Intervention de l’armée tchadienne sur le théâtre extérieur : Le rétropédalage de Déby

0
2063
Idriss Déby Itno: La guerre n'aime pas trop de bruit

« Le propos de S.E. Monsieur IDRISS DÉBY ITNO, Président de la République, Chef de l’État, relatif à la décision du Tchad de n’envoyer dorénavant aucun soldat au-delà des frontières nationales dans le cadre d’engagement individuel des troupes tchadiennes pour lutter contre le terrorisme dans le Bassin du Lac-Tchad, se rapporte au contexte des opérations conduites dans l’espace dudit Bassin, théâtre d’opérations réservé à la Force Multinationale Mixte (FMM) de la Commission du Bassin du Lac-Tchad », c’est ce qui ressort d’un communiqué de presse du Ministère tchadien des affaires étrangères en date du 12 avril 2020.

« Il n’a jamais été question pour le Tchad de se désengager de la Force Multinationale Mixte (FMM) de la CBLT, ni de la Force Conjointe du G-5 Sahel, moins encore de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) », précise le communiqué.

En outre, au  moment fort de l’offensive de l’armée tchadienne contre Boko Haram, le Président Déby avait lui-même au cours d’un reportage diffusé par la télévision  nationale, affirmé que, « nos soldats sont morts pour le lac Tchad et pour le Sahel. À compter d’aujourd’hui, aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad ».

Dans son show médiatique, le Président Déby en tenue de combat est allé jusqu’à dire que,  le Tchad « était seul à supporter tout le poids de la guerre contre Boko Haram », dénonçant ainsi l’inertie de ses voisins.  Jean-Bernard Padaré, son ancien secrétaire général à la  présidence, et porte-parole du parti au pouvoir ne s’est pas  fait prier pour accuser selon nos confrères de EL Watan, le Niger et le Nigéria  d’être inactifs.

 « On aurait souhaité avoir le concours, l’appui des pays concernés, notamment le Niger et le Nigeria, mais nous avons constaté malheureusement qu’ils n’ont pas bougé », a-t-il souligné. 

Dans la médiatisation à outrance de cette offensive, le Tchad est allé jusqu’à donner au Niger et au Nigéria, un délai qui expire le24 avril prochain  pourrécupérer les îles qu’il a conquit, faute de quoi, l’armée tchadienne se retirera.

 Et pourtant selon nos informations recoupées, pour mener cette offensive qui devrait en pareille circonstance faire moins de bruit, l’armée tchadienne serait partie sur trois axes.

Le premier à partir du sud de N’guigmi où, après une opération montée conjointement avec les forces de défense nigériennes (FDS), la moisson aurait été loin de toute attente.

 Ensuite, ce fut à partir de l’île de Bohoma, que l’armée tchadienne a engagé seule sur deux axes une offensive sur  les îles du Niger et du Nigéria. C’est après ce ratissage qu’elle livre le chiffre rond de 1000 éléments de Boko Haram neutralisés.

Au vu de ce qui précède, l’on peut avancer que le Président Déby, dont l’action est à saluer, semble également chercher à atteindre d’autres objectifs. Le premier pourrait être celui de soigner son image pour combler certaines contradictions internes auxquelles il fait face au Tchad.

 Le second objectif pourrait être un clin d’œil aux occidentaux pour qu’ils mettent la main dans la poche et soutenir son armée en manque de ressources. A l’évidence en avançant certains propos,  le chef de guerre a manqué piteusement de  stratégie.

Tout d’abord, il a informé par une grande intoxication médiatique qui ne profite qu’à lui seul, les éléments de Boko Haram sur l’offensive qu’il compte mener sur leur terre de prédilection. Et en pareille circonstance l’ennemi n’attend pas, le gros de la troupe de Shekau n’a pas attendu. Il s’est refugié ailleurs.

 Le deuxième constat c’est cette erreur diplomatique et militaire relevée dans la communication tchadienne qui fait fie du partenariat entre pays de la Force Multinationale Mixte (FMM) en jetant en pâture les armées nigérienneset nigérianes,  comme pour leur dire que, « vous êtes incapables, nous avions fait la guerre à votre place, venez récupérer vos îles ». 

Cette posture avancée  à la va vite  pour le prestige du Président Déby pourrait à l’avenir mettre à mal la cohésion des troupes au sein de la FMM. Elle pourrait  justifier le rétropédalage de la communication tchadienne à travers le communiqué cité plus haut.  

 La troisième remarque est relative à la contribution du Niger et du Nigéria que ne mentionnent pas les troubadours de Déby. Le commun des mortels doit savoir que les armées nigériane et nigérienne ont bel et bien participé de part leur artillerie à l’opération dans le lit du lac Tchad au même moment de l’offensive tchadienne. « Cette opération, nous l’avons conçue et élaborée ensemble, le 24 mars à Diffa », a d’ailleurs notifié, Issoufou Katambé, Ministre nigérien de la défense au cours d’un déplacement relevé mercredi 14 avril dernier à Baga Sola, dans la province du Lac, au Tchad.    

On dit dans le jargon militaire que, « la guerre c’est la logistique avant tout ». A ce niveau, Déby et ses hommes ont apparemment oublié le rôle capital joué dans cette opération par la zone de défense N°4 de Diffa, qui a accueilli les pilotes, avions tchadiens tout en fournissant du carburant aux troupes engagées.

Que dire des soldats tchadiens blessés au front et qui sont soignés dans le casernement de cette zone ?

En cherchant à tirer la couverture de son côté dans cette guerre imposée aux Etats riverains du lac Tchad par une horde de terroristes, la communication de Déby a dévoilé son amateurisme, qui risque de mettre à mal la synergie des armées engagées sur le théâtre des opérations.

 Espérons que le rétropédalage a été entendu à Niamey, Abuja et  Yaoundé.