« Si on arrête de dénoncer la corruption, il vaut mieux changer de pays ! »

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Marc Eichinger, ancien trader et agent secret, enquêter et lanceur d’alerte

Dans « L’homme qui en savait beaucoup trop », Marc Eichinger, ancien trader et agent secret, enquêter et lanceur d’alerte, nous guide à travers les méandres de scandales d’État, dresse un tableau édifiant de la corruption en France et nous alerte sur les conséquences désastreuses qu’elle engendre pour les populations.

Pourquoi ce livre, un livre de plus sur la corruption en France ? Ne craignez-vous pas d’être une voix supplémentaire dans le chœur hurlant dans le désert ?

L’écriture soulage la mémoire, et la mémoire de ce livre, c’est dix ans de travail. Si on arrête de dénoncer la corruption, même lorsqu’il y a un scandale d’État comme la gestion d’Areva qui a des répercussions internationales, il vaut mieux changer de pays. J’ai vécu notamment en Irak ou au Niger qui sont des pays tellement corrompus que le quotidien est insupportable pour ceux qui vivent là-bas. On comprend pourquoi derrière il y a des phénomènes terroristes qui naissent de « l’acceptocratie » de cette corruption.

C’est tellement étouffant, tellement injuste que les populations n’ont d’autre choix que de se rebeller. Si on ne veut pas en arriver là, il faut que la France applique sa loi anti-corruption et qu’elle prenne conscience que nous sommes sérieusement gangrénés. Il y a de graves problèmes aux ministères de la défense, de la justice, etc. Cette corruption s’attaque aux piliers de la société, comme l’eau de mer avec un château de sable : ça commence par imbiber la base, tout s’effondre ensuite. C’est un problème fondamental pour une société civile qui veut rester démocratique.

Comment expliquez-vous que la justice et les institutions dans leur ensemble sont inhabiles, inefficaces à gérer ces problèmes de corruption ?

Par rapport à d’autres pays, par exemple la Roumanie qui souffre énormément de la corruption, notre budget est nettement moins important. En France, vous avez différentes entités de police chargées de lutter contre la criminalité financière. Plus vous les atomisez, plus vous êtes sûr qu’il n’y a en aura aucune qui sera vraiment dangereuse : les budgets seront limités et les gens à l’intérieur mutés d’un poste à l’autre sans avoir la formation nécessaire pour être performants sur de gros dossiers.

Il n’est pas dans l’intérêt des pouvoirs politiques qui se succèdent d’avoir un bras anti-corruption fort. Prenez l’affaire Karachi avec Balladur, ou l’affaire Raymond Barre qui avait 12 millions d’euros sur un compte en Suisse… les exemples sont nombreux ! Mais là où ça dérape, c’est que les politiques perdent eux-mêmes le contrôle. Dans les six services de renseignement français, il y a des problèmes de corruption majeurs, où va s’arrêter le risque, la corruption ? Il faut une lutte importante, qui se fasse avec des lois françaises sans recourir au Bribery Act britannique ou au FCPA (Foreign Corrupt Practices Act, ndlr) américain.

Aujourd’hui, quand vous avez un gros dossier à traiter, la France ne faisant pas son travail, votre seul recours éligible est la loi anti-corruption américaine ou britannique. Ces pays connaissent la qualité des dossiers, comprennent la gravité de la chose, mais me disent : « la France est un état de droit, on va attendre que l’instruction suivre son cours. Mais s’il ne se passe rien, on ne laissera pas un état se conduire ainsi sans retour de bâton ». Or souvent, il ne se passe rien puisque, l’enjeu, c’est de jouer la prescription. Pour la corruption, elle est de dix ans. Passé ce délai, il devient difficile d’agir.

Quel est votre sentiment par rapport à l’actualité concernant le procès Karachi ?

Aujourd’hui, Édouard Balladur n’est pas condamné et a droit à la présomption d’innocence. Le parquet a requis 50 000 € d’amende et un an de prison avec sursis. 25 ans d’instruction pour en arriver là… Dans cette affaire, pas un seul accusé, en dehors de Ziad Takieddine, n’a fait de la prison. Il n’y a pas assez de sanctions et on n’applique pas suffisamment la loi. Les affaires de corruptions sont passibles de dix ans d’emprisonnement, il ne faut pas condamner quelqu’un à un an avec sursis, simplement parce qu’il a été ministre.

Avoir été ministre est un honneur, on doit être exemplaire, et si en plus on s’en met plein les poches, on doit être sanctionné beaucoup plus fort que si on est un quidam qui a fait ça pour manger. Édouard Balladur ne s’est même pas présenté au tribunal et a le droit d’accès à la Cour de justice de la République où il a la garantie d’être jugé comme ministre, donc au-dessus du peuple !

Or, ni vous ni moi n’y aurons droit ! Pourquoi y aurait-il une justice d’exception pour des gens qui auraient commis des crimes et des délits, sous prétexte qu’ils étaient ministres à l’époque des faits ? Regardez Israël : Benjamin Netanyahou, premier ministre depuis 2009, peut être perquisitionné, auditionné et démis de ses fonctions du jour au lendemain. En Israël, ils ont conscience de la gravité de la corruption, alors que les sommes en question sont toutes petites par rapport à la France ! C’est un exemple, ceux qui n’aiment pas Israël trouveront d’autres pays où les choses se passent de la même façon.

En tant que citoyen, notre marge de manœuvre est très faible, mais il s’en trouve encore beaucoup pour élire des personnes suspectées de corruption. Pourquoi ?

Peu de personnes font l’effort de chercher une information fiable et se disent qu’ils vont voter pour le moins mauvais. Vous n’avez guère le choix entre deux personnes au second tour, vous votez sans trop d’espoir et au bout d’un temps naît le désespoir réel. C’est là que ça devient dangereux et que ça bascule. Les Gilets Jaunes sont nés parce que Macron portait beaucoup d’espoir et a déçu rapidement, alors qu’il aurait pu faire des réformes très simples, peu coûteuses et rapides.

Dans son programme il promettait par exemple de faire disparaitre la Cour de justice la République. Il ne l’a pas fait, alors que ça prend une matinée et une ordonnance ! Au bout d’un moment, la personne qui va être jugée pour avoir grillé un feu rouge, qui souffre tous les jours de l’injustice, et qui a voté pour quelqu’un qui ne fait rien, se tourne vers une source d’expression du désespoir qu’est la violence. Cela me désole, parce que c’est beaucoup trop tard, on peut très bien intervenir en amont pour faire le minimum de ce qui a été promis, qui ne coûte rien et permettrait de réduire l’impact. C’est normal que les gens soient désespérés, la crise du Covid rend ce désespoir encore plus aigu.

Votre parcours est riche aussi sur un plan économique. Quelle est votre analyse de la crise sanitaire ? La France risque d’en sortir exsangue, et dans le même temps l’État ne se donne pas les moyens d’aller récupérer les centaines de millions, voir les milliards qui devraient revenir dans ses caisses. Que va-t-il se passer ?

Avec cette dette, ça va très mal finir. Je ne me souviens pas en quelle année la France a eu un excédent budgétaire. Or, au moment du passage à l’euro au niveau des marchés, on nous disait qu’on serait à l’équilibre. Ça n’est jamais arrivé. On arrivera sans doute à une situation comme celle de la Grèce ou de Chypre où on a dit aux gens : « il est vendredi soir, on ferme les banques, si vous avez plus de 50 000 € sur un compte en banque, dès lundi, c’est pour l’État. »

Les retraités chypriotes ou grecs qui avaient mis de l’argent de côté ont pleuré, mais c’était fini ! Les gens qui ont un peu d’argent en France, ce sont les retraités. Ceux qui le peuvent soutiennent leurs familles, mais c’est la seule catégorie de population qu’on peut encore taper… Voilà comment on réduit une crise, et ça nous pend au nez.

Que dîtes-vous à toutes les personnes qui proposent des scénarios d’annulation de la dette ?

Si vous pensez qu’on peut simplement annuler la dette et que ça n’a pas de conséquence, prêtez-moi de l’argent, je ne vous le rendrai jamais, et on verra si ça n’a aucune conséquence ! Individu, Personne physique, fonds d’investissement, institution financière ou État, si vous ne rendez pas l’argent, vous faites faillite. L’annulation de la dette est, selon moi, une vue de l’esprit.

Ces gens pensent que la BCE (Banque centrale européenne, ndlr) peut imprimer de la monnaie et faire cadeau de la dette, mais ont-ils compris ce qu’était la République de Weimar avant la seconde guerre mondiale, période pendant laquelle il fallait aller avec des brouettes de billets chercher un morceau de pain ? Au Zimbabwe, j’ai vu l’impact que ça peut avoir. J’ai encore chez moi des billets de cent trillions de dollars zimbabwéens avec lequel vous n’aviez pas une baguette de pain ! Ce chemin est pavé d’ennuis, de souffrances et de misères.

Alors que fait-on ?

On doit se donner des priorités et arrêter de vivre au-dessus de nos moyens. Depuis 2014, nous sommes dans le Sahel avec l’opération Barkhane qui nous a coûté en 2019 et 2020 environ 2,8 milliards d’euros. Et c’est parti pour durer, alors que c’est à fond perdu, et qu’il n’y a aucun calendrier, ni objectif clair. Que veut-on arrêter avec Barkhane ? La pauvreté au Sahel qui génère le terrorisme ? Vous voulez envoyer le 2ème REP (2ème Régiment étranger de parachutiste, troupe d’élite de la Légion étrangère, ndlr) pour éliminer la pauvreté ? De qui se moque-t-on ?

Rien qu’au Niger, il y a 800 000 naissances par an. Cette population n’a aucune ressource, pas d’accès à l’éducation ou à l’eau. Les seules options de ces gens, c’est mendier dans la rue ou aller à l’école coranique, la seule qui peut encore les accepter. Je pense qu’il faut qu’on arrête de se mêler de ce qui se passe ailleurs, pour gérer chez nous, d’abord. Quel pays a encore les moyens de faire intervenir son armée à l’étranger ? Certainement pas la France !

Nous sommes couverts de dettes, les banlieues sont exsangues, des secteurs entiers ont besoin d’aide. On voit ce qui se passe dans ce pays, donc cela doit être la priorité. Occupons-nous de résoudre les problèmes de la police et de la gendarmerie en France avant d’aller guerroyer en dépensant de l’argent en OPEX (Opération extérieure, ndlr).

Le but de votre livre est d’informer les citoyens et d’aider l’État à aller récupérer l’argent là où il est. Commençons donc par le scandale UraMin, nom d’une jeune société minière cotée sur la Bourse de Toronto (TSX). Que s’est-il passé dans cette affaire ?

La première chose est que, au fur et à mesure de mes enquêtes, j’ai découvert que le monde du nucléaire est assez glauque avec des personnages douteux dans lequel il y a de gros problèmes de corruption, un peu comme dans le monde de l’armement. Globalement, UraMin est une affaire de corruption présumée, car pas encore jugée et toutes les personnes ont droit à la présomption d’innocence.

Mais pour résumer : en juillet 2007, la société Areva boucle son OPA (offre publique d’achat, ndlr) et rachète pour 1,8 milliards d’euros UraMin, une société d’exploration minière détenant des gisements d’uranium en Afrique, qui se sont tous avérés inexploitables. Areva cherche à vendre un produit, la technologie des EPR (European Pressurized Reactor, ndlr) qu’aucun pays ne veut et qui n’a pas d’antériorité : Olkiluoto en Finlande ne fonctionne pas, Flamanville en France et Taishan en Chine ont aussi les mêmes problèmes. Donc pour vendre, il faut être convaincant financièrement. Areva a par exemple vendu deux EPR en Chine et les responsables du nucléaire chinois ont été arrêtés, le n°1, Kang Rixin, condamné à la prison à vie.

Pour convaincre financièrement les personnes en charge d’accepter les contrats pour les EPR, il faut une caisse noire, créée via une OPA qui permettra de faire sortir de l’argent d’une entreprise d’État puis de mettre en place un système de rétrocommission ?

Voilà, mais faisons simple : Vous avez une voiture bas de gamme qui vaut 10 000 €. Je vous propose de la racheter 100 000 €. Vous vous réjouissez déjà de cette super occasion (rires) ! Mais j’ajoute que, de ces 100 000 €, vous allez m’en rendre 80 000. Vous faites tout de même une belle affaire puisque vous gardez 20 000 alors que ça vaut 10 000 ! Facialement on a fait une opération à 100 000 €, mais en fait vous me rétrocédez 80 000 € offshore et tout le monde est content : vous avez très bien vendu votre voiture, et moi j’ai mis de côté 80 000 €. C’est ça, l’affaire UraMin : vous remplacez la voiture par une société et vous avez le schéma.

Comment valoriser une entreprise comme UraMin qui ne vaut rien ? Comment faire un faux bilan ?

Dans le domaine minier, c’est très facile. Je vous donne un exemple fictif : j’ai obtenu une licence minière au Niger en allant voir le ministre des mines à qui j’ai donné une enveloppe. J’ai obtenu cette licence, alors que je n’ai aucune compétence et que j’ai une société créée il y a peu de temps. Je vais payer ensuite un géologue et lui demander un rapport identifiant un potentiel important.

Tant que je ne fais pas d’exploitation, je vends du potentiel, du rêve. Ensuite, je peux aller à la bourse de Toronto en disant : « J’ai une licence minière à gros potentiel à côté de celle d’Areva qui a de l’uranium. J’en ai surement aussi puisque je suis à côté. Donnez-moi de l’argent, je vais lever des fonds, et j’aurai un des gisements les plus importants au monde. » Même si vous trouvez du pétrole, de l’uranium ou de l’or, il faut que ce soit exploitable, donc concentré à un endroit. C’est sur ce flou que s’appuient beaucoup d’entreprises qui vendent du rêve. Le problème, c’est que ce sont des véhicules très utilisés pour le blanchiment d’argent, et ça c’est un préjudice.

Si vous participez à lutter contre la corruption, c’est aussi parce qu’elle fait beaucoup de victimes.

Absolument. En 2004, Areva comptait 72 000 employés, puis 41 847 en 2014, et environ 20 000 dès 2018. Cette gestion catastrophique d’Anne Lauvergeon nous aura couté très cher, environ 10 milliards de fonds publics. Or là aussi, tout est basé sur de la cooptation et de la communication ! Du personnage d’Atomic Anne, vendu par sa conseillère en communication, jusqu’aux coquilles vides achetées des fortunes et supposées être des filons.

Ce qui est vrai pour le secteur du nucléaire l’est pour toutes les autres affaires de corruption. La corruption, c’est autant d’argent qu’on ne met pas dans l’école, la santé, etc. Le préjudice est là : on nous ponctionne une masse d’impôt importante, on fait de la dette pour combler les trous et on nous dit qu’il n’y a rien à mettre en face. Au Canada, la loi Uramin, S220, a été présentée sans succès par l’ancienne Sénatrice Céline Hervieux-Payette, il faut lui rendre hommage. C’est la première fois qu’une affaire française a donné lieu à un projet de loi dans un pays tiers.

Il y a eu un silence de mort en France à ce sujet mais on trouve le rapport et le texte sur Internet. Un jour cette loi sera représentée. Pour le moment, plus de dix ans après les faits, l’affaire UraMin n’est pas jugée, peu instruite et on doit répéter que toutes les personnes mentionnées ont droit à la présomption d’innocence dans une affaire de corruption présumée.

Pensez-vous encore possible d’inverser la tendance en matière de corruption ?

Je me souviens de New York sous la coupe de cinq familles mafieuses. Le FBI et le maire avaient fait des infiltrations et mené une guerre très dure permettant qu’on revienne à une normalité. Tout n’est pas fini, mais on est revenu à un niveau supportable. Cet effort, il faut le faire en France, sinon vous perdez le contrôle de vos sociétés civiles. On est sur la pente plus que raide et vous ne savez pas à quel point ça peut accélérer.

À partir du moment où vous allez devoir payer pour une place en crèche, un meilleur traitement à l’hôpital, bref où tout sera enveloppe, là, ce sera foutu. Et vous n’aurez pas encore touché le fond. Après la chute de Saddam Hussein en Irak, tout dans la vie était corruption. On ne pouvait rien faire sans. Il y avait un abandon de la population tel que leur seul moyen de survie était d’aller vers la violence.

J’ai vu des enfants se prostituer pour 5 $, d’autres prendre les armes pour pouvoir manger. Encore une fois, pour des gosses qui n’ont connu que la guerre, les camps de réfugiés, etc., comment se repérer, se projeter dans une société civile apaisée, normale ? Ces phénomènes créent du terrorisme qui devient une raison de vivre et une chance de mourir.

Votre prochain livre traite d’ailleurs de la participation d’une entreprise française au financement de Daech. Pouvez-vous en dire un mot ?

À partir de 2014, Daech a mis la main sur des champs pétroliers dans le Nord de l’Irak et en Syrie. Ils produisaient peu, mais suffisamment pour gagner de l’argent. Daech a donc eu besoin d’une sortie et d’un marché à l’export. Ils ont pu camionner l’huile jusqu’en Turquie et le terminal de Dörtyol, où elle a été chargée sur des tankers. C’est une société française, qui a investi assez lourdement à partir de 2012 pour développer le terminal de Dörtyol, qui s’est chargée de cette huile et l’a mise sur des bateaux. Des traders, sachant très bien qu’il s’agissait du pétrole de Daech, ont vendu cette huile à des raffineries italiennes, en Israël et un peu aux États-Unis.

On prétend que c’était uniquement du pétrole illégal kurde, qui ne devait pas être identifié par Bagdad, mais c’était mixé avec le pétrole de Daech ! Si l’État islamique n’avait pas pu bénéficier de ces circuits,  il n’aurait probablement pas pu financer son califat. Donc pas de califat, pas d’attentats à Paris, ou en tous les cas pas de la même façon. Sans la capacité d’export mise en place par une société française, qui savait parfaitement ce qu’elle faisait, le scénario aurait été tout autre ! Une enquête préliminaire est ouverte en France et en Italie, et une entraide judiciaire a été demandée en Suisse. Le dossier a aussi atterri aux États-Unis, et ils sont bien embêtés.

Ce livre que je suis en train de terminer est donc une histoire d’enrichissement aveugle, et de compromissions catastrophiques qu’il faut mette à jour, car les victimes, les policiers, les parlementaires ont le droit de savoir. Le livre va faire aussi l’objet d’un documentaire, nous le tournerons en français ou en anglais si nous devons subir des pressions en France. Les menaces, les intimidations, les portes soudainement fermées, ne sont que des engrais à ma détermination. J’ai une superbe équipe en production/réalisation, et nous allons soulever les montagnes. Nous le devons à Daphné Caruana Galizia, cette journaliste maltaise qui a été tuée alors qu’elle travaillait sur le même réseau, mais un peu en aval.

Je connais aussi la difficulté que représente le travail de la cellule Allat (qui vise à synthétiser le renseignement opérationnel sur la menace terroriste sur le territoire national, ndlr) de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure, ndlr). Ils vont comprendre à quel point on les a pris pour des imbéciles. On ne va pas attendre 40 ou 50 ans pour s’en apercevoir. C’est maintenant que justice doit passer.

Les scandales que vous soulevez sont gigantesques, mais que peut-on faire individuellement ?

Pour aller au combat, il faut des budgets et des moyens, sinon c’est impossible. Individuellement, mon éditeur, Massot, organise le 19 février une levée de fond au travers de KissKissBankBank et l’offre qu’il propose est exceptionnelle. Je vous conseille déjà de participer à ça. Nous avons besoin d’acteurs courageux qui acceptent de publier de l’investigation car ils sont lourdement attaqués en France. Il faut aussi lancer le combat pour la réforme de l’article 55 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui n’a toujours pas été révisée en profondeur.

La dernière fois que je suis allé au tribunal pour une affaire de presse, j’ai vu une présidente noyée dans les dossiers à reporter tous les trois mois pour éviter la prescription des faits.Beaucoup reste à construire dans le domaine de la corruption. Des associations comme Sherpa et Anticor sont faibles et souvent incapables de répondre à cette question. Il y a une place pour ceux qui souhaitent créer d’autres structures et fédérer de la puissance. Si des organismes comme Anticor et Sherpa ont peu de moyens, c’est aussi parce qu’ils ne répondent pas assez aux besoins, aux attentes.

La corruption n’a pas de couleur politique. Il y a encore l’espace pour monter une structure dédiée au combat contre la corruption, qu’importe le drapeau ou la couleur. Les gens qu’on a en face de nous sont des criminels qui se moquent des frontières et des lois et n’ont aucun respect pour l’humain.

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