A Dakar, le procès diplomatique du G5 Sahel

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Général Babacar Gaye, ancien chef de la Minusca en Centrafrique

Ensablé dans un désert financier, détesté par les Etats-Unis, rejeté en partie par des pays influents d’Afrique de l’ouest, le G5 Sahel poursuit son chemin de croix. A sa place, la Cedeao, avec l’aide de son bras financier qu’est l’Uemoa, pousse à une prise en charge globale des questions sécuritaires dans l’espace saharo-sahélien.

Le 6e Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique aura lieu les 18 et 19 novembre au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) à Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de la capitale sénégalaise. En prélude, le ministre sénégalais des Affaires étrangères Amadou Ba, organisateur de l’événement en lien avec la présidence française, a réuni quelques experts de la lutte anti-terroriste pour, déjà, lancer des débats appelés à se poursuivre le mois prochain.

Comme les autres années, le G5 Sahel s’est imposé comme sujet incontournable dans l’évocation de la question terroriste en Afrique de l’Ouest. Composé de la Mauritanie, du Tchad, du Burkina Faso, du Niger et du Mali, il ne parvient pas à endiguer les violences des groupes extrémistes religieux et organisations criminelles dans l’espace saharo-sahélien, surtout dans ses deux maillons faibles malien et burkinabè. Une impuissance opérationnelle aggravée au plan symbolique par l’attentat-suicide contre son quartier général de Sévaré le 29 juin 2018, une attaque revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).

Selon le Général Babacar Gaye, ancien chef de la Minusca en Centrafrique, le G5 Sahel est victime d’un pêché originel qu’il aura du mal à surmonter dans sa configuration actuelle ainsi que dans ses modalités d’intervention. « On ne crée pas des capacités militaires en additionnant des déficits capacitaires », a-t-il souligné. Si la Mauritanie et le Tchad disposent de vraies capacités de projection et de riposte face aux groupes terroristes, il n’en est pas de même pour le Mali et le Burkina dont l’effondrement à moyen terme est de plus en plus agité par des experts militaires.

La mutation du G5 Sahel semble d’autant plus souhaitable, a ajouté l’ex patron de l’armée sénégalaise, que les Nations-Unies « ont atteint leurs limites. On ne transforme pas des forces de maintien de la paix en troupes offensives sans modification du mandat de maintien de la paix en mandat offensif. »

La Cedeao, outil incontournable

Eloigné du G5 Sahel dont il n’a pas souhaité être membre pour des raisons jamais clairement expliquées, le Sénégal affiche aujourd’hui une position ouverte que son ministre des Affaires étrangères porte en public. « Notre attitude vis-à-vis du G5 Sahel est un choix (car) nous sommes d’avis que la crise sécuritaire (dans le Sahel et en Afrique de l’ouest) doit être réglée par des instances ayant une plus grande expérience », a indiqué Amadou Bâ.

L’impotence du G5 Sahel, sans grands moyens financiers et logistiques, dépourvu de capacités opérationnelles dans les guerres asymétriques imposées par les groupes terroristes, et bloqué au niveau politique le plus élevé (ONU) par l’intransigeance américaine, semble avoir incité les chefs d’Etat de la Cedeao à trouver d’autres solutions.

Pour nombre de chefs d’Etat africains, la Cedeao est l’outil politico-militaire incontournable pour prendre en charge les menaces sécuritaires dans l’ouest africain. « Le G5 Sahel est très utile mais la réponse au terrorisme doit être globale », plaide Amadou Bâ. Dans cette perspective, l’organisme régional avait annoncé en septembre dernier à Ouagadougou la mise à disposition d’une enveloppe de 600 milliards de francs Cfa pour soutenir la lutte contre le djihadisme.

Au début du mois d’octobre à Dakar, l’Uemoa dont Macky Sall préside le Haut comité pour la paix et la sécurité avait pour sa part décidé d’allouer 300 milliards de francs Cfa comme contribution « à la lutte pour notre survie », selon les mots du Président Patrice Talon. « Il faut élargir les fonctions économiques de l’Uemoa à un rôle sécuritaire », a insisté le chef de la diplomatie sénégalaise. La question sera sans doute abordée dans les ateliers et plénières du Forum de Dakar dont le thème est : « Paix et sécurité en Afrique : les défis actuels du multilatéralisme. »