Réuni en sommet extraordinaire pour frapper un coup fort contre le coup d’Etat au Niger et les putschistes, la CEDEAO a imposé plusieurs sanctions contre le pays et les militaires impliqués dans le putsch. Elle a également désigné le président de la transition du Tchad Mahamat Idriss Deby, pour servir de médiateur dans la crise. Quel message l’organisation envoi-t-elle en choisissant Deby, lui-même un putschiste pour une telle mission ?
On se demande comment la CEDEAO arrivera à mettre en œuvre les sanctions prises contre le Niger surtout en ce qui concerne la fermeture des frontières qui vise normalement à isoler le pays. Cependant, il ne faut pas occulter le fait que le Niger pourra toujours continuer à faire affaire avec le Mali et le Burkina Faso qui ne devraient pas s’exécuter sur les décisions de la CEDEAO étant eux-mêmes suspendus par l’organisation.
D’un autre côté, le Niger partage plusieurs frontières avec plusieurs pays non membres de la CEDEAO et qui ne sont normalement pas concernés par les décisions prises par l’organisation ouest africaine. Le Cameroun qui se trouve en Afrique centrale, l’Algérie et la Libye à l’est ou le Tchad. Du coup, l’isolement du Niger devrait être un vrai problème pour la CEDEAO même si avec le Bénin et le Nigéria, le Niger devrait souffrir de la fermeture des frontières.
De la désignation de Mahamat Idriss Deby
Cependant, la vraie question dans les décisions de la CEDEAO est de savoir pourquoi le choix du général Mahamat Deby, un putschiste, comme émissaire ? Dans un premier temps, on pourrait expliquer ce choix par une éventuelle proximité avec Tchiani, l’homme fort du Niger et ses camarades. Un militaire qui traite avec un autre, le message pourrait bien passer. Aussi, le Tchad partage une grande frontière avec le Niger et les deux pays travaillent étroitement dans la lutte contre le terrorisme.
Cependant, ce casting de la CEDEAO reflète aussi une main extérieure car, tout comme Bazoum, on sait que Deby est le « protégé » de Paris dans la région sahélienne. Le général Tchadien est arrivé au pouvoir après la mort au front de son père Idriss Deby Itno et il a suspendu la constitution, dissout le parlement et le gouvernement en place. Bref, il a fomenté un coup d’Etat pour prendre le pouvoir. Malgré cela il a été comme adoubé par Emmanuel Macron et le putsch est passé comme une lettre à la poste.
Si donc, la CEDEAO estime que Deby est légitime et peut conduire des discussions en tant que chef d’Etat reconnu, pourquoi pas le général Tchiani ? Le choix est peut-être stratégique mais le casting pourrait être bénéfique pour les putschistes nigériens qui auront devant eux comme émissaire de la CEDEAO, quelqu’un qui a mené lui-même un coup d’Etat et qui n’a jamais été inquiété parce que peut-être bénéficiant de la protection de l’ex Colon qui déciderait de qui sanctionner ou pas. La réaction radicale de la CEDEAO contre le Niger, est typique du deux poids deux mesures dont fait preuve la France dans ces décisions dans sa politique étrangère.
Aussi, on ne peut pas avoir laissé faire dans les pays comme le Mali, la Guinée ou le Burkina Faso, et tenter de mener une guerre contre le Niger. A moins que cela ne défende d’autres intérêts que la sauvegarde de l’intérêt du peuple nigérien. Tenter de rétablir coute que coute Bazoum au pouvoir dénote d’une stratégie régionale guidée par des pressions extérieures car la CEDEAO ne pouvait pas ignorer que le coup d’Etat allait tôt ou tard arriver dans ce pays où le dirigeant affichait clairement sa proximité avec une puissance coloniale de plus en plus rejetée par la population.
On n’a pas sanctionné le Burkina Faso et la Guinée comme ce fut le cas du Mali. Et le Niger va également subir la même rage de radicalité dans les sanctions, comme si ces deux pays ne devraient jamais avoir à sortir d’une certaine routine imposée par X ou Y. La stratégie des sanctions est une arme occidentale qui a montré ses limites en Ukraine. Utilisée par la CEDEAO, elle a également montré ses limites au Mali. Il est peut-être temps pour l’organisation de penser une nouvelle stratégie de gestion des crises en son sein au lieu de faire du copier-coller à l’occidental nonobstant les échecs et les rejets des peuples, pour une organisation à la base, qui se voulait des peuples.