Dakar, le 30 juin – Les agences humanitaires des Nations unies et les organisations non gouvernementales signataires de cette déclaration prennent note de l’organisation du Sommet du G5 Sahel à Nouakchott le 30 juin et encouragent les acteurs présents à trouver des solutions durables à la crise sécuritaire, humanitaire et de développement que traverse la région.
En effet, le contexte sécuritaire dans les pays du Sahel s’est considérablement dégradé ces derniers mois. Les situations de conflit qui prévalent dans la région entraînent des conséquences humanitaires sans précédent pour les populations civiles confrontées à l’insécurité et au déplacement. Les organisations humanitaires s’inquiètent en particulier de rapports faisant état d’exécutions extrajudiciaires présumées, du recrutement forcé, notamment d’enfants, d’enlèvements et prises d’otage, de viols ainsi que de la stigmatisation grandissante et la discrimination à l’encontre de certains groupes soupçonnés d’être de connivence avec des groupes armés. En effet, ces nombreux rapports décrivent la recrudescence de violations graves des droits de l’homme commises par les différents belligérants.
L’accès limité aux services sociaux de base, l’absence de perspectives socio-économiques pour la grande majorité de la population, y compris les jeunes, et les vulnérabilités chroniques sont des facteurs qui aggravent la situation dans la région. Les enfants touchés par la violence au Sahel central ont un besoin urgent de protection et de soutien. La crise humanitaire que traverse la région, alliée aux problèmes de développement qu’elle connait risquent d’anéantir les progrès réalisés ces dernières années, tout en rendant la protection des populations civiles encore plus fragiles.
Dans ce contexte rendu encore plus difficile par l’impact direct et indirect de la pandémie de COVID-19 dans la région, ce sommet représente une opportunité pour poursuivre le dialogue constructif engagé entre les décideurs politiques, les responsables militaires et les acteurs humanitaires de la région autour des questions liées aux principes humanitaires et à la protection.
La communauté humanitaire régionale se dit ouverte à un dialogue avec le G5 Sahel pour faire progresser l’agenda du droit international humanitaire et garantir aux populations affectées par la crise humanitaire, y compris les groupes les plus vulnérables, notamment les enfants, une assistance pour l’accès aux services sociaux de base et vitaux. Il est impérieux de réfléchir collectivement à des solutions innovantes pour répondre aux besoins humanitaires tout en réduisant les vulnérabilités chroniques et pour endiguer la propagation de la crise.
Afin de renforcer la protection des civils et améliorer la réponse humanitaire à toutes les populations vulnérables affectées par les conflits et la pandémie de COVID-19, il est essentiel que les Etats membres du G5 Sahel et leurs forces armées s’engagent à :
1. Réaffirmer leurs engagements internationaux en matière de droits humains, de droit d’asile et de droit international humanitaire, et à garantir la protection des civils, notamment des personnes déplacées et des réfugiés, des femmes, filles, personnes âgées ou personnes ayant des besoins spécifiques, tout en renforçant les actions de prévention des violences basées sur le genre.
2. Inscrire la protection des civils au cœur des opérations militaires dans l’espace du G5 Sahel tel que conclu lors de la troisième conférence sur le renforcement des relations de confiance entre Forces de défense et de sécurité (FDS) et populations dans l’espace du G5 Sahel, tenue le 20 janvier 2020 à Ouagadougou, au Burkina Faso. Il est essentiel que cette stratégie maintienne la distinction entre réponses militaires et humanitaires.
3. Condamner les violations de droits humains et adopter des mesures permanentes d’investigation des infractions commises par les forces de défense et de sécurité, les groupes d’auto-défense, et des éléments des groupes armés, pour renforcer le système judiciaire afin d’assurer l’accès à la justice pour les civils.
4. Garantir dans la mise en œuvre du Cadre de conformité, l’application de la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme et créer les conditions pour que les membres civils et militaires du G5 Sahel respectent et promeuvent les normes les plus élevées d’une conduite éthique et professionnelle, dénoncent les manquements et coopèrent dans les enquêtes, demandes d’information, évaluations et examens dûment autorisés en vue de prévenir et combattre les abus et exploitations sexuels.
5. Garantir un accès humanitaire sans entrave aux populations déplacées de force, à leurs communautés hôtes et aux populations civiles dans leur ensemble. Plus spécifiquement, cesser les attaques contre les enfants (dans leurs maisons, à l’école ou dans les centres de santé) et assurer un accès sûr à tous les enfants touchés, conformément aux principes humanitaires. Assurer la participation systématique et adéquate des militaires et forces de sécurité aux structures de coordination entre civils et militaires dans chacun des pays, facilitera le dialogue et permettre un meilleur accès humanitaire et le respect du droit international.
6. Développer avec les humanitaires des lignes de conduites entre civils et militaires alignées avec les orientations internationales pour assurer une distinction claire des mandats et des rôles entre les forces de défenses et de sécurité et les acteurs humanitaires. Le principe des escortes armées en tant que « dernier recours » devra y être explicitement reconnu afin de garantir au maximum la neutralité des acteurs humanitaires dans des zones de conflit. Le contexte actuel lié à la pandémie de COVID-19 pourrait par ailleurs inciter certains Etats à militariser l’assistance humanitaire et sanitaire dans des zones sensibles au conflit avec le risque de détériorer la perception de neutralité et impartialité des acteurs humanitaires et l’acceptation par les communautés de leurs interventions.
7. Investir dans les services sociaux de base (santé, eau et assainissement, et éducation). Dans le centre et l’est du Mali, dans le nord du Burkina Faso et dans l’ouest du Niger, l’accès de la population aux écoles, aux centres de santé et à d’autres structures sociales est limité en raison du sous-investissement chronique. L’insécurité et les déplacements créent des obstacles importants pour l’accès des enfants et des familles à l’alimentation et aux intrants nutritionnels, risquant de détériorer la santé et l’état nutritionnel des enfants. L’insécurité et les attaques entravent également l’accès aux services sociaux de base, notamment aux centres de soins de santé et aux écoles, et aux biens de premières nécessités comme l’eau, la nourriture et la possibilité de produire leurs aliments et prendre soin de leur bétail.
8. Garantir le rétablissement de la présence des autorités étatiques, des services sociaux de base et de l’Etat de droit permettant ainsi de prévenir et lutter contre les violations et atteintes répétées à la sécurité, à la dignité et aux droits des personnes civiles.
9. Promouvoir la démobilisation et la réinsertion des personnes associées aux groupes armés, incluant une approche spécifique pour la démobilisation des enfants. Un processus clair et transparent sur le sort des anciens combattants, leur traitement judiciaire et les politiques de réinsertion est nécessaire pour créer un climat de confiance favorisant les réinsertions et donc, à terme, la stabilisation de la zone.
10. Encourager une solution politique basée sur la cohésion sociale, la réconciliation et la gouvernance locale et responsable. La nature prolongée des crises et des déplacements exige une plus grande mobilisation pour la mise en œuvre d’approches nouvelles, notamment à travers le renforcement de la résilience des populations affectées et leur accès aux moyens de subsistance afin qu’elles puissent être actrices de leur destin.
Les Directeurs Régionaux du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaire (OCHA), d’Action contre la Faim (ACF), d’Oxfam, de Save the Children, du Conseil Norvégien pour les réfugiés (NRC) et du Conseil Danois pour les réfugiés (DRC).