Ils sont bien peinards, les gars de CFI, ceux qui, entre
Cotonou et Paris, ont livré le journaliste Ignace Sossou à la guillotine d’un
procureur revanchard du tribunal de Cotonou. Ils passeront cette fin d’année au
chaud entre Paris et Province, en montagne pour certains, dans les îles pour
d’autres, en famille ou en groupes de potes, les regards attentifs aux
scintillements des sapins de Noël et scrutant mélodieusement l’année nouvelle
qui pointe le bout du nez. Pendant ce temps, à quelques milliers de kilomètres
de leurs agapes, leur infortunée victime va affronter des colonies de rats et
de cafards dans une obscure chambrette de prison attenante à des WC
dégoulinants de mauvaise odeur, loin des yeux loin du cœur. Sa femme et son
bébé attendront…
Le procureur béninois Mario Métonou voulait absolument que la
potence s’abatte sur ce journaliste «coupable» d’avoir mis à disposition de
l’opinion de son pays des informations d’intérêt public. Canal France
International (CFI) lui en a fourni le prétexte et le texte. Après, c’était un
jeu d’enfant de dénicher l’épaisse corde destinée à la «pendaison» du jeune
homme. (voir la lettre en pièce jointe)
« Protéger notre
partenaire média »
Le choix de CFI de sacrifier sa proie était si improbable que
certains confrères et pas des moindres, croyant à un canular sorti des flancs
de Père Noël, saisissent directement la direction du média français à Paris
pour éclairage. Ils n’en reviennent toujours pas de leur mauvaise surprise.
Oui, CFI est bien l’auteur du courrier signé par Pierre Jalladeau, son
directeur pour l’Afrique. Acculé de questions, un de ses responsables s’incline
avec une franchise admirable : «(le courrier) n’était destiné qu’au ministère
(ndlr : de la Justice du Bénin) afin de protéger notre partenaire média qui
avait fait venir le procureur au Forum et éviter une escalade de la situation…»
Aveu sans appel. CFI revendique l’attentat contre Ignace Sossou et passe à
autre chose, pestant mollement contre le sort infligé à notre confrère par une
justice expéditive… Hypocrisie.
Il fallait sauver le projet «Verifox Afrique» en phase
d’exécution au Bénin. Le reste n’était que clopinettes. Cette posture cynique
adoptée par CFI n’aura pas été sans effet sur le juge et ses assesseurs : 18
mois de prison et 200 mille FCFA d’amende contre Ignace Sossou. Le «procès» a
été scandaleux de célérité, raison pour laquelle on doute que son organisation
ait respecté un minimum d’équité et de transparence. Ce verdict confirme, du
reste, une des vérités attribuées au procureur Métonou entre quatre murs : «la
législation béninoise telle qu’elle est n’offre pas une sécurité judiciaire aux
justiciables.»
Un
courrier-argument pour le procureur
CFI, bras armé de l’aide française aux médias du monde
entier, porte une responsabilité historique écrasante dans l’échafaudage du
deal qui jette Ignace Sossou en prison. Son courrier incendiaire, dégradant et
insultant, gracieusement offert au ministre de la Justice du Bénin pour tailler
en pièce notre jeune confrère, est dans la catégorie de ce qui se fait de pire
en matière d’éthique. Dévastateur et cynique, son contenu a été la base
argumentaire essentielle du parquet autant pour discréditer notre confrère aux
yeux de ses pairs et du public que pour justifier le caractère impératif d’une
très lourde sentence contre le prévenu afin que nul autre ne se hasarde plus à
«sortir de leur contexte» les propos d’un démiurge de la République. A cet
effet, Ignace Sossou a été essentialisé comme un mal absolu à extirper de la
corporation des journalistes, au-delà de toute retenue, pour mieux l’enserrer
sous les griffes coupantes d’un tribunal de consensus.
Un crime inexistant
En attendant, il appartient à CFI, au-delà du verdict
judiciaire qui sanctionne Ignace Sossou, de nous dire enfin de quoi ce journaliste
serait-il coupable pour mériter 18 mois de prison ? Quelle règle éthique ou
déontologique aurait-il violée en rapportant au public les propos du procureur
Mario Métonou ? Un gentlemen agreement avait-il été établi entre participants
et visant à protéger le procureur en cas de traitement journalistique desdits
propos ? Rien de tout cela ne semble avoir été pris en compte, jusqu’à preuve
du contraire.
Dans un pays en crise politique et judiciaire comme le Bénin,
un procureur de la République qui accepte de parler à des journalistes est
potentiellement une bombe ambulante. Ne pas l’avoir prévu relève de la naïveté.
En dissimulant ses propres incompétences à ce niveau, CFI a préféré sacrifier
un innocent journaliste pour protéger ses intérêts en sauvant la carrière d’un
magistrat inconséquent et peu courageux. C’est tout à son déshonneur !
Momar DIENG, Journaliste
Momar DIENG
Journaliste-Reporter
Directeur-fondateur de www.impact.sn
Membre du Consortium international des journalistes
d’investigation (ICIJ)
@bayemomardieng
(+221) 77 536 27 67
Dakar, Sénégal