Dans un rapport publié le 24 août 2021, des experts en armements d’Amnesty International ont identifié des armes de fabrication serbe dans des vidéos publiées par des groupes armés opérant dans le Sahel, notamment un groupe affilié à l’État islamique qui a revendiqué la mort de centaines de civils.
Selon les experts d’Amnesty international, ces fusils dont certains sont de modèles plus récents, sont issus des transactions d’armes entre la Serbie et le Burkina Faso, ce qui laisse à penser que ces armes ont été vendues récemment au gouvernement burkinabé avant de tomber entre les mains de groupes armés.
En septembre 2020, une enquête publiée par la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) avait révélé des transactions financières suspectes entre le Burkina Faso et la Serbie pour l’achat d’armes. Selon cette enquête, des fonctionnaires burkinabés coopèrent avec une société fictive de trafic d’armes depuis plus de 5 ans.
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Cette enquête de la CENOZO menée par la journaliste Sandrine Sawadogo avait suscité une question fondamentale : « Les armes importées servent-elles dans la lutte contre le terrorisme ou atterrissent dans des mains inconnues ? ». Cette question semble aujourd’hui avoir trouvé une réponse dans le rapport d’experts d’Amnesty International.
Mais il faut noter qu’au Burkina Faso, certaines attaques terroristes se sont soldées par des vols de matériels militaires par les assaillants. « Les fusils serbes vendus au gouvernement faisaient-ils partis des armes volées lors des attaques ?« . C’est donc la question que se posent plusieurs citoyens burkinabè suite aux révélations d’Amnesty international.
Pour plusieurs spécialistes des questions de sécurité au Sahel, seule l’expertise indépendante des rapports de matériels volés au front de l’armée burkinabè pourra situer l’opinion publique nationale et internationale sur cette question.
Des interdits bravés au nom du trafic d’armes !
Le 30 août 2021, des délégués de 110 pays se rencontreront à Genève à l’occasion de la septième Conférence des États parties au Traité sur le Commerce des Armes (TCA). Le TCA interdit aux États d’exporter des armes lorsqu’il existe un risque prépondérant que ces armes servent à commettre ou à faciliter des génocides, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou de graves atteintes aux droits humains.
Cela englobe le risque que les armes vendues à des gouvernements soient cédées illégalement à des auteurs d’atteintes aux droits humains. La Serbie, la République tchèque, la France et la Slovaquie ont ratifié le Traité sur le commerce des armes (TCA), qui interdit tout transfert d’armes s’il existe un risque qu’elles servent à commettre ou faciliter des violations des droits humains.
Avec les révélations du rapport d’experts d’Amnesty international, le Burkina Faso sera sans doute au cœur des débats à la prochaine Conférence du TCA. Hormis le Burkina, le Niger aussi pourrait être sur le banc des accusés. En effet, l’enquête de Moussa Aksar sur les malversations financières au ministère de la Défense nationale du Niger avait révélé que des autorités ont délivré des « End users » (certificats de l’utilisateur) aux sociétés non-importatrices d’armes. Ce qui semble camoufler des pratiques de trafic d’armes au sommet de l’État.
L’hécatombe au Sahel
La région du sahel est en proie à plusieurs groupes armés depuis près d’une décennie. Selon un recensement de l’ONG Armed Conflict Location Event Database (Base de données sur le lieu et le déroulement des conflits armés, ACLED), plus de 6.000 civils ont été tués au Burkina Faso, au Mali et au Niger, entre 2017 et 2021.
Début juin 2021, des hommes armés non identifiés ont tué 130 civils dans le village de Solhan au Burkina Faso – l’attaque la plus meurtrière visant les civils. Le groupe terroriste État islamique au grand Sahara (EIGS) a revendiqué plusieurs attaques contre des civils en 2021, dont celle du 21 mars 2021 qui a fait 137 morts au Niger.