Le journaliste nigérien, Moussa Aksar devrait comparaitre pour diffamation devant le tribunal de Niamey le 2 avril prochain. Le procès fait suite à la publication d’une enquête en septembre 2020 sur des « malversations au ministère de la Défense », portant sur « 71,8 milliards de francs CFA » et qui, selon le journaliste, ont été détournés par des « seigneurs du faux ». A la veille de son procès, Ouestaf News, revient sur le dossier à travers cet entretien réalisé via courrier électronique.
Ouestafnews – Après trois reports, vous allez à nouveau comparaitre le 2 avril prochain, que vous reproche-t-on réellement dans cette affaire ?
Moussa Aksar – On me reproche d’avoir cité dans mon article le nom d’un ressortissant nigérien basé à Bruxelles (Belgique), Abdourahaman Manzo, un militant du parti au pouvoir, qui aurait joué un rôle dans la création de sociétés fictives en zone franche ; lesquelles sociétés ayant servi à encaisser des milliards de francs CFA issus des malversations financières au ministère de la Défense nationale du Niger.
Ouestafnews : Maintenez-vous les informations contenues dans votre article ?
M. A : Bien sûr ! Vous savez, cette enquête ne concerne pas que le Niger. Elle implique, entre autres, des connexions qui vont aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et d’autres pays considérés comme des paradis fiscaux où passent des réseaux de trafic d’armes. Les principaux documents utilisés dans cette enquête sont issus du projet d’enquête mondial dénommé « FinCEN Files » du nom de l’unité d’enquête du trésor américain sur les flux financiers suspectés illicites.
Nous avons mené cette enquête pendant 10 mois sous la coordination du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO). Le sérieux de cette enquête lui a valu d’être récemment citée par un groupe d’experts lors d’une commission d’enquête du Parlement britannique sur les sociétés écrans opérant au Royaume-Uni.
Ouestafnews : Ce n’est pas la première fois que vous êtes poursuivi en justice, s’agit-il d’un acharnement contre vous ? Contre la presse nigérienne ?
M. A : Je pense qu’il revient à chacun de faire sa propre appréciation de la condition des journalistes et de la presse au Niger, au regard des faits et événements depuis 2011. Au Niger, les journalistes sont aujourd’hui « clochardisés » pour les empêcher d’avoir un autre regard sur la gestion de la cité. Ils sont aussi classés en « amis » ou « ennemis » par des hommes tapis dans le cercle du pouvoir.
Je suis un habitué des tribunaux nigériens parce que j’ai toujours traqué des puissants pour qu’ils rendent compte de leurs forfaitures. J’ai révélé des grandes affaires de corruption, de trafic de faux médicaments, de drogue, d’êtres humains etc…
Ce qui m’a valu plusieurs séjours en prison. Bien sûr il s’agit ici d’un acharnement contre ma personne pour m’empêcher de dévoiler d’autres dossiers sulfureux du pouvoir actuel qui veut cacher son vrai visage aux populations et aux partenaires extérieurs.
Avant la publication de chaque enquête, je me prépare à subir des représailles judiciaires. Je ne suis donc pas surpris quand j’ai été assigné à comparaître. Je suis plutôt serein.
Mais là où il faut s’inquiéter pour l’équilibre des normes dans notre société, c’est quand la justice se comporte comme un instrument de répression aux ordres des hommes du pouvoir. Sinon, comment comprendre que pendant que je menais mon enquête, j’ai reçu des menaces de mort d’un proche du pouvoir connu de tous. J’ai porté plainte mais la justice n’a pas donné suite à cette plainte jusqu’à ce jour.
Mieux, quelques jours après la publication de mon enquête, plusieurs organisations de la société civile nigérienne ont porté plainte contre « X » auprès du Procureur de la République pour que les présumés coupables de malversations financières soient écoutés par la justice. Cette plainte aussi est toujours restée sans suite jusqu’à ce jour.
ON/fd