Les libertés civiles et les normes démocratiques enregistrent un net recul en Afrique de l’Ouest francophone avec des présidents au pouvoir contournant les limites de mandat et muselant les militants pro-démocraties et les opposants, a déclaré CIVICUS, à l’approche les élections présidentielles en Guinée (18 octobre) et en Côte d’Ivoire (31 octobre).
Au cours des six prochains mois, une série d’élections se tiendra dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest francophone. Les élections débuteront en Guinée et en Côte d’Ivoire en octobre, puis au Burkina Faso (novembre), au Niger (décembre-janvier) et au Bénin (avril). Le Togo a déjà organisé une élection présidentielle contestée en février 2020.
Au Togo, en Guinée et en Côte d’Ivoire, la violence et les tensions politiques sont alimentées par le refus des présidents de ne pas se retirer à la fin de leur mandat. Au Bénin, des changements récents dans les conditions d’éligibilité signifient que les membres de l’opposition pourraient ne pas être en mesure de se présenter à la prochaine présidentielle, tandis que la Côte d’Ivoire, le Niger et le Burkina Faso sont actuellement confrontés ou sont en train de sortir de conflits armés violents qui sont utilisés pour justifier des lois et politiques répressives.
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En outre, les restrictions introduites en réponse à la pandémie COVID-19 ainsi que l’avancée de groupes armés du Sahel vers le golfe de Guinée rendent la situation plus instable. Dans ce climat politique tendu, le nouveau rapport « L’espace civique en recul à l’approche des élections en Afrique de l’Ouest francophone » examine les outils de répression utilisés pour affaiblir les groupes d’opposition, saper le travail des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes, avec un accent sur le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Niger et le Togo.
Ce rapport documente les récentes perturbations d’Internet, l’arrestation de centaines de journalistes et d’activistes pro-démocratie ainsi que les homicides de dizaines de manifestants pacifiques lors des manifestations organisées au cours des trois dernières années. Les gouvernements utilisent des lois restrictives, des processus d’enregistrement trop complexes, le harcèlement judiciaire et un recours excessif à la force pour réprimer la société civile, en particulier lorsque la divergence d’opinion est exprimée en ligne ou lors de manifestations.
« Plutôt que de travailler avec la société civile pour créer un environnement propice à des élections libres et équitables en Afrique de l’Ouest, les autorités répriment les défenseurs des droits humains et les militants pro-démocratie. Dans l’espoir d’éradiquer toute opposition, elles ont créé un climat de peur qui alimente la violence politique, érode l’état de droit et mine la stabilité régionale », a déclaré François Patuel, chercheur principal sur l’Afrique de l’Ouest et auteur du rapport.
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En Guinée, où le président Alpha Condé se présentera pour un troisième mandat le 18 octobre 2020, plus de cinquante personnes ont été tuées depuis octobre 2019 lors de manifestations organisées par l’opposition politique et le groupe pro-démocratie Front National de Défense de la Constitution (FNDC). En mars 2020, le référendum constitutionnel qui a ouvert la voie à la candidature d’Alpha Condé pour un troisième mandat a été marqué par la fermeture des réseaux sociaux ainsi que par des affrontements intercommunautaires en Guinée forestière qui ont fait plus de 30 morts. Des dizaines de sympathisants du FNDC et de journalistes ont été arrêtés depuis la création du mouvement en avril 2019.
En Côte d’Ivoire, au moins 12 personnes ont été tuées lors de manifestations et d’affrontements entre militants politiques à la suite de la décision du président Alassane Ouattara de se présenter pour un troisième mandat à l’élection présidentielle prévue le 31 octobre 2020. Les manifestations publiques sont interdites depuis août 2020. Les autorités ont adopté des lois criminalisant les fausses nouvelles et les ont utilisées pour cibler des journalistes, des blogueurs et des politiciens exprimant leur divergence d’opinion, y compris des parlementaires comme Alain Lobognon qui est en détention depuis décembre 2019.
Au mépris des institutions régionales, la Côte d’Ivoire a ignoré les ordonnances de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples exigeant la libération des sympathisants de Guillaume Soro et demandant aux autorités de permettre à Guillaume Soro et Laurent Gbagbo de se présenter à la présidentielle.
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« Les groupes locaux de défense des droits humains ne prennent pas en charge les affaires politiques sensibles par peur de représailles. Même les avocats ont peur. » – Une femme défenseure des droits humains, Abidjan, 15 mai 2020. « Sur le papier, le droit à la liberté d’expression est censé être protégé. Mais dans la pratique, les journalistes sont intimidés lorsqu’ils écrivent sur des sujets sensibles tels que les droits fonciers, la brutalité policière et la corruption. » – Entretien avec un défenseur des droits humains, Lomé, 14 mai 2020.
Avec le recul des libertés civiques dans toute l’Afrique de l’Ouest francophone, les organisations de la société civile ont besoin du soutien des partenaires régionaux et internationaux pour rester en sécurité, pour s’assurer que leur voix est entendue dans les forums internationaux et régionaux et pour augmenter la pression sur les autorités nationales pour un changement positif en matière de droits humains.
La CEDEAO et l’Union africaine, en particulier, doivent affermir leur réponse face au mépris des autorités pour les normes et instruments régionaux, y compris les efforts de ces dernières visant à affaiblir la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Source : civicus.org (CIVICUS est une alliance mondiale d’organisations de la société civile et d’activistes qui s’engagent à renforcer l’action citoyenne et la société civile dans le monde entier.)