Selon diverses sources recoupées, et malgré les atermoiements inexplicables de l’Etat major des armées françaises et du communiqué ambigu de Niamey, c’est bel et bien les soldats français qui ont abattu trois (03) jeunes civils non armés et blesser une vingtaine d’autres (selon le dernier bilan officiel). C’était le samedi 27 novembre dernier dans la localité de Téra. Ce jour-là, des jeunes manifestants, comme à Kaya au Burkina Faso, ont tenté d’empêcher le passage d’un convoi militaire français escorté par une unité de la gendarmerie Nationale en provenance de la Côte d’Ivoire et à destination de Gao (Mali).
La position ambigüe du gouvernement nigérien
« Dans la matinée de ce samedi 27 novembre 2021, le convoi de la Force française Barkhane sous escorte de la gendarmerie nationale en route pour le Mali, a été bloqué par des manifestants très violents à Téra, région de Tillabéry, où elle a passé la nuit », rapporte le communiqué du gouvernement nigérien.
Le gouvernement indique que « dans sa tentative de se dégager, elle a fait usage de la force, malheureusement on déplore la mort de deux (02) personnes et 18 blessés dont onze graves » et « une enquête est ouverte pour déterminer les circonstances exactes de cette tragédie et situer les responsabilités ».
A la lecture du communiqué ambiguë du gouvernement nigérien qui par manque certain de courage à préférer utiliser lâchement le pronom personnel « elle » pour désigner la force qui a tiré sur les populations civiles, sans faire référence ni à la force française ni à la gendarmerie nationale.
Des témoins sur place accusent les soldats français
Plusieurs témoins interrogés sur place par des média affirment que ce sont les soldats français qui leur ont tiré dessus. « Les jeunes ont dressé des barricades pour empêcher le passage de ce convoi. Il a fait face à des jeunes qui étaient engagés et déterminés à ne pas le laisser passer. Chose bizarre, c’est à l’arrivée de l’avion que les hostilités ont commencé. C’est en ce moment qu’ils ont commencé à tirer », a déclaré, à Niamey, un membre du Comité Union Tillabéry pour la Paix, la Sécurité et la Cohésion Sociale (CUTPSCS).
Au regard de plusieurs témoignages inédits et plusieurs indices probants qui mettent directement en cause les soldats français dans ce carnage qui intervient à quelques jours du triste anniversaire du massacre de Thiaroye au Sénégal, des comptes doivent être demandés à l’armée française dont les autorités ont curieusement joué les abonnés absents pour ne pas s’assumer en laissant leurs sous-traitants de commandants de cercle s’expliquer.
L’état-major des armées françaises divague
« Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question », a affirmé au micro de nos confrères de la chaine de télévision française « TV5 Monde » colonel Pascal Lanni, porte-parole du chef d’état-major des armées françaises, à la question de savoir si les manifestants ont été tués par des tirs des soldats français.
Par contre, il a défendu avec insistance que les « militaires français n’ont pas tiré contre la foule ». En outre le colonel Pascal Ianni, rapporte que « face à la manifestation, les gendarmes nigériens et les militaires français se sont retrouvés confrontés à des manifestants particulièrement violents et ont tout fait pour éviter que cette situation ne dégénère ».
Toutefois, il ajoute que « nous avons fait des tirs de sommation ». Faudrait-il alors s’interroger si le colonel Pascal Lanni n’arrive pas à faire le distinguo entre un « tir de sommation » et « un tir mortel » ?
Les ressortissants français appelés à la grande vigilance
Après le drame, l’ambassade de France au Niger a exhorté à travers une note, les citoyens français résidant au pays à « faire preuve de la plus grande vigilance ». « Il convient en particulier de limiter les expositions dans les lieux publics et d’éviter les sorties nocturnes », précise la note. Ce qui laisse croire que les autorités françaises ont craint des représailles de l’incident de Téra sur les ressortissants français à Niamey, la seule ville du pays qui n’est pas classée « zone rouge » par le Quai d’Orsay, et qui n’est donc pas fortement déconseillée aux ressortissants français.
Le massacre suscite une vague d’indignation
Dans un communiqué de presse, publié dans la nuit du samedi 27 novembre, l’opposition politique a dénoncé une « violence aveugle » et des « crimes odieux » contre les populations de Téra « qui exerçaient leur droit de manifestation pacifique ». Ces crimes, qui lui semblent « prémédités » avec la « sortie médiatique hasardeuse » du président, la veille, ne doivent pas rester impunis, soutient-elle.
La Confédération Nigérienne du Travail (CNT) pour sa part tient pour seul responsable le Président de la République. Elle a aussi exigé l’ouverture d’une enquête indépendante « pour déterminer les circonstances de cette barbarie ». Par ailleurs, elle a invité « toutes les forces sociales organisées à se mobiliser pour chasser les bases étrangères et leurs valets locaux présents sur notre territoire ».
La section de l’Anion des scolaires nigériens (USN) à l’université de Niamey a également condamné quant à elle, les actes de « répression criminelle, inhumaine et inacceptable sur les manifestants ». Aussi, elle a fustigé l’attitude des autorités « à rester insensible et même allergique vis-à-vis de la volonté du peuple à affirmer sa liberté, sa souveraineté, à récupérer sa sécurité en sous-traitance et qui succombe dans les mains de satan ».
Dans la même lancée, l’Association des jeunes avocats du Niger (AJAN) souligne « une utilisation disproportionnée d’armes à feu contre des civils qui constitue une violation de la loi ». « Face à cette situation inique, l’AJAN élève une vive protestation et la condamne », lit-on dans son communiqué en date du 29 novembre. « En tant que sentinelle de la liberté, l’AJAN ne saurait cautionner cette ignominie », a indiqué le communiqué de l’association qui se dit disponible « à accompagner les victimes dans les actions judiciaires éventuelles qu’elles voudraient bien engager ».
Un remaniement partiel du système sécuritaire
Deux jours après le drame, le 29 novembre 2021, le président de la République opère des changements dans la composition de son équipe gouvernementale, avec en toile de fond le remplacement du ministre de l’Intérieur Alkache Alhada. Le motif de ce remplacement reste encore inconnu.
Le jeudi 02 décembre 2021, au cours des délibérations, du Conseil des ministres, le Haut Commandant de la Gendarmerie Nationale Salifou Wakasso est remplacé par le Général de corps d’armée Mamadou Laouel Chékou Koré, alors patron de la Direction générale de la documentation de l’Etat (DGDSE). Le commissaire divisionnaire de la police nationale Rabiou Daddy Gaoh alias « Jet Lee », prend quant à lui les rênes de la DGDSE.
Ces changements intervenus à des postes clés du système de sécurité nigérien suscitent dans l’opinion publique nigérienne plusieurs interrogations. Les personnes remplacées ont-ils joué un rôle direct dans le drame de Téra ? Que cache ce remaniement partiel du gouvernement deux jours après l’incident ?
Une marche pacifique organisée pour exiger le départ des forces étrangères interdite
C’est la coordination de Niamey du mouvement « Tournons La Page » (TLP) qui a lancé un appel à une marche pacifique le 05 décembre à Niamey pour exiger le départ des forces étrangères et particulièrement françaises du territoire nigérien. La marche a tout d’abord été interdite par le maire central de la ville de Niamey avant que le tribunal Hors classe de Niamey statuant en matière de référé l’autorise, mais la ville de Niamey a interjeté appel de la décision du juge et la marche a été interdite.
La prestation hasardeuse du président Bazoum, la veille du massacre explique en elle seule, l’esprit dans lequel vivent les dirigeants nigériens dès lors que leur protecteur de l’Elysée est mis en cause. Tout porte donc à croire que le pouvoir français veut faire endosser au Niger la responsabilité du drame de Téra comme par le passé, lors de l’enlèvement et l’assassinat en 2011 à Niamey de deux ressortissants français Antoine de Léocour.
Dans un premier temps le ministre français de la Défense de l’époque a avancé que « les deux Français avaient trouvé la mort au cours d’une opération menée par la garde nationale nigérienne et coordonnée par des militaires français à la frontière du Mali. » La suite on la connait. Ce sont les unités de l’armée française qui ont intervenu et ont même dans leur action, neutralisés des gendarmes nigériens qui étaient eux aussi pris en otages. A notre connaissance aucune excuse et indemnisation n’a été faite pour la mémoire de ses gendarmes morts en mission commandée au grand dam des dirigeants nigériens.
Les conséquences seront difficilement maîtrisables
Les gouvernements français et nigériens doivent sortir de leur déni pour dire sans langue de bois la vérité aux nigériens. Toute autre posture risque d’engendrer des conséquences difficilement maitrisables. En effet, cette situation dramatique risque d’être une aubaine pour les groupes armés terroristes (GAT)qui en profiteront pour faire des recrutements massifs dans la zone. L’Etat perdra également en cette population, un allié de taille dans la lutte contre les GAT qui écument la zone et tout cela risque d’impacter sur le travail des Forces de défense et de sécurité. Voilà pourquoi le président Macron et son commandant de cercle Bazoum doivent ouvrir les yeux.
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