Malgré les défis sans précédent que pose la pandémie de la Covid-19, les pays à travers le monde ont réussi à maintenir leurs avancées historiques dans la lutte contre le paludisme cette année-ci, ce qui a permis de sauver des centaines de milliers de vies, de préserver des systèmes de santé fragiles et de contenir le paludisme dans les pays où de nouveaux cas ne se sont pas manifestés localement.
Cependant, le succès à terme dans l’avènement d’un monde libre du fardeau de paludisme en l’espace d’une génération est loin d’être assuré, les pays africains les plus fortement touchés par le paludisme arrivant difficilement à réaliser des progrès significatifs et soutenus dans la lutte contre le paludisme depuis 2016. C’est le constat qu’établit le dernier Rapport sur le paludisme dans le monde publié aujourd’hui par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il confirme en effet qu’en 2019, 409 000 personnes sont décédées du paludisme et que le nombre de cas de paludisme dans le monde s’élève à 229 millions.
Le Dr Abdourahmane Diallo, Directeur général du Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme, déclare :« Cette année, les défis dans la lutte contre le paludisme se sont multipliés. Cependant, notre détermination s’est plutôt raffermie. Les efforts héroïques déployés par les pays cette année-ci ont permis d’empêcher un doublement des décès dus au paludisme en Afrique subsaharienne et d’accomplir de grands progrès dans l’élimination du paludisme en Asie et dans les Amériques. Les investissements à long terme effectués pour lutter contre le paludisme ont porté leurs fruits pendant la pandémie. Cependant, nous devons nous doter de données à jour et nous servir des enseignements tirés de la riposte à la COVID-19, ce qui nous permettra d’innover et d’adapter nos approches en temps réel et d’avoir un impact maximal dans notre lutte contre le paludisme. »
Les pays se mobilisent pour sauver des vies du paludisme face à la Covid-19
Grâce à une mobilisation sans précédent des pays face à la Covid-19, plus de 90 % des campagnes de prévention du paludisme qui avaient été programmées pour cette année sont allées de l’avant, permettant ainsi d’éviter le scénario du pire, celui du doublement des décès dus au paludisme en Afrique subsaharienne, au cours de cette année. Cependant, on prévoit que pour toute l’année 2020, les cas et les décès dus au paludisme vont s’accroître, en raison des perturbations, dans une proportion de 5 % à 50 %, intervenues dans l’accès aux services essentiels de diagnostic et de traitement du paludisme dans les pays touchés.
« L’impact du paludisme en 2020 aurait été bien pire à défaut des efforts incroyables déployés par les pays et leurs partenaires, mais la réalité est que chaque décès dû au paludisme est évitable. Nous avons vu combien le fardeau du paludisme, surtout chez les jeunes enfants, s’alourdit pendant les crises sanitaires. Nous devons continuer à lutter en même temps contre le paludisme et la Covid afin de sauver davantage de vies et de protéger les systèmes de santé », ajoute le Dr Diallo.
La carte mondiale du paludisme continue à se rétrécir
Malgré la transmission rapide de la Covid-19 dans toutes les régions du monde, les pays continuent à faire des progrès vers l’élimination du paludisme, 27 d’entre eux affichant moins de 100 cas en 2019 – alors qu’ils n’étaient que 6 en 2000 – ce qui montre que l’élimination est à portée de main dans tous les pays touchés.
Plusieurs d’entre eux, dont la Chine, le Salvador et la Malaisie, ont réussi à contenir le paludisme face à la pandémie de Covid-19, ce qui les place en bonne voie pour l’obtention d’une certification « exempt de paludisme » l’année prochaine. Depuis 2000, 10 pays ont été certifiés exempts de paludisme par l’OMS.
Selon le Rapport 2020 sur le paludisme dans le monde, la région de l’Asie du Sud-Est relevant de l’OMS est en bonne voie d’atteindre une réduction de 40 % de cas et de décès dûs au paludisme pour l’année 2020, un objectif mondial fixé en 2016 et réalisé en grande partie grâce aux résultats remarquables obtenus d’une année sur l’autre en Inde et dans la sous-région du Grand Mékong.
Le Professeur Yongyuth Yuthavong, membre du Conseil d’administration du Partenariat RBM, scientifique spécialiste du paludisme et ancien vice-premier ministre de la Thaïlande, commente :« La sous-région du Grand Mékong a réalisé d’énormes progrès vers l’élimination – même face à la résistance croissante aux insecticides et aux médicaments – en arrivant à réduire les infections et les décès dus au paludisme de plus de 90 % depuis l’an 2000. Cette performance a été rendue possible en grande partie grâce au développement et au renforcement des outils permettant de sauver des vies, dont bon nombre n’étaient pas disponibles il y a 20 ans, ainsi qu’à une collaboration transfrontalière qui a permis d’améliorer et d’accroître la surveillance. Aujourd’hui, nous devons continuer à investir dans des innovations qui nous aideront à garder une longueur d’avance en cas d’évolution vectorielle et parasitaire. »
La pandémie souligne l’importance du recueil de données en temps réel et de l’innovation dans l’obtention d’un maximum d’impact
En réponse à la pandémie de la Covid-19, la communauté mondiale du paludisme a fait preuve d’un esprit de collaboration sans précédent dans la mobilisation de ressources supplémentaires, dans la lutte contre les perturbations se produisant dans la chaîne d’approvisionnement des intrants antipaludiques et des équipements de protection individuelle, dans la résolution des goulots d’étranglement au cours des campagnes de prévention et dans la réponse aux poussées de paludisme.
La Covid-19 a montré l’importance cruciale de données rapides, précises et localisées ainsi que d’innovations pour lutter efficacement contre une maladie infectieuse. Cela est nécessaire pour établir des pivots stratégiques essentiels et pour identifier des ressources limitées permettant de faire face à de nouveaux défis.
Elizabeth Chizema, membre du Conseil d’administration du Partenariat RBM et ancienne directrice du Programme national d’élimination du paludisme en Zambie, déclare :« La communauté mondiale contre le paludisme doit tirer le maximum de l’opportunité d’utiliser des données en temps réel pour éclairer les décisions devant être prises sur-le-champ. Cette approche, catalysée et facilitée par le Partenariat RBM, aidera à s’assurer que des ressources limitées aient un impact maximum et à continuer de soutenir la résilience des pays face aux obstacles imprévus pouvant se poser dans la lutte antipaludique. »
Rester concentré sur l’objectif réaliste d’un monde sans paludisme
Depuis 2000, grâce à un partenariat engagé au niveau international, le monde a réalisé des progrès considérables dans la lutte contre le paludisme, ce qui a permis de sauver 7,6 millions de vies et d’éviter 1,5 milliard de nouvelles infections.
Les investissements dans la lutte contre le paludisme au cours des deux dernières décennies ont permis non seulement de sauver des vies, mais aussi de renforcer les systèmes de santé, d’améliorer les économies et d’accroître la sécurité sanitaire mondiale. Ces avancées ont également permis de réduire drastiquement la charge que représente la maladie pour les systèmes de santé, tout en étoffant la formation d’agents de santé et en relevant les capacités des laboratoires et la surveillance des maladies, les aidant ainsi à mieux faire face aux nouveaux défis sanitaires.
Cependant, la pandémie de la Covid-19 et ses retombées économiques continuent à menacer les progrès accomplis ainsi que les efforts à long terme pour mettre fin au paludisme. Les engagements et les actions que prendront les pays au cours des prochaines années seront essentiels pour redresser le cap et atteindre les objectifs ambitieux et réalistes en matière de réduction du paludisme, surtout en Afrique, un continent qui supporte plus de 90 % du fardeau mondial de cette maladie.
La Professeure Maha Taysir Barakat, présidente du Conseil d’administration du Partenariat RBM, a déclaré en guise de conclusion :« Nous ne pouvons pas laisser la pandémie de la Covid-19 nous détourner de nos efforts visant à préserver les avancées durement réalisées dans la lutte contre le paludisme et à accélérer les efforts visant à mettre fin à cette maladie en l’espace d’une génération. L’élimination du paludisme permettra également aux pays de gérer d’autres maladies, ainsi que les menaces sanitaires courantes et émergentes. Grâce à notre engagement continu, l’utilisation optimale des ressources actuelles et de nouveaux investissements, nous pourrons nous acquitter de la promesse de faire advenir un monde sans paludisme. »