Suite aux événements du 15 mars 2020 et aux entraves dont elle a été victime dans l’exercice de ses missions, la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH) a rendu publique une déclaration, le mercredi 18 mars 2020 à Niamey.
Au terme de cette déclaration, « la CNDH recommande au Gouvernement la mise en place d’une Commission d’Enquête Indépendante pour faire toute la lumière et situer les responsabilités, suite aux événements tragiques survenus le 15 mars 2020 ».
« Suite aux événements tragiques survenus, la CNDH s’est successivement rendue au marché Tagabati où, elle a apporté son soutien moral, exprimé sa compassion aux victimes, avant de constater de visu l’étendue des dégâts, suite à l’incendie et à la Police Judiciaire, les 16 et 17 mars 2020 » relève la déclaration.
« Il ressort de cette visite, un bilan se soldant par la mort tragique de quatre (4) personnes dont une femme, des blessés graves et d’importants dégâts matériels » a rappelé la déclaration.
« À la suite de ces événements, quinze (15) personnes, dont des leaders de la Société Civile et des étudiants, ont été interpellées et gardés à vue dans les locaux de la Police Judiciaire » a poursuivi la déclaration.
« Il ressort de l’entretien avec les leaders interpellés, qu’ils n’ont subi aucun acte de torture ni de traitement cruel, inhumain ou dégradant, aussi bien au stade de l’interpellation qu’à celui de la garde-à-vue. La plupart d’entre eux ont répondu volontiers à l’interpellation» a par ailleurs relevé la déclaration, suite à une rencontre des leaders de la Société Civile au niveau de la Police Judiciaire, par la délégation de la CNDH conduite par son Président.
« C’est au moment où s’achevait l’entretien avec les leaders de la Société Civile et que la délégation allait entamer la rencontre avec les autres gardés-à-vue (les étudiants et les autres) que, contre toute attente, le Directeur de la Police Judiciaire recevait un appel téléphonique du Directeur Général de la Police Nationale (DGPN). Après quelques échanges entre eux, le Directeur de la Police Judiciaire a tendu le téléphone au Président de la CNDH » a rapporté la déclaration.
Selon le Président de la CNDH, le Directeur Général de la Police Nationale s’est littéralement adressé à lui, en ces termes : « on m’a informé que vous êtes venu avec une horde de journalistes. Je vous demande de quitter les lieux sinon je vous fais sortir manu militari ».
« En dehors du Directeur de la Communication de la CNDH, il n’y a pas de journaliste ici », lui a répondu le Président de la CNDH.
« En réalité, après le plan de coupe de dos des gardés-à-vue, conformément au principe de la présomption d’innocence auquel la Commission attache du prix, les journalistes s’étaient retirés à la demande du Président de la CNDH et du Directeur de la Police Judiciaire » a précisé la déclaration.
« Ainsi pour éviter un bras de fer, la CNDH avait préféré se retirer » a mentionné la déclaration.
« Cet acte grave posé à l’encontre d’une des Institutions Constitutionnelles, qu’on voudrait pourtant fortes, constitue un précédent dangereux pour le renforcement de l’État de droit et de la démocratie » a déclaré le Président de la CNDH.
« La CNDH, tire sa légitimité et son fondement juridique de notre Loi fondamentale en son article 44 et des engagements internationaux auxquels le Niger a librement souscrit. Elle est une Autorité Administrative Indépendante des pouvoirs publics, pluraliste et démocratique, conforme aux Principes de Paris » a-t-il rappelé.
A cet effet, selon Khalid Ikhiri, « nul individu, nulle autorité ne peut lui donner des injonctions, ni lui faire obstruction dans l’exercice de son mandat ».
« C’est pourquoi, la CNDH appelle le Président de la République, garant du respect de la Constitution et du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, à tirer les conséquences de tels agissements que rien ne saurait justifier » a indiqué la déclaration.
« Le respect et la promotion des droits humains doivent être effectifs dans l’intérêt de tous. Chacun pouvant se retrouver un jour dans la situation de victime nécessitant une assistance » a souligné la déclaration.
Pour Khalid Ikhiri, « c’est pourquoi le Législateur a prévu les dispositions pénales de l’article 53 qui dispose que : quiconque par action, inertie, refus de faire ou tout autre moyen aura entravé ou tenté d’entraver l’accomplissement des fonctions assignées à la Commission sera puni d’un emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de cent mille (100.000) F CFA à un million (1000.000) de francs CFA ou l’une de ces deux peines seulement. En cas d’infraction à l’alinéa ci-dessus, la Commission saisit directement l’autorité judiciaire » et l’article 54qui, de son côté indique que : les membres de la Commission bénéficient de la protection contre les menaces, outrages et violences tels que prévus par les articles 169 et 173 du Code pénal ».
« Les faits ci-dessus reprochés au Directeur Général de la Police Nationale s’analysent en une entrave grave à l’accomplissement des missions de la Commission » selon le Président de la CNDH.
« Ils s’analysent également en une menace proférée, un outrage fait aux membres assermentés de la Commission dans l’exercice de leur fonction » a-t-il ajouté.
Selon Khalid Ikhiri, « au regard de tout ce qui précède, la CNDH se réserve opportunément le droit de porter plainte avec constitution de partie civile devant l’autorité judiciaire compétente ».
« Aussi, la CNDH réaffirme sa volonté inébranlable, sa détermination sans faille de continuer à promouvoir et à protéger les Droits de l’Homme et les Libertés Fondamentales pour tous et en toute circonstance sur l’ensemble du territoire, conformément au serment prêté par ses membres devant l’Assemblée Nationale » a conclu la déclaration.