Crise au Niger: la CEDEAO s’enlise, l’Algérie prend enfin ses responsabilités

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Alors que le Niger est dans une crise après le coup d’Etat survenu contre le président Mohamed Bazoum et que la CEDEAO peine à trouver une issue, l’Algérie vient enfin prendre ses responsabilités pour faire une proposition concrète et réaliste pour une sortie de crise dans ce pays qui constitue un point sensible dans la stabilité du Sahel. Une disposition qui change la donne désormais dans la région et pourrait bouleverser un certain ordre géostratégique établi.

Les autorités algériennes ont révélé mardi, une initiative qui pourrait faire tomber les tensions au Sahel et dans l’ensemble de la CEDEAO en ce qui concerne la crise au Niger. Alors que les pays membres de l’organisation régionale ne semblent pas avoir de proposition de sortie de crise et ne jurent que par « Bazoum doit revenir au pouvoir », sachant bien que cette option est presqu’impossible et même si c’est le cas, ce ne serait qu’au prix de nombreux sacrifices humains, L’Algérie a fait ce qui doit être fait.

Pour la Première fois dans les questions du Sahel, Alger a pris ses responsabilités pour éviter une nouvelle escalade de violence et un déchirement d’une région dont la situation est déjà catastrophique. Après avoir laissé la France jouer et échouer à rassembler les pays de la région et à mobiliser véritablement leurs différentes forces autour de la lutte contre le terrorisme, il est évident que si Alger laisse encore cette fois, Paris mener la danse, elle se verrait embarquée dans la même tourmente que les pays du G5 Sahel qui, outre la Mauritanie qui se défend tant bien que mal, s’enlisent dans le conflit djihadiste.

La France n’a d’yeux que pour Bazoum et rien ne semble lui faire changer d’avis; et, d’après les dernières sorties de ses dirigeants, l’hexagone serait prêt à soutenir des actions militaires qui viseraient le retour de Bazoum au pouvoir, quitte à créer une zone de conflit et faire d’une région, déjà en proie à la catastrophe humanitaire, une nouvelle « Libye », mais en plus vaste. La position de la France, n’est d’ailleurs pas contraire à celle de la CEDEAO qui ne pense plus à grand chose pour trouver une solution pacifique au problème nigérien.

Des erreurs stratégiques d’une CEDEAO à court d’idées

En effet, depuis le début de cette crise au Niger, les dirigeants de la CEDEAO ont déjà tout fait de travers en s’appuyant sur des positions de puissances étrangères sans véritablement tenter de penser par eux même pour tenter de résoudre une situation qui pourtant pouvait avoir une issue rapide et pacifique si les uns et les autres « s’écoutaient ».

Au lieu de lancer une médiation immédiatement après le coup d’Etat au Niger et de tenter de trouver une sortie de crise rapide et efficace, comme elle semblait pourtant avoir commencer avec la désignation de Patrice Talon, l’organisation dirigée par Bola Tinubu, a choisi d’avorter cette initiative pour écouter et se laisser convaincre par des voix pressantes et pas très bien intentionnées (voyant les résultats à ce jour), la CEDEAO a d’abord tenter l’intimidation avant la négociation. Une tactique qui donne d’ailleurs, un gros avantage désormais à « l’adversaire » du moment avant même que les discussions ne commencent. La CEDEAO a été induite en erreur par ses propres membres et leurs alliés aussi puissants soient-ils.

Aujourd’hui, il faut reconnaître que les militaires au Niger se retrouvent en position de force et ne lâcheront pas avant d’avoir eu une proposition de sortie de crise raisonnable tant pour eux que pour les nigériens (qui n’ont pas vraiment tenter de soutenir Bazoum mis à part quelques-uns sans grande conviction hélas). A la suite de l’enlisement de leur stratégie, les dirigeants de la CEDEAO auraient encore dû faire des propositions concrètes aux putschistes au lieu, encore une fois, de s’entêter à chanter « un retour de Bazoum au pouvoir » ce qui signerait un « arrêt de mort » ou de grosses difficultés en vue pour les putschistes. C’est donc l’Algérie qui a fait le travail de la CEDEAO à sa place avec des propositions claires et concises tant pour la crise actuelle au Niger, que pour la suite de la situation au Sahel en général.

L’Algérie entre en jeux

Avec l’entrée de l’Algérie dans le jeux géopolitique au Sahel, cela suppose qu’elle va d’office s’imposer comme le leader de la région (ce qu’elle est). La puissance économique de l’Algérie et sa force de frappe en matière militaire, la laisserait paraître comme la maitresse d’œuvre de la construction d’un nouvel ordre au Sahel qui devrait se baser sur un travail d’ensemble au lieu des attaques les uns contre les autres comme c’était le cas entre le Niger de Bazoum et ses voisins.

L’Algérie propose, au delà d’un plan pour régler la crise au Niger, une initiative pour trouver un solution définitive à la crise au Sahel. Il va sans dire qu’au lieu de s’attaquer à une partie du problème, le pays dirigé par Tebboune, veut s’attaquer à tout le problème « Sahel ». Alger propose « une conférence internationale sur le développement au Sahel dans le but d’encourager l’approche développement et de mobiliser les fonds nécessaires à la mise en œuvre des programmes de développement dans cette région qui a cruellement besoin d’infrastructures sociales et économiques, pour assurer la stabilité et la sécurité de manière durable ».

Une initiative qui aurait dû être prise par la CEDEAO il y a bien une décennie mais l’organisation semblait laisser les rênes à la France et ses alliés de l’Otan pour faire son travail à sa place pendant qu’elle même était en « hibernation allongée » jusqu’à ce que Assimi Goita et ses camarades du Mali la réveillent à coup de fusils.

Paris plus affaiblie que jamais?

Si l’Algérie décide de prendre ses responsabilités de leader, naturel d’ailleurs, de cette région troublée d’Afrique, cela suppose que la France perdra encore un peu plus que ce qu’elle perd actuellement avec la révolte des militaires nigériens contre son champion Mohamed Bazoum. Avec les relations assez tendues entre Paris et Alger et le refus, il y a plusieurs année de l’Algérie de faire partie, à la base, du G5 Sahel, avec la France comme chef de fil, il est clair que les deux ne feraient pas bon ménage ensemble. La preuve, les propositions de sortie de crise d’Alger, ne suggèrent pas un retour au pouvoir du régime déchu et de Mohamed Bazoum. Le fait que l’Algérie ne faisait pas partie du G5 Sahel, faisait bien les affaires de Paris qui y a trouvé une occasion de contrer l’influence d’Alger dans cette région riche. Le retour donc de l’Algérie en scène contrecarre sans doute les plans de l’Elysées.

Ce serait aussi le bon moment pour Alger de réveiller le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), créé en 2010 avec l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, et qui est resté dormant tout le temps, et d’y intégrer de nouveaux membres; vu que le G5 Sahel n’a pas fait mieux depuis sa création. Avec sa doctrine de politique internationale qui lui interdit l’ingérence directe (présence militaire), en dehors de ses propres frontières, l’Algérie mise surtout sur la diplomatie pour régler les conflits. le genre de leader dont aurait besoin le Sahel pour retrouver sa cohésion et redevenir un tout qui s’attaque aux différents fléaux.

Aussi, les pays sahéliens semblent revendiquer, peut-être maladroitement mais c’est un fait, leur indépendance et leur souveraineté face à une puissance anciennement coloniale qui se refuse de reconnaître que les temps où elle avait son mot à dire dans les affaires intérieures étaient révolues et qu’il est peut-être temps de changer de fusil d’épaule pour rester ou, dans le cas contraire, elle se ferait renvoyer comme une malpropre comme ce fu le cas au Mali. Dans tous les cas, l’implication de l’Algérie dans la crise nigérienne va sans aucun doute redistribuer les cartes et relancer la diplomatie pour de vrai.