[Tribune] Présidentielle au Niger, la Cour Constitutionnelle face à l’histoire !

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Vue partielle des membres de la Cour constitutionnelle du Niger

Le candidat de l’alternance, qui revendique la victoire de l’élection présidentielle, a informé l’opinion du dépôt de son dossier de recours auprès de la Cour Constitutionnelle. Aussi, au moment où les regards de tous les citoyens épris de paix et de justice sont tournés vers la Cour constitutionnelle, il serait peut-être important de revenir sur un fait qui est passé presque inaperçu en 2011, mais qui reflétait le degré de professionnalisme du juge électoral de l’époque. Et ceci, dans l’espoir que ce rappel sera inspirant pour la Cour constitutionnelle actuelle, qui a désormais l’historique responsabilité de prendre une décision qui aurait immanquablement un impact sur l’issue du contentieux électoral et l’évolution d’un climat politique marqué par une tension sans précédent.

En effet, l’examen de l’intégralité de l’arrêt n°006/11/CCT/ME du 22 février, permet de constater que la Cour de l’époque a procédé à l’annulation des résultats de près de 555 bureaux de vote. Une annulation, à l’issue de laquelle le nombre des suffrages exprimés valables est passé de 3.376.611 (dans les résultats provisoires transmis par la CENI) à 3.298.641, comme indiqué dans l’arrêt portant sur les résultats définitifs. Ce fut ainsi pas moins de 77970 voix, qui ont été invalidées.

Comme je l’avais indiqué dans un article de sensibilisation publié en… janvier 2016, les motifs d’invalidation de ces 77.970 voix, peuvent globalement être divisés en deux. Ceux qui sont relatifs à la composition du bureau de vote, d’une part, et, d’autre part, ceux qui ont trait au Procès-verbal établi par les membres des bureaux de vote.

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Les annulations ayant un lien avec le Procès-verbal concerneraient 516 bureaux de vote, soit 93% des 555 cas évoqués. Et elles seraient fondées, selon les explications données par le juge électoral, sur l’article 89 du code électoral. Repris intégralement à la page 4 de l’arrêt n°006/11/CCT/ME du 22, celui-ci stipule, entre autres, que : « Le président donne lecture à haute voix des résultats du scrutin qui sont aussitôt affichés par ses soins dans la salle ou à l’entrée du bureau de vote. Mention de ces résultats est portée au procès-verbal rédigé par le Président ou le Secrétaire et signé par tous les membres du bureau de vote ainsi que tous les délégués des partis politiques ou des candidats présents […] ».

Ainsi, sur les 516 bureaux de vote dont les résultats avaient été annulés pour des raisons liées au procès-verbal, on dénombre :

  • 255, avec des procès-verbaux manquant le nombre requis de signatures ;
  • 126 dont les procès-verbaux ne seraient pas parvenus au juge électoral. Une situation qui ne lui permettait par conséquent pas d’exercer le contrôle indispensable à la validation des résultats de ces bureaux ;
  • 106 cas dans lesquels, les Procès-Verbaux auraient été dépourvus d’une ou de plusieurs mentions exigées, ou bien jugés inexploitables par le juge électoral, car illisibles ou manquant de clarté.
  • Et 29 cas d’incohérence, au niveau de la retranscription des résultats sur les Procès Verbaux, avec des suffrages exprimés valables inférieurs aux voix réparties entre les candidats.

Quel sort, la Cour constitutionnelle actuelle réservera-t-elle donc aux Procès-verbaux qui n’ont pas été signés par les représentants du candidat de l’alternance ? Va-t-elle invalider les résultats des bureaux de vote concernés ? Et au cas où elle décidait, malgré tout, de les prendre en compte, n’enfreindrait-elle pas le code électoral en vigueur, qui indique clairement, en son article 88, que « la signature des membres du bureau de vote ainsi que celle des délégués des partis ou groupements de partis politiques et des représentants des candidats indépendants présents », figure parmi les mentions que le procès-verbal doit comporter ? Et dans ce cas, quel crédit serait-on tenu de lui accorder ?

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Ces questions se posent, car les PV litigieux concernent surtout les bureaux de vote des communes où le candidat de la continuité avait été déclaré vainqueur, et sur lesquels reposent d’une certaine manière sa victoire. Une application stricte du Code électoral, comme cela avait été faite en 2011, pourrait remettre en cause les résultats provisoires.

Les décisions et avis de la Cour ne sont susceptibles d’aucun recours et sont donc mis à l’abri des contestations, par loi. Mais la loi, serait-elle en droit d’exiger le respect du verdict d’une Cour qui serait elle-même coupable de violations flagrantes de la loi ? La question se pose et s’impose surtout aux citoyens qui sont attachés à la fois au respect de la loi et à la survie du processus démocratique nigérien, dans ce qu’il a d’authentique et légitime.

Enfin, la Cour Constitutionnelle tient entre ses mains, la précieuse occasion de prouver à l’opinion nationale et internationale que le scepticisme, la méfiance, les doutes, etc., dont elle a fait et fait l’objet, sont complètement injustifiés, en prenant une décision objective, impartiale, digne des rangs de ses membres, et qui serait surtout à la hauteur de la gravité de cette situation inédite que traverse ce pays. Vivement…

Cette Tribune dont le titre est choisi par la Rédaction est signée par Dr Élisabeth Cherif Chako