Eric P. Whitaker, Ambassadeur des États-Unis au Niger: « Protéger la liberté de la presse est fondamentale en démocratie »

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Chaque 3 mai, la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse nous invite à « Célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, évaluer l’état de la liberté de la presse dans le monde, défendre les médias contre les atteintes à leur indépendance et rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’accomplissement de leur devoir. » Assurer la sécurité des journalistes est le principal moyen par lequel nous favorisons l’indépendance et la liberté de la presse. Un tel objectif est également essentiel pour garantir l’accès du public à l’information et est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie. Et en effet, la menace est réelle.

Selon le Washington Post, en 2019, au moins 25 journalistes ont été tués dans 13 pays. Même si le nombre de 25 décès est en baisse par rapport aux années précédentes, 25 autres homicides de journalistes font toujours l’objet d’une enquête par le Comité pour la Protection des Journalistes, un groupe américain de défense du journalisme, indépendant, à but non lucratif et non gouvernemental. Dix des 25 journalistes tués en 2019 ne l’ont pas été par des tirs croisés ou lors d’une mission dangereuse, mais ont été ciblés et assassinés, a indiqué le Comité.

Bien que le taux de meurtres soit le plus bas enregistré par le Comité depuis qu’il a commencé à collecter des données en 1992, le Dr Courtney Radsch, directeur des activités de plaidoyer du Comité, a déclaré qu’il était inquiétant que de nombreux meurtres aient été enregistrés dans des pays sans conflits armés actifs, mais plutôt dans des pays où l’impunité des criminels et des contrevenants à la loi est largement répandue.

Le meurtre effronté de Jamal Khashoggi, un chroniqueur du Washington Post et critique du Prince Héritier Saoudien Mohammed bin Salman, en octobre 2018 dans l’enceinte du Consulat Saoudien à Istanbul, a provoqué une condamnation généralisée et suscité l’indignation mondiale. « Cela a attiré tellement l’attention sur l’Arabie Saoudite que l’on ne peut qu’espérer avoir envoyé un signal à d’autres pays que le monde regarde », a déclaré Radsch. L’impunité dans d’autres cas moins connus reste répandue. De nombreux journalistes tués au cours de la dernière décennie étaient des journalistes locaux ciblés pour couvrir les conflits, la corruption ou la violence des gangs dans leurs propres communautés.

Même si moins de journalistes ont été tués en 2019 par rapport aux années passées, les atteintes à la liberté de la presse restent répandues. Les gouvernements du monde entier ont accusé des journalistes de publier de fausses nouvelles, attaqué des organes de presse et suspendu l’accès à Internet. L’augmentation du nombre de journalistes arrêtés pour « fausses nouvelles » dans le monde est inquiétante. Cet aperçu ne décrit que la partie émergée de l’iceberg des défis auxquels les journalistes sont confrontés quotidiennement pour informer le public sur les questions qui les concernent, eux et leurs familles.

C’est pourquoi j’ai été encouragé d’entendre que le Niger est passé de 66ème sur 180 pays l’an dernier à 57ème dans l’indice mondial de la liberté de la presse 2020. L’Index, un rapport annuel créé par Reporters Sans Frontières, a attribué au Niger une baisse importante et encourageante des violations de la liberté de la presse en 2019, bien qu’il ait averti qu’il ne voyait que peu de changement dans l’environnement global difficile des médias et des journalistes.

Dans le contexte régional du Niger, marqué par la lutte contre le terrorisme, les visites de journalistes dans les zones les plus dangereuses du pays sont encore limitées et il reste très difficile d’obtenir des informations précises sur l’impact et le terrorisme sur les communautés. Le rapport indique que les autorités nigériennes et certaines organisations internationales sont responsables des restrictions à la divulgation d’informations. Le rapport indique également que bien qu’il n’y ait pas eu de journalistes en prison en 2019, ces dernières années, plusieurs journalistes ont été arrêtés par la police et des médias ont été suspendus de manière arbitraire. De plus, les journalistes sont parfois jugés et emprisonnés en vertu du code pénal au lieu d’être jugés en vertu de la loi sur les médias, qui a dépénalisé les délits de presse. Bien que je me réjouisse que la tendance générale à la liberté de la presse au Niger soit positive, je note également que davantage de progrès sont nécessaires pour permettre aux journalistes de faire leur travail.

L’Ambassade des États-Unis est aux côtés des journalistes du monde entier pour défendre la liberté de la presse et nous nous engageons à soutenir un journalisme responsable. Nous pensons que le développement d’une presse solide et fiable fait partie de la bonne gouvernance et est un élément essentiel de notre partenariat. Pendant que nous travaillons avec nos partenaires Nigériens pour promouvoir le développement économique et la sécurité, nous nous concentrons également sur le renforcement du corps de presse par le biais de formations et d’autres programmes. À l’Ambassade des États-Unis, nous faisons la promotion de la profession de journaliste au Niger à travers nos nombreuses initiatives qui investissent pour faire en sorte que les journalistes d’aujourd’hui et de demain soient équipés pour relever les défis, technologiques et autres, de cette profession exigeante.

Par exemple, nous avons parrainé plusieurs sessions de formation pour des centaines de participants, allant de journalistes chevronnés à des reporters débutants en passant par des étudiants de tout le Niger sur des sujets tels que la communication efficace, les techniques de reportage, les réseaux sociaux, la technologie moderne et les blogs. L’an dernier, nous avons organisé un concours « Heroes of Journalism » à l’occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse pour distinguer six des meilleurs journalistes du Niger. Nous continuerons également d’aider à la formation et aux échanges de journalistes qui, selon nous, ont eu un impact profond sur des centaines de nouveaux journalistes ainsi que des journalistes expérimentés. Et nous continuerons à soutenir les journalistes dans leurs efforts pour assurer une presse libre et impartiale au Niger, qui renforce l’expression démocratique et les libertés civiles nigériennes.

Une presse libre est le rempart d’une société démocratique. En tant que citoyens, nous avons le devoir fondamental de rester informés afin de déterminer la direction que prend notre société. Nous comptons donc sur un corps de presse travailleur et responsable qui rend compte de l’actualité d’une manière qui protège et renforce la liberté de la presse. Les journalistes qui respectent les normes d’intégrité et d’éthique les plus strictes, qui ne véhiculent pas de fausses nouvelles, qui assument la responsabilité de l’exactitude des reportages, et qui sont impartiaux sont essentiels pour atteindre cet objectif. Nous restons, comme toujours, un partenaire dans cet effort vital.