Burkina Faso : internet suspendu sur les appareils mobiles, la colère gronde

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Depuis la soirée du samedi 20 novembre 2021, il est impossible de se connecter à internet sur les appareils mobile au Burkina Faso. Dans un communiqué rendu public le 22 novembre, le Gouvernement a indiqué avoir suspendu internet pour 96 heures dans tout le pays. Mais dans la soirée du 24 novembre, pendant beaucoup s’attendait au retour d’internet sur le mobile, le gouvernement sort un autre communiqué pour proroger de 96 heures la mesure de suspension.

Pour plusieurs petits entrepreneurs dont les activités sont liées à internet mobile, « la situation est intenable« . « Une journée sans internet, c’est beaucoup de commandes annulées, des chiffres d’affaires et des clients de perdus. Ça fait plusieurs jours que cela dure et le pire, c’est qu’on n’a pas été prévenu. Le communiqué du Gouvernement est publié deux jours après la suspension. C’est inadmissible« , a déclaré Aziz Boukandé, responsable d’une startup de e-commerce.

Dans un communiqué le 23 novembre, des Organisations de la société civile ont dénoncé une « violation flagrante et inopportune du droit du public à l’information et une atteinte grave à la liberté d’expression« . « Nous déplorons l’insistance sur la démission sans condition du président du Faso et le président de l’Assemblée nationale. Pour nous, cette dernière initiative n’a aucune appellation juridique et constitutionnelle qu’un coup d’Etat en lieu et place de revendications sociales« , a déclaré Claude Ouédraogo du mouvement « Plus rien ne sera comme avant ». Pour AfricTivistes, cette situation qui risque de propager davantage de fausses informations dans le pays.

Contexte socio-politique tendu

La coupure d’internet au Burkina Faso intervient dans un contexte où plusieurs sujets de l’actualité socio-politique fait rage sur les réseaux sociaux. Il s’agit notamment de la polémique sur la responsabilité des autorités gouvernementales dans l’attaque terroriste qui a couté la vie à 37 gendarmes à Inata ; le blocage par les populations de Kaya, une ville située à environ 100 km de Ouagadougou, d’un convoi militaire de l’armée français en partance pour le Niger ; et les appels à manifestations pour réclamer la démission du président Rock Kaboré.

Selon plusieurs burkinabè, le Gouvernement a coupé internet pour étouffer la manifestion anti-français à Kaya et étouffer les appels à manifestations pour réclamer la démission du président. Lors d’un point de presse animé le 24 novembre, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, a indiqué que « la suspension d’internet à l’actualité relatif au convoi militaire français sur le sol burkinabè ».

« Nous avons pensé que notre Nation avait besoin d’un silence où on va puiser nos forces morales afin de faire en sorte que nous puissions dignement enterrer nos soldats. Cette restriction (d’internet – NDLR) est strictement liée à cela« , a expliqué le ministre de la Communication Ousséni Tamboura. Une explication jugée laconique et irréfléchi et irresponsable.

Vers une nouvelle insurrection ?

Pour plusieurs observateurs, le Burkina est bord d’une insurrection populaire, comme en 2014. Le contexte sécuritaire qui ne cesse de se dégrader, la situation socio-économique morose et la crise dans le secteur de l’éducation, sont autant de sujets qui attisent la colère des populations face au régime du président Kaboré qui peine à trouver des solutions efficaces aux problèmes du pays.

Avec la coupure d’internet, « le Gouvernement est train de réunir les conditions pour radicaliser davantage les citoyens« , a déclaré le mouvement « Balai citoyens ». « La suspension d’internet est une décision pour éviter que des manipulateurs installent le chaos« , a rétorqué Clément Sawadogo de l’Alliance des parties politiques membres de la majorité présidentielle.

Les prochains jours s’annoncent incertains dans le pays. S’il est vrai que l’insurrection de 2014 a provoqué la chute du régime du président Compaoré qui a passé 27 ans au pouvoir, les burkinabè doivent aujourd’hui interroger l’histoire pour y tirer toutes les leçons avant de s’aventurer à nouveau sur ce terrain. Les conséquences peuvent être irréversibles.