centre Régional AGRHYMET, dont le siège se trouve à Niamey a, à travers son Bulletin spécial de ce mois de mai dévoilé, les caractéristiques agro-hydro-climatiques de la saison des pluies pour les zones sahélienne et soudanienne des pays de l’espace CILSS/CEDEAO, avant de formuler des recommandations pour la réduction des principaux risques.

Les températures de surface de mer (TSM) influencent le comportement des saisons des pluies, notamment au sahel. Au cours du mois de février 2020, les températures de surface indiquent des conditions de l’oscillation australe (ou ENSO en anglais) neutres, dans l’océan pacifique tropical central (5°N-5°S, 170°W-120°W), avec des anomalies qui varient entre -0.5°C et 0.5°C, sur la période de 1981-2010. Selon le Bulletin spécial du Centre Régional AGRHYMET, sur le reste de l’océan pacifique, les températures sont actuellement proches ou supérieures à la moyenne. Sur l’océan atlantique tropical, les températures de surface sont globalement supérieures à la moyenne, notamment dans le Golfe de Guinée et le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest. Sur une majeure partie de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord et certaines parties de l’océan Indien, les températures sont supérieures à la moyenne.

En perspective, le Bulletin spécial prévoit dans le Centre-est de l’océan pacifique, les prévisions, des conditions également neutres pour le mois de mai 2020, avec un refroidissement progressif tendant vers les conditions de « La Nina » pendant la période août-septembre-octobre. Par contre, au cours de la période allant de mai à octobre 2020, les températures de surface au niveau du Pacifique tropical oriental devraient diminuer progressivement jusqu’à obtenir des anomalies négatives. Quant aux anomalies positives actuellement observées sur le Pacifique Central, elles devraient diminuer d’intensité. Sur l’Atlantique Nord, elles devraient être supérieures à la moyenne entre mai et octobre 2020. Néanmoins, sur le Golfe de Guinée, la plupart des modèles prévoient une baisse des températures permettant d’observer un dipôle entre le Golfe de Guinée, avec des températures neutres à froides, et la façade Ouest de l’Atlantique, avec des températures chaudes. Sur une majeure partie de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord et certaines parties de l’océan Indien, les températures resteront supérieures à la moyenne entre mai et octobre 2020. Par ailleurs, il est attendu qu’un dipôle négatif (température froide dans la partie Ouest de l’océan indien et chaude dans la partie Est) se développe dans l’océan Indien pendant la période de juillet à septembre 2020.

Démarrage précoce à moyen de la saison des pluies De part l’état des températures de surface de la mer et les perspectives qui se dégagent, il est prévu un démarrage précoce à moyen de la saison des pluies dans les zones agricoles du Niger. La prévision des caractéristiques agro-hydro-climatiques de la saison des pluies indique que, pour la période de Juin-Juillet-Aout 2020, des quantités de pluies globalement équivalentes ou supérieures aux cumuls moyens de la période 1981-2010 sont attendues sur la bande sahélienne et le nord de la bande soudanienne allant du Tchad à la façade Atlantique, notamment sur la partie Sud du Tchad, la bande agricole du Niger. En outre, pour la période de Juillet-Aout-Septembre 2020, des quantités de pluies globalement supérieures aux cumuls moyens de la période 1981-2010 sont attendues sur la bande sahélienne et soudanienne allant du Tchad à la façade Atlantique, notamment sur la partie Sud du Tchad, la bande agricole du Niger. Le Bulletin spécial note également, des durées de séquences sèches courtes à équivalentes aux moyennes calculées sur la période 1981-2010 sont attendues sur le Centre et l’Est du Sahel (extrême Centre-Est du Mali, moitié Est du Burkina Faso, la bande agricole du Niger et le Centre du Tchad), en début de saison.

Des séquences sèches et écoulement des bassins fluviaux   Le Bulletin spécial prévoit par ailleurs, des séquences sèches dans le déroulement de la campagne. Ainsi, dans la deuxième moitié de la saison, des séquences sèches courtes à équivalentes aux moyennes observées sur la période 1981-2010 sont très probables sur presque toute la bande sahélienne et dans les parties Nord des pays du Golfe de Guinée. Toutefois, sur le Sud du Tchad et dans les localités du Niger et du Nigeria autour du Lac-Tchad, il est prévu des séquences sèches longues à équivalentes aux moyennes. Cependant, des dates de fin de saison tardives à équivalentes aux moyennes de la période de référence 1981-2010 sont prévues sur le Sahel Centre et Est (extrême sud-est du Mali, le Burkina Faso, la bande sud du Niger et du Tchad) et le nord des pays du Golfe de Guinée (l’extrême nord de la Côte d’’Ivoire, le nord du Ghana, du Togo, du Benin et du Nigeria). Toutefois, sur le Sahel Ouest couvrant le Sud-ouest de la Mauritanie, le Sénégal, l’Ouest du Mali, la Gambie, la Guinée Bissau, et l’ouest de la Guinée, les dates de fin de saison devraient être moyennes à tardives, comparées aux moyennes de la période de référence. Pour la saison des pluies 2020, il est attendu, des écoulements supérieurs à équivalents aux moyennes de la période 1981-2010, dans les hauts bassins du Niger, du Sénégal, du Chari (sous bassin du lac Tchad) et de la Volta, dans les bassins de la Gambie, du Bandama (en Côte d’Ivoire), du Sassandra (en Côte d’Ivoire), du Cavally (en Côte d’Ivoire), du Logone (sous bassin du lac Tchad), de la Komadougou-Yobé (sous bassin du lac Tchad au Niger et au Nigeria), dans le Delta Intérieur du Niger et dans le Niger moyen. Quant aux bassins de la Comoé (Burkina- Faso et Côte D’Ivoire), du Mono (Togo et Bénin), de l’Ouémé (Bénin), le Niger Inférieur, le sous-bassin septentrional du fleuve Sénégal, le moyen Chari et la Volta Inférieure, des écoulements moyens avec une tendance excédentaire pourront être enregistrés.

Des recommandations pour faire face aux risques A l’issue de ces prévisions, des recommandations ont été formulées à l’attention des différents acteurs pour prévenir les risques et tirer profit de la saison. Ainsi, face aux risques d’inondation, pouvant découler des cumuls de pluies globalement supérieurs à la moyenne attendus sur la bande sahélienne, ainsi que des écoulements des cours d’eau excédentaires à équivalents à la moyenne de référence, le Bulletin recommande de suivre de près les seuils d’alerte dans les différents sites à haut risque d’inondation ; prévenir l’occupation anarchique des zones inondables, en particulier dans les zones urbaines ; renforcer la veille et les capacités d’intervention des agences en charge du suivi des inondations, de la réduction des risques de catastrophes et des aides humanitaires. Face aux risques phytosanitaires et d’insécurité alimentaire, la situation globalement humide attendue pour la saison des pluies 2020 et de la crise acridienne en cours en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique, il est très probable d’observer une incursion d’essaims de criquets pèlerins, à la faveur du démarrage précoce prévu pour la saison des pluies dans la bande sahélienne, prévient le Bulletin. Conjuguée à la situation liée à la pandémie du COVID-19, ce risque d’invasion acridienne pourrait aggraver le risque d’insécurité alimentaire pour des millions de personnes au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Pour ce faire, il est recommandé aux Etats, de renforcer la surveillance vis-à-vis de l’invasion acridienne dans les zones à risque des pays de la ligne de front, et de maintenir la vigilance contre les autres ravageurs des cultures comme la chenille légionnaire ; aux Organisations Inter-Gouvernementales (OIG), de la région de mobiliser les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et la communauté internationale pour une gestion préventive du risque acridien, entre autres. Face au risque de sécheresse, en dépit du caractère globalement humide attendu pour la saison des pluies 2020, il est probable d’observer par endroit des déficits hydriques pouvant retarder la mise en place de la biomasse fourragère, entrainer des échecs de semis et affecter la croissance des plantes. Ces déficits hydriques pourraient aussi favoriser le développement d’insectes ravageurs des cultures, avertit le Bulletin. Ainsi, pour prévenir ces risques, le Bulletin recommandé de diversifier les pratiques agricoles, à travers notamment la promotion de l’irrigation, du maraichage pour réduire le risque de baisse de production dans les zones exposées; veiller à une gestion intégrée des ressources en eau pour une meilleure prise en compte des différents usages, notamment les besoins des barrages hydro-électriques et des aménagements hydro-agricoles. Par ailleurs, pour réduire le risque de maladies liées à l’eau (Cholera, malaria, dengue, bilharziose, diarrhée, etc.) dans les zones humides ou inondées, il est fortement recommandé de sensibiliser sur les maladies climato-sensibles, en collaboration avec les services de météorologie, d’hydrologie et de santé ; vacciner les populations et les animaux, encourager l’utilisation de moustiquaires, mettre en place des stocks d’antipaludéens ; prévoir des stocks des médicaments dans les zones difficiles d’accès, suite aux inondations et de suivre la qualité de l’eau en mettant en place des produits de traitement.