Les fausses notes de la CEDEAO sur le Mali

0
1070
Photo de famille des chef d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO lors du sommet extraordinaire consacré au Mali

Au Mali, l’année 2022 a commencé très mal pour le petit peuple et tout indique qu’elle pourrait être l’année la plus éprouvante pour ce pays déjà très éprouvé. Les sanctions drastiques prises hier par les chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA auront certainement des conséquences désastreuses, même si d’aucuns pensent qu’elles pourraient aussi ouvrir des perspectives nouvelles pour le pays dont la souveraineté est mise à rudes épreuves.

A travers son communiqué officiel, largement relayé sur les réseaux sociaux, la junte militaire malienne, qui n’a rien fait pour éviter ces sanctions, s’est déclarée surprise par leur sévérité ; et elle n’a pas tort, puisque ni les textes de la CEDEAO, ni ceux de l’UEMOA, ne prévoient des telles sanctions contre un pays membre. En juillet dernier, devant un Emmanuel Macron agacé par « la mollesse » des sanctions de la CEDEAO, le président nigérien l’avait reconnu dans des termes on ne peut plus clairs : « les mesures de fermeture des frontières et tout le reste…ça n’existe pas dans le traité de la CEDEAO ».

En effet, il est important de souligner que la particularité des sanctions prises par la CEDEAO c’est qu’elles sont illégales au regard des textes communautaires ; et vu sous cet angle, elles viennent conforter la junte malienne, ainsi que tous ceux qui la soutiennent, à l’idée que les chefs d’Etat ne sont pas plus soucieux de la légalité que les militaires qui veulent se maintenir au pouvoir pour les cinq (5) années à venir.

La particularité de ces sanctions c’est qu’elles interviennent également dans le sillage de la campagne que mène la France contre la junte malienne, coupable d’avoir introduit le loup russe, Wagner, dans la bergérie « françafricaine ». En faisant allusion à l’arrivée au Mali cette société privée de sécurité comme une menace, les chefs d’Etat de la CEDEAO, qui veulent surtout se présenter en défenseurs de la démocratie, se sont drapés, sans le vouloir, du maillot de défenseurs des intérêts étrangers.

En tout cas, un fait mérite d’être souligné, c’est la participation de l’UEMOA à la prise de ces sanctions, les plus drastiques jamais prises contre un pays membre ; car, à la différence de la CEDEAO, qui est coutumière des interventions à caractère politique, l’UEMOA ne s’est jamais intéressée aux questions de démocratie. La participation de cette institution aux sanctions contre la junte malienne est une première ; même si personne ne peut oublier qu’elle avait agi presque de la sorte contre le régime du président ivoirien Laurent Gbagbo.

Quoi qu’il en soit, il importe de ne pas perdre de vue que la principale victime dans cette histoire, c’est d’abord le peuple meurtri du Mali ; c’est surtout lui qui va souffrir de ces sanctions prises par les chefs d’Etat, après avoir été spolié des fruits de sa lutte héroïque contre le régime pourri et honni de IBK. La junte militaire malienne, qui cherche à s’accrocher au pouvoir, n’en souffrira que peu ; elle se sent déjà légitimée par l’indignation suscitée par la sévérité des sanctions, perçues par une large frange de l’opinion comme un clin des chefs d’Etat ouest-africains à Emmanuel Macron.

Au cours des prochains jours, les chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA se rendront peut-être compte qu’à trop vouloir isoler la junte malienne, ils n’ont fait que lui donner les moyens de réduire au silence les vraies forces progressistes du Mali ; car, dans l’ambiance actuelle, marquée surtout par la large condamnation de la politique des sanctions de la CEDEAO, il sera certainement difficile pour ces forces de se faire entendre. Elles risquent elles aussi, quelque soit par ailleurs la justesse de leurs critiques contre la volonté de la junte de se maintenir aux affaires, de se faire taxer d’alliés de l’impérialisme par ceux qui croient voir le visage de Sankara derrière celui de Assimi Goïta, ou de Lumumba derrière celui de Choguel Maiga.

Une contribution de Moussa Tchangari