Global Initiative choquée par la réquisition de peine de prison contre Samira Sabou et Aksar Moussa

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Samira Sabou et Moussa Aksar

L’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC) est choquée par la décision du ministère public nigérien d’exiger une peine de prison dans l’affaire de diffamation engagée par les autorités nigériennes contre Samira Sabou et Moussa Aksar lors de la dernière audience tenue le 27 décembre 2021.

Cette réquisition de peine de prison est intervenue après que le procureur de la République de Niamey M. Chaibou Moussa s’était engagé sans équivoque à abandonner les accusations retenues contre les deux journalistes lors de deux réunions tenues avec des avocats de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) et de la GI-TOC à Niamey les 15 et 16 décembre.

Lors de ces réunions, l’OCRTIS s’est également engagé à retirer la plainte qui a déclenché les accusations dans le cadre de l’accord avec la GI-TOC. Si l’OCRTIS a effectivement honoré son engagement lors de l’audience du 27 décembre, le ministère public ne l’a pas fait. Au lieu de donner suite à son engagement, le parquet a demandé une peine de prison. Le juge-président devrait maintenant rendre un jugement demain 3 janvier 2022.

Contexte

Mme Sabou, journaliste d’investigation et blogueuse, et M. Aksar, directeur du site médiatique « L’Événement Niger », ont été inculpés devant le tribunal le 09 septembre, en vertu de la loi draconienne sur la cybercriminalité du Niger qui prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans pour diffamation directe ou indirecte. Les deux journalistes ont été poursuivis à la suite d’une plainte de l’OCRTIS, en raison de la diffusion sur les réseaux sociaux d’un article publié par la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC).

L’article en question, « Strange Days for Hashish Trafficking in Niger » (en français : « Des jours étranges pour le trafic de haschich au Niger »), a été publié le 11 mai 2021 et fait état du trafic de résine de cannabis libanaise à travers l’Afrique de l’Ouest vers l’Afrique du Nord, et la saisie par les autorités nigériennes d’une importante cargaison le 02 Mars. La GI-TOC a rapporté des informations provenant de sources multiples concernant la réacquisition ultérieure d’une partie de la cargaison par des trafiquants, qui ont ensuite transporté la drogue vers la Libye et l’Égypte. Après la publication de l’article, l’OCRTIS a demandé un droit de réponse, qui a été à la fois posté directement et intégré à l’article par le GI-TOC.

Après des mois de négociations, la GI-TOC était parvenu à un accord pour coopérer avec l’OCRTIS dans le cadre d’initiatives conjointes à organiser à Niamey et a pris acte de cet accord et de la décision de l’agence de retirer sa plainte dans un communiqué (lire le communiqué ici).

À aucun moment, la GI-TOC n’a rétracté ou retiré le contenu de l’article, ni l’article lui-même, qui est toujours publié sur son site Web (voir l’article ici). La GI-TOC continue de s’en tenir à l’intégralité du contenu de son rapport, qui est basé sur des informations de sources triangulées.

Appel au Président

L’intention de l’article de la GI-TOC n’a jamais été conçue comme une attaque contre l’État nigérien, l’OCRTIS ou le bureau du président, une allégation qui a été utilisée par le ministère public pour justifier l’utilisation de la loi sur la cybercriminalité. Au contraire, l’article offre une visibilité importante sur l’évolution des défis du trafic de drogue au Sahel, essentiel pour l’avancement des efforts visant à lutter contre le trafic et les dommages qu’il pose aux nations et aux citoyens de la sous-région.

Le ciblage de deux éminents journalistes d’investigation nigériens pour le simple fait de partager l’article de la GI-TOC sur les réseaux sociaux est une réponse lâche destinée à faire taire les questions et débats légitimes centrés sur le trafic de drogue et son pouvoir de corruption. Il ne s’agit pas d’un phénomène exclusif au Niger, au contraire, de nombreux pays ciblés par des réseaux criminels transnationaux ont été victimes de ce pouvoir corrupteur.

Cependant, le Niger est l’un des rares États à avoir répondu à ce défi en choisissant de cibler les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants civiques en raison de leurs efforts pour comprendre le défi posé par le crime organisé transnational et leur lutte pour améliorer l’état de droit et la lutte contre les pratiques de corruption.

Ce n’est pas la première fois que les autorités nigériennes ont eu recours à l’intimidation face à des informations qui ne leur plaisent pas. De nombreux journalistes d’investigation et chercheurs nigériens en ont souffert, dont Mme Sabou et M. Aksar, lors de précédents procès intentés contre eux. Au lieu d’aborder la question centrale soulevée par l’article, en lançant une enquête indépendante, les autorités nigériennes cherchent une fois de plus à intimider en tirant parti des pouvoirs arbitraires conférés par la loi sur la cybercriminalité.

Dans ce contexte, la GI-TOC en appelle au président Mohamed Bazoum afin qu’il utilise tous les moyens légaux à sa disposition pour mettre fin immédiatement à l’injustice perpétrée contre Samira Sabou et Moussa Aksar.

La GI-TOC ne se laissera pas intimider par les derniers développements judiciaires de cette affaire et réaffirme sa solidarité envers Samira Sabou et Moussa Aksar, de courageaux journalistes qui encourent des sanctions pour avoir rempli leur responsabilité de poser des questions difficiles et de soutenir un débat important. La GI-TOC se tiendra toujours fermement à côté d’eux dans ce combat.