Aéroports de Paris (ADP) : Un «scandale à plusieurs centaines de millions d’euros avec de l’argent libyen» sous Kadhafi

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L’ombre et le fantôme de Kadhafi ne sont pas encore disposés à quitter les plus hautes sphères de la politique et du business en France. Vers la fin du mois de janvier dernier, des policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ont débarqué au domicile d’Alain Le Pajolec, ex-PDG d’Aéroports de Paris Ingénierie (ADPi), une filiale d’Aéroports de Paris (ADP).

L’objet de la perquisition visait à mettre la main sur des documents relatifs à trois contrats signés par le constructeur français d’infrastructures aéroportuaires avec les autorités libyennes en 2007. Ils portaient sur la réalisation d’«immenses travaux d’extension» sur les trois principales plateformes aéroportuaires libyennes que sont Tripoli, Benghazi et Sebha et la supervision de travaux de BTP annexes concernant la capitale libyenne. La période de signature desdits contrats est importante : «avant et juste après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007», précise notre confrère, coïncidant ainsi avec le réchauffement des relations diplomatiques entre la France et la Libye du défunt Mouammar Kadhafi.

Selon le journaliste et auteur de l’article, Marc Endeweld (lemediatv.fr), cette affaire porte un vrai «parfum de scandale à plusieurs centaines de millions d’euros, (avec) de l’argent libyen qui nourrit des soupçons de corruption, des filiales dans le collimateur de la justice française, des groupes de BTP déjà inquiétés pour des cas de corruption à internationale, avec à la clé, le risque de tomber sous le couperet du gendarme américain anti-corruption.»

Alors que le guide libyen est assassiné en 2011 en présence d’éléments des forces spéciales françaises présentes en Libye, laissant le pays à feu et à sang, «ADPi comme les principaux sous-traitants du chantier de Tripoli n’ont pas eu de très grandes difficultés pour se faire payer», affirme Endeweld. «Sur l’ensemble de ses contrats (conception, supervision du chantier), ADPi a finalement reçu 73,6 millions d’euros pour 83,9 millions d’euros de facturations, soit un recouvrement de près de 88%.» Mais l’audit commandité par les autorités libyennes au cabinet américain Arup Mott MacDonald «pointe une double surfacturation sur le chantier de Tripoli, à la fois au niveau du pourcentage dont bénéficie ADPi sur les coûts de construction, et au niveau de la facturation finalement réalisée par les sous-traitants et ADPi sur le réel avancement du programme de travaux.»

D’autres «incohérences» relevées par les auditeurs américains montrent, par exemple, que «sur les chantiers de Tripoli, Benghazi et Sebha, les marges dont bénéficient au final les différents acteurs sont particulièrement importantes, entre 22% et 23,7%, alors que le secteur de la construction (aéroportuaire) peut espérer généralement entre 5% et 10% (de marge)».

Dans le même ordre d’idée, «alors que les chantiers des trois aéroports ont dû être arrêtés en urgence par la guerre de 2011, poursuit Marc Endeweld, les versements déjà effectués – de 2008 à 2011 – ne correspondent pas à l’avancée réelle des travaux sur place.» Selon un ingénieur spécialisé en construction aéroportuaire, «ces chantiers n’en sont arrivés qu’à 20% de la réalisation, au mieux 30%.»

Pour la maison-mère Aéroports de Paris (ADP), les risques de déflagration ne menacent pas seulement la filiale ADPi dont une sous-filiale dénommée ADPi Middle-East domiciliée au Liban est à l’origine du «scandale». Selon l’auteur, «avec l’acquisition, en juillet 2018, de Merchant Aviation, un cabinet de conseil aéroportuaire établi dans le New Jersey, le groupe ADP se «place de fait sous le coup des lois américaines de lutte contre la corruption.»

Au-delà des investigations du Parquet national financier (PNF) sur les faits de corruption présumée, et des éclaircissements que pourrait demander la justice américaine, le danger réside aussi dans l’impact négatif potentiel que l’affaire peut avoir sur le processus de privatisation d’ADP qui pose déjà beaucoup de soucis aux autorités françaises, souligne Marc Endeweld. Qui prendrait le risque de racheter une entreprise certes prospère et prestigieuse mais susceptible de devoir subir un procès anti-corruption aux Etats-Unis ?