Visite guidée des journalistes au TGI de Niamey : immersion au cœur de l’appareil judiciaire

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Le vendredi 9 mai 2025 restera une date marquante pour quinze journalistes issus des organes de presse publique et privée du Niger, invités à franchir les portes de l’une des institutions les plus emblématiques du pays : le Tribunal de Grande Instance Hors Classe (TGI-HC) de Niamey. Une visite guidée, instructive et symbolique, organisée par le Réseau des journalistes pour le droit de l’homme (RJDH) avec l’appui technique et financier de l’Organisation Internationale de Droit du Développement (IDLO), dans le cadre du « Projet de Renforcement de l’accès à la justice pour une meilleure protection des citoyens au Niger« .

L’ambition affichée par les organisateurs de cette visite était claire, celle de faire comprendre le fonctionnement de la justice pour que ceux qui informent puissent, à leur tour, informer avec justesse et rigueur. Car, comme l’a justement souligné le procureur de la République, près le TGI-HC de Niamey, M. Ousmane Baydo, « le manque de connaissance sur les rouages de la justice reste un frein majeur à une bonne collaboration entre les citoyens et l’appareil judiciaire ». Selon lui, les sollicitations inappropriées et maladroites des citoyens vis-à-vis de la justice ne sont rien d’autre que le reflet d’une profonde méconnaissance de son fonctionnement. A ce titre, il souhaite que les journalistes soient le relais pour informer les citoyens à mieux comprendre le fonctionnement de la justice.

C’est au Bureau du procureur de la République que débuta cette plongée dans les arcanes judiciaires. Le procureur, dans un discours limpide et pédagogique, a explicité le rôle fondamental qu’il incarne : celui de représentant de l’intérêt général, chargé de recevoir, traiter et poursuivre les infractions pénales et les affaires civiles au nom de la société. Avec ses collaborateurs, notamment la procureur adjointe et substituts, il coordonne l’activité du parquet, véritable interface entre les services d’enquête et les juridictions de jugement.

Chaque mois, environ 400 dossiers affluent vers le parquet de Niamey, en provenance des différents services d’enquête, notamment les commissariats de police, la police judiciaire, la gendarmerie et la garde nationale. Une fois les procès-verbaux reçus, plusieurs scénarios sont envisagés : l’ouverture d’une enquête complémentaire, la saisine d’un juge d’instruction, ou encore la citation directe devant le tribunal si les éléments sont suffisamment constitués. Dans certains cas, une procédure de classement sans suite est décidée, notamment en l’absence d’infraction ou de preuves suffisantes.

La délégation des journalistes s’est ensuite rendue dans les différents cabinets des juges d’instruction, qualifiés de juges du siège car, à la différence du parquet, ils ne prennent pas partie dans les affaires et tranchent en toute impartialité. Ils sont les garants des libertés individuelles et veillent à la bonne instruction des dossiers pénaux.

Au 1er cabinet, les journalistes ont découvert avec le juge Brah Mamadou Ali, les spécificités des infractions de droit commun qui sont entre autres, vols, agressions, homicides, viols, etc. Ces affaires, parfois dramatiques, nécessitent une expertise approfondie et un grand sens de l’écoute pour démêler le vrai du faux.

Le passage chez le magistrat Souley Ouali Ibrahim, le deuxième vice-président du tribunal fut tout aussi édifiant. Ce dernier supervise le pôle économique et financier, traitant notamment des infractions, telles que le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale ou encore le détournement de deniers publics. Des questions pointues ont été posées sur la nature des preuves requises, les obstacles procéduraux et la coopération en matière d’enquêtes financières.

Poursuivant leur visite guidée, les journalistes ont été accueillis par Monsieur Salaou Issoufou, le doyen des juges d’instruction. Ce magistrat expérimenté joue un rôle de pilier au sein du tribunal. Sa longue expérience lui permet de traiter les affaires complexes, impliquant parfois plusieurs protagonistes et touchant aux domaines sensibles du terrorisme, de la haute criminalité, ou des crimes militaires. Il intervient également au tribunal militaire, preuve de la transversalité de son expertise en attendant que l’institution ait ses propres juges militaires.

Autre temps fort de la visite, l’échange avec Madame Dadi Hadjara Abdoulaye, juge des mineurs. Celle-ci a présenté son cabinet comme un espace à part, où l’on parle non pas de « délinquants », mais d’ »enfants en conflit avec la loi ». Sa mission va au-delà de la répression : elle combine éducation, réinsertion et justice, avec une approche humaniste, dans le strict respect des droits de l’enfant. Contrairement aux autres juges d’instruction, elle assure aussi le jugement des affaires qu’elle instruit, dans une logique d’accompagnement global des mineurs.

La dernière étape de cette immersion a conduit les journalistes au pôle dédié à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Composé de neuf cabinets d’instruction, ce pôle traite des dossiers hautement sensibles : trafics d’armes, de drogues, réseaux de blanchiment, cybercriminalité, et surtout, les affaires de terrorisme. Un travail de fond, minutieux et risqué, qui se déploie dans un contexte sécuritaire national marqué par de nombreuses menaces.

A noter que cette visite a été conduite de bout en bout par le juge Zakari Djabo. Elle a permis aux journalistes d’embrasser concrètement la réalité du travail judiciaire, souvent fantasmé ou méconnu. Elle rappelle surtout qu’un dialogue entre justice et médias est non seulement souhaitable, mais vital pour renforcer la culture juridique dans notre pays. En rendant compte fidèlement de ces échanges et observations, ces journalistes deviennent des relais précieux pour une justice mieux comprise, donc mieux respectée.

Une photo de famille avec le procureur de la République a immortalisé ce moment solennel, marquant la fin d’une visite inédite mais porteuse d’espoir. Car au-delà des murs, « c’est le lien entre le citoyen et la justice qui commence à se retisser. »

Mahamadou Tahirou

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