Bénin : Le Réseau 3i demande la libération immédiate d’Ignace Sosou

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La condamnation du journaliste béninois Ignace Sossou est déplorée au-delà des frontières béninoises.  » 18 mois de prison ferme pour 3 tweets ? « , le réseau 3i ( Initiative Impact Investigation) à travers un communiqué a exigé la libération du journaliste Ignace Sossou dont la condamnation viole les principes élémentaires.

Le Réseau 3i dans son communiqué est revenu sur la chronologie des faits : jeudi 19 décembre 2019, Ignace Sossou, journaliste d’investigation à Bénin web TV, assiste à une rencontre dans le cadre du forum Vérifox, organisée par CFI (l’agence
française de développement média), un forum ayant pour objectif de faire le point sur les
fake news et autres “infox” à l’approche de l’élection présidentielle au Bénin.


Cette rencontre voit plusieurs personnalités intervenir, dont le Procureur du tribunal de première instance de première classe de Cotonou, Mario Mètenou, qui fait plusieurs déclarations sur le sujet. Certains de ces
propos sont reproduits entre guillemets par le journaliste Ignace Sossou, sur ses
comptes professionnels Twitter et Facebook.


Ces publications ont manifestement irrité le procureur qui l’a fait savoir aux organisateurs
de l’événement. CFI s’est alors fendu d’un courrier se désolidarisant du journaliste. Ce courrier privé a été rendu public dans les heures qui ont suivi. Au même moment, à l’aube du vendredi 20 décembre, notre confrère est interpellé à son domicile par des policiers qui l’emmènent à l’Office central de répression de la
cybercriminalité (OCRC). Il fait l’objet d’une garde à vue durant tout le week-end, mesure
prolongée lundi 23 décembre pour 72 heures.


Nul ne sait alors ce qui justifie une telle mesure coercitive, jusqu’à ce qu’Ignace Sossou
soit jugé en comparution immédiate ce mardi 24 décembre. Le seul acte reproché étant
d’avoir relaté sur les réseaux sociaux les propos du procureur Mario Mètenou qu’il aurait
sorti de leur contexte, selon les médias locaux.


A l’audience ce mardi 24 décembre, lecture a été donnée du courrier de CFI. A l’issue
d’une audience expéditive, le journaliste a été condamné pour “harcèlement numérique”
à l’encontre du procureur. La peine prononcée: 18 mois de prison ferme et 200 000 F
CFA d’amende.

Pourquoi cette décision viole les principes élémentaires ? S’interroge le reseau 3i
A ce stade, rien ne permet de justifier d’une quelconque mesure coercitive, pas plus que
d’une condamnation aussi sévère qu’absurde. L’exercice de la liberté d’expression est
l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse, principe consacré par l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), dont voici les termes :


« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la
prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »


Dès lors, rien ne saurait justifier les mesures de privation de liberté subies par notre confrère Ignace Sossou, dans le libre exercice de son métier de journaliste.


Qui est Ignace Sossou ?
Au cours des derniers mois, le journaliste Ignace Sossou a fait l’objet de poursuites
judiciaires après avoir révélé les comptes offshore et les sociétés écrans d’un homme d’affaires béninois et d’un représentant commercial français. Révélations qui lui ont valu d’être condamné à une amende et à une peine de prison avec sursis, par un tribunal du
Bénin, pour “publication de fausses nouvelles”.
Ignace Sossou était membre de l’enquête primée en 2018 “West Africa Leaks”, menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et des reporters de 11 pays de la région. Il s’agit de la plus grande collaboration de journalistes d’investigation jamais réalisée en Afrique de l’Ouest.

Ignace Sossou est membre de Cenozo (Cellule Norbert Zongo pour le journalisme
d’investigation en Afrique de l’Ouest) et du Réseau 3i qui réunit des journalistes d’investigation d’Europe, du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest.

Le Réseau 3i demande la libération immédiate d’Ignace Sosou

Face à de tels agissements, totalement contraires à la lettre et à l’esprit du respect de la liberté de la presse, le Réseau 3i (Initiative Impact Investigation) appelle les autorités béninoises à faire preuve de sagesse et de mesure en :  » Ordonnant la libération immédiate de notre confrère Ignace Sossou constatant qu’il n’y a lieu d’engager de quelconque poursuite judiciaire pour les faits incriminés, que personne ne conteste, pas plus l’auteur de ces écrits sur les réseaux sociaux que l’auteur des propos lui-même.« , a lancé le réseau 3i.

Ce communiqué est diffusé par l’ensemble des membres du Réseau 3i, afin d’obtenir la remise en liberté immédiate de leur confrère et de rappeler les principes fondamentaux de la liberté de la presse, sans lesquels toute démocratie ne peut espérer s’épanouir sereinement.

Les regards du monde sont donc tournés vers le Bénin dans cette affaire qui ne pourrait être une fierté pour la presse locale.