Entretien avec Dr Niagalé Bagayoko, présidente du Réseau Africain Security Sector Network

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En marge de l’atelier de formation sur « l’Indice de la Gouvernance du Secteur de la Sécurité », organisé du 7 au 9 octobre 2019 à Niamey par le Réseau GENOVICO en partenariat avec Africain Security Sector Network (ASSN), la présidente de l’ASSN a bien voulu nous accorder une interview.

Dans cet entretien, Dr Niagalé Bagayoko a d’abord présenté son organisation qui œuvre à promouvoir la gouvernance dans le secteur de la sécurité, à la rendre démocratique et respectueuse des droits de l’homme. Elle explique également l’importance pour un pays d’asseoir une telle gouvernance qui permet au citoyen de connaitre le fonctionnement du système de sécurité.   

Dr Niagalé Bagayoko, pouvez-vous nous présenter votre organisation et les objectifs qu’elle poursuit ?

Africain Security Sector Network a été créé en 2003. Initialement, il s’agissait d’un réseau de patriciens et d’experts universitaires intéressés par les questions de réformes des systèmes de sécurité, c’est-à-dire, les processus politique et technique qui ont pour objectifs de faire en sorte que les Forces de défense et de sécurité (FDS) ainsi que les organisations de la sphère exécutive sous l’autorité desquelles elles interviennent soient soumises à un contrôle démocratique et agissent dans le respect des droits de l’homme.

L’organisation a été institutionnalisée, puis dotée à partir de 2007, d’un secrétariat exécutif qui est basé à Accra au Ghana. C’est une organisation qui travaille beaucoup en partenariat avec l’Union Africaine. A ce titre, l’ASSN a aidé à l’élaboration du cadre d’orientation sur la réforme du système de sécurité qui a été validé en 2013 par les Chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union Africaine. 

Avec d’autres organisations à l’image de OXFAM, Africain Security Sector Network travaille dans le renforcement de capacités des organisations de la société civile afin qu’elles jouent le rôle qui leur revient en matière de supervision et de contrôle public du système de sécurité.

C’est dans ce cadre que nous avons été amenés à travailler avec un certain nombre d’organisations de la société civile du Niger, parmi lesquelles le Centre Africa Obota, SOS-Civisme et AREN qui nous ont mis en lien avec le Réseau GENOVICO auprès de qui nous avons eu connaissance de l’existence d’un Observation sur la gouvernance de la sécurité au Niger.

Dites-nous le domaine privilégié d’intervention d’Africain Security Sector Network et pourquoi un atelier de formation sur l’indice de la gouvernance du secteur de la sécurité au Niger?

Nous intervenons uniquement sur la thématique de la gouvernance du secteur de la sécurité. Notre conviction est que la plus part des processus de réforme du système de sécurité ont jusqu’ici été mis en œuvre dans des environnements post-conflictuels, comme au Mali, en République Centrafricaine, en Côte d’Ivoire, en RDC et dans bien d’autres pays.

Dans ces conditions, l’on s’aperçoit qu’il est très difficile de réformer, même s’il est vrai que parfois on y arrive, mais sans doute de manière plante, alors que les défis sont immenses. Ainsi, du constat fait, il est apparu important de travailler dans une démarche de prévention. Et travailler sur la reforme des systèmes de sécurité est une approche structurelle qui se fait sur la durée.

Arrivé donc à aborder les choses dans le contexte d’un pays stable, même si pour le cas du Niger on ne peut pas comparer ses défis de sécurité à des situations comme en RCA ou au Mali, nous pensons que c’est quelque chose qui permet justement de s’attacher au moins au renforcement de capacités opérationnelles des Forces de défense et de sécurité de travailler plus sur la gouvernance démocratique qui permet de rendre le système de sécurité plus comptable et responsable de ses actes devant le citoyen, mais aussi beaucoup plus efficace et respectueux des droits de l’homme.

C’est cette suggestion de notre partenaire OXFAM que nous sommes venus proposer aux organisations de la société civile nigérienne pour collaborer avec nous et voir comment la gouvernance de la sécurité au Niger pouvait être améliorée. C’est d’ailleurs une gouvernance qui est gérée de manière encourageante, comparée à beaucoup d’autres pays du continent, bien que rendre la gouvernance démocratique est un combat quotidien.

Même les plus grandes démocraties ont besoin qu’un contrôle citoyen soit effectué de manière quotidienne et sérieuse. Donc, nous sommes venus renforcer les capacités des organisations de la société civile dans le contrôle citoyen de la gouvernance du secteur de la sécurité.

Dans cette démarche que vous proposez, qu’elle est la place des Forces de défense et de sécurité ?

Les FDS en font partie et occupent une place importante dans cette démarche. Pour preuve, c’est un officier supérieur de l’armée, le Général de Brigade Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP) qui a présidé l’ouverture de notre atelier. Etaient également présents à cette cérémonie, des hauts responsables de la Gendarmerie nationale et de la Garde nationale du Niger.Mais pour cette formation, se sont uniquement les organisations de la société civile qui sont concernées.

La raison est toute simple. Nous voulons justement renforcer leurs capacités à dialoguer avec les professionnels de la sécurité. Pour ce faire, nous avons estimé que la société civile a besoin d’acquérir un certain nombre de notions pour pouvoir étoffer ses connaissances, pouvoir aussi étoffer sa connaissance des problématiques sécuritaires de manière à être un interlocuteur incontournable des Forces de défense et de sécurité.

Pour nous (Ndlr: African Security Sector Network/ASSN), il est évident que ce travail se fait en toute transparence et l’objectif que nous poursuivons à très court terme est d’engager très vite un dialogue avec les Forces de défense et de sécurité sur la base d’une expertise sérieuse et étayée.

Quelles sont alors vos attentes au sortir de cet atelier ?

Notre attente est très précise. Pouvoir lancer un indice de gouvernance de la sécurité qui mesurerait de manière très objective et assez scientifique la façon dont la sécurité est fournie au Niger. Il ne s’agit pas à ce stade de faire des études, des enquêtes de perception, mais de permettre aux citoyens lambda, aux autorités, aux partenaires étrangers ainsi que la société civile, de connaitre le fonctionnement du système de sécurité au Niger, de présenter chacun des différents acteurs, chacun des différents partenaires, chacun des différents processus, les lois qui sont décidées, etc. de manière à ce qu’on puisse avoir un lieu ou un site qui permettra de trouver de la documentation fiable et sérieuse sur l’état actuel du système de sécurité au Niger.

De façon plus claire, une sorte de qui fait quoi en matière de sécurité. Par exemple, connaitre le rôle du parlement, de la commission nationale des droits humains et tous les autres acteurs.