Cameroun : Plus de 855.000 enfants privés d’école dans les régions anglophones (UNICEF)

0
1291
Une enfant est assise à son bureau dans une école primaire publique soutenue par l'UNICEF, à Douala, au Cameroun. © UNICEF/Tanya Bindra

Plus de 850.000 enfants ont déserté les écoles dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au Cameroun, à cause de la violence, selon un communiqué de l’UNICEF diffusé le 05 novembre 2019 à Genève.

« Trois années de violence et d’instabilité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun ont laissé plus de 855.000 enfants non scolarisés. L’UNICEF appelle donc toutes les parties à protéger les enfants et leur éducation », a déclaré lors d’un point de presse, Marixie Mercado, porte-parole de l’UNICEF.

Les régions anglophones du Cameroun, qui étaient jadis les endroits où « l’éducation était la meilleure » dans tout le pays, doivent désormais faire face à « une politique permanente de non-scolarisation mise en place des groupes armés non étatiques ».

Au cours des trois dernières années, au moins 70 écoles ont été détruites et des élèves et des enseignants ont été enlevés. Deux mois après le début de la nouvelle année scolaire, environ 90% des écoles primaires publiques, soit plus de 4.100 écoles et 77% des écoles secondaires publiques (soit 744 institutions scolaires) restent fermées ou non opérationnelles dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Des milliers d’enfants camerounais vivent dans la peur

Parmi ces enfants, près de 150.000 ont été déplacés de chez eux, ce qui accroît leur vulnérabilité et leur traumatisme. « Une crainte très réelle de la violence empêche également les parents d’envoyer leurs enfants à l’école et les enseignants et le personnel de se présenter au travail », a dénoncé l’agence onusienne. 

« Des milliers d’enfants au Cameroun vivent dans la peur. Ils ont besoin de la paix pour pouvoir reprendre leurs études et recouvrer leur avenir », a déclaré Henrietta Fore, la Directrice exécutive de l’UNICEF citée dans ce communiqué.

Or selon l’agence onusienne, lorsque les enfants ne sont pas scolarisés, ils courent « un plus grand risque d’être recrutés par des groupes armés, de se marier, d’avoir des grossesses précoces et d’être victimes d’autres formes d’exploitation et de maltraitance ». « Sans une action urgente et sans un engagement de toutes les parties au conflit à protéger l’éducation sous toutes ses formes, l’avenir de ces enfants est en danger », prévient Mme Fore.

Pourtant dans certaines zones où des écoles ont été fermées, des activités d’apprentissage gérées par la communauté ont été lancées pour veiller à ce que les enfants ne soient pas davantage privés de leur éducation.

L’UNICEF achète ainsi des livres de lecture et d’autres matériels d’apprentissage pour 37.000 enfants d’âge scolaire. En outre, l’UNICEF diffusera des cours d’alphabétisation et de calcul par radio pour les enfants qui restent à la maison. Ces leçons interactives en anglais ont été enregistrées avec l’appui de l’UNICEF et permettent aux enfants de rattraper leur retard en mathématiques et en langue.

« En travaillant avec des partenaires, nous sommes à l’avant-garde de nouvelles façons novatrices de garder les enfants à l’école, mais ce n’est pas suffisant », a insisté la Directrice exécutive de l’UNICEF.

© UNICEF/Tanya Bindra / Un enfant dans une classe d’une école primaire publique soutenue par l’UNICEF, à Douala, au Cameroun.

Plus de 500 incidents sécuritaires et près de deux millions de personnes dans le besoin

De façon générale, l’agence onusienne invite tous les acteurs à faire en sorte que « l’éducation reste au-dessus de la politique », mais aussi à respecter les enseignants et les autres personnels de l’éducation, y compris les prestataires de l’enseignement à domicile. Il s’agit en fait de créer les conditions pour que les enfants apprennent « dans un environnement sûr et protecteur ».

« Nous ne pouvons plus perdre de temps. Si nous n’agissons pas maintenant, nous courons le risque d’avoir une génération perdue de jeunes, plutôt qu’un jeune engagé et informé qui peut aider à reconstruire leurs communautés », a fait valoir Mme Fore.

Plus globalement, la sécurité constitue une contrainte majeure dans cette partie du Cameroun. L’UNICEF a ainsi enregistré 529 incidents de sécurité dans les deux régions depuis le début de l’année.

Depuis août dernier, un nombre croissant d’ONG ont été touchées par des incidents, notamment des prises d’otages et des extorsions, et cinq des sept attaques contre des travailleurs humanitaires ont eu lieu entre septembre et octobre.

Le Nord-Ouest est particulièrement touché. Or ce qui a commencé comme une crise politique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est maintenant une urgence humanitaire qui se détériore rapidement.

L’UNICEF estime qu’environ 1,9 million de personnes, dont environ la moitié sont des enfants, sont dans le besoin, soit une augmentation de 80% par rapport à 2018, et presque 15 fois plus depuis 2017.

La situation humanitaire devrait encore se détériorer en 2020 en l’absence d’une solution politique. Dans la région du Sud-Ouest, l’accès s’est légèrement amélioré et l’UNICEF a été en mesure d’effectuer plus de missions au cours du deuxième trimestre de l’année par rapport au premier, et d’atteindre des endroits qui n’étaient pas accessibles depuis un an ou plus.

A ce jour, environ 65% des deux régions sont inaccessibles en raison de l’insécurité mais aussi, dans une moindre mesure, en raison de l’état extrêmement dégradé des routes.

Source : ONU Info / UNICEF