Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), le britannique Karim Khan a été interpellé par plusieurs pays pour une enquête sur la situation en Ukraine, alors que la Russie a lancé une opération militaire dans le pays. Le Japon et la Macédoine du nord sont les deux nouveaux Etats à interpeller officiellement la CPI sur la question. Dans une déclaration vendredi, Karim Khan s’est prononcé sur la situation.
Déclaration du procureur de la CPI su l’Ukraine
Le 28 février 2022, j’ai annoncé ma décision de demander l’autorisation d’ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine, sur la base des conclusions antérieures de mon Bureau découlant de son examen préliminaire, et englobant tout nouveau crime présumé relevant de la compétence de la Cour pénale internationale Cour (« CPI » ou « la Cour »). Au 2 mars, mon Bureau avait reçu des renvois sur la situation en Ukraine de la part de 39 États parties à la CPI, ce qui m’a permis d’ouvrir immédiatement une enquête et de commencer la collecte de preuves.
Aujourd’hui, je peux confirmer que deux États supplémentaires, le Japon et la Macédoine du Nord, ont renvoyé la situation en Ukraine à mon Bureau, portant le nombre total d’États saisissants à 41. Je note que cette action du Japon représente une expansion des groupes régionaux engagés dans le renvoi de la situation ukrainienne. Ils sont le premier État asiatique à le faire. Je suis reconnaissant au Japon pour cette nouvelle expression de son soutien indéfectible au travail de mon Bureau, qui se reflète déjà dans sa position de principal contributeur financier à la CPI.
Mon Bureau a répondu immédiatement à cet appel collectif sans précédent à l’action lancé par les États parties. L’équipe d’enquête que j’ai déployée dans la région la semaine dernière a déjà commencé les activités de collecte de preuves. Je cherche également personnellement à dialoguer avec toutes les parties prenantes et parties au conflit concernées dans le but de renforcer les canaux de collecte d’informations pertinentes et de susciter une action coordonnée vers notre objectif commun d’assurer la responsabilité des crimes relevant de la compétence de la CPI.
Les enquêtes criminelles internationales nécessitent l’engagement de tous ceux qui pourraient détenir des informations pertinentes pour notre travail. Les témoins, les survivants et les communautés affectées en particulier doivent être habilités à contribuer activement à nos enquêtes. Il ne peut y avoir aucun spectateur dans nos efforts pour établir la vérité et poursuivre les personnes présumées responsables de crimes internationaux.
Je peux donc annoncer aujourd’hui que mon Bureau a mis en place un portail dédié par lequel toute personne susceptible de détenir des informations pertinentes sur la situation en Ukraine peut contacter nos enquêteurs. J’encourage tous ceux qui disposent d’informations pertinentes à se manifester et à contacter notre équipe via cette plateforme, accessible ici. Nous diffuserons largement ce portail sur les réseaux sociaux et j’encourage toutes les parties prenantes concernées, y compris les médias, locaux et internationaux, à faire connaître cette plateforme.
Le soutien collectif de tous les États parties et de la communauté internationale plus largement continuera également d’être essentiel alors que mon Bureau s’apprête à accélérer ses travaux dans toutes ses enquêtes. À cette fin, je peux en outre annoncer que j’ai fait circuler une communication officielle invitant tous les États parties à fournir une assistance à mon Bureau, notamment par des contributions financières volontaires et la mise à disposition d’experts nationaux en détachement. Cela sera essentiel pour répondre aux besoins urgents en ressources de mon Bureau et nous permettre de traiter efficacement toutes les situations faisant actuellement l’objet d’une enquête ou d’un procès. J’ai déjà été encouragé par la réponse initiale des États parties à cet appel à l’aide.
Je voudrais conclure en soulignant que, tandis que notre équipe d’enquêteurs poursuit son travail sur le terrain, je suis de près l’évolution profondément troublante des hostilités. Les événements de ces derniers jours m’obligent à souligner à nouveau que tous ceux qui sont impliqués dans ce conflit doivent respecter strictement les règles applicables du droit international humanitaire.
Je note en particulier que si des attaques sont intentionnellement dirigées contre la population civile : c’est un crime. Si des attaques sont intentionnellement dirigées contre des biens civils : c’est un crime. J’exhorte vivement les parties au conflit à éviter l’utilisation d’armes lourdes explosives dans les zones peuplées.
Il n’y a aucune justification légale, il n’y a aucune excuse, pour des attaques qui sont aveugles, ou qui sont disproportionnées dans leurs effets sur la population civile. Mon bureau poursuivra ses travaux sur la situation en Ukraine et cherchera à approfondir son engagement avec tous les acteurs dans la poursuite de notre objectif commun consistant à garantir la responsabilité des crimes internationaux.