Au Niger, 53 562 enfants, dont 25 828 filles, sont privés du droit à l’éducation en 2021 dans la région de Tillabéry, d’après un rapport du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) publié le 20 décembre 2021. Selon le document, cette situation est due aux activités des groupes armés non étatique qui opèrent depuis plusieurs années dans la région.
Dans l’ouest de la région de Tillabéry, proche de la frontière avec le Burkina Faso, les attaques des éléments présumés des groupes armés non étatiques a provoqué d’importants mouvements de populations et le décrochage scolaire de nombreux élèves obligés de fuir leurs villages avec leurs parents, déplore OCHA. En dehors des déplacements massifs des populations, plusieurs écoles ont été forcées de fermer à cause de la persistance des actions des groupes armés qui sèment la psychose au sein de la population. Ce qui a élevé le taux de déscolarisation des enfants dans la région.
« Sur les treize départements de la région, huit sont directement impactés (Abala, Ayorou, Gotheye, Tillabéry, Say, Ouallam, Téra, Torodi) », a indiqué le rapport qui précise que Torodi est l’un des départements les plus touchés de la région. A la date du 13 novembre 2021, le total des écoles fermées a atteint 93 sur les 154 écoles que compte ce département, selon la lettre N°05/21-22/ICEP Tdi de l’inspecteur de Torodi, citée dans le rapport.
Dans ce département, « environ 12 186 enfants, dont 5 917 filles, sont privés de leurs droits à l’éducation, soit parce que les écoles ont été forcées de fermer, ou leurs parents n’ont pas les moyens de les envoyer dans les localités où il existe encore des écoles fonctionnelles. Souvent, faute d’infrastructures d’accueil, certaines écoles ne peuvent pas accueillir de nouveaux élèves pour assurer la continuité pédagogique. Globalement, dans les endroits où les écoles sont encore fonctionnelles, les effectifs restent toutefois pléthoriques ». A l’échelle de la région de Tillabéry, le nombre d’écoles fermées à la fin de l’année scolaire 2020-2021 est estimé à 579 sur les 2 247 écoles que compte la région, soit 23,66%, selon les autorités nigériennes.
A la date du 20 décembre dernier, la région de Tillabéry enregistre 9 833 élèves déplacés, selon toujours les autorités nigériennes. En 2020, ce sont 377 écoles qui ont été fermées à travers la région, affectant plus de 30 000 enfants, rappelle l’organisation humanitaire. « Les acteurs du secteur de l’éducation prévoient que cette année, la région de Tillabéry verra ses besoins augmenter à cause de la forte menace sécuritaire consécutive à la montée en puissance des groupes armés le long de la frontière avec le Burkina (Torodi, Makalondi et même le sud Say). Des nombreux cas d’abandon dus à l’insécurité sont enregistrés », a-t-elle révélé dans son rapport.
Les jeunes déscolarisés, des proies faciles pour les groupes armés
Pour le Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires, des milliers d’enfants à la rue constituent aujourd’hui des proies faciles pour les groupes armés, « car entre la rue et les rangs des GANE (Groupe armés non étatiques – NDLR), il n’y a qu’un pas à franchir ». L’organisation note que la « disparition » de plusieurs de ces jeunes dans la région de Tillabéry fait craindre les leaders qui redoutent même que ces jeunes soient déjà récupérés par les groupes armés.
« Aujourd’hui, nombreux sont les acteurs dans la région qui craignent que ces milliers de jeunes déscolarisés ne soient récupérés par des groupes armés. Des témoignages recueillis auprès des sources locales confirment la disparition de nombreux élèves déscolarisés, originaires d’un village dont elles se sont gardées de citer le nom, et l’on redoute qu’ils n’aient pu rejoindre ces groupes armés », a rapporté OCHA-Niger. L’institution humanitaire estime que la situation de ces élèves en décrochage à cause de la fermeture de leurs écoles est un sujet de préoccupation majeure.
Le secteur éducatif nigérien globalement éprouvé
D’un point de vue général, le secteur éducatif nigérien est globalement confronté à des nombreux défis. Selon le Plan de transition du secteur de l’éducation et de la formation (PTSEF 2020-2022 : étude sur les enfants et adolescent(e)s en dehors de l’école (EADE) au Niger – Rapport final UNICEF 2018) plus de 50% des enfants de 7 à 12 ans sont hors de l’école. Pour les jeunes de 13 à 16 ans, ce pourcentage s’élève à 60%, souligne le rapport de OCHA. Il précise qu’au total, 2 634 271 enfants et adolescents sont hors de l’école. « Ce sont majoritairement des ruraux provenant des régions de Maradi, Tahoua et Zinder », a indiqué la même source déplorant que malgré les importantes ressources budgétaires affectées au secteur de l’éducation (20% du budget alloué chaque année), « les performances sont négativement impactées ».
« La répartition des enseignants dans les régions puis dans les établissements connait beaucoup de disparités. Alors qu’au niveau national la dotation est d’un enseignant pour 36 élèves au primaire, on observe des chiffres aussi bas qu’un enseignant pour 26 élèves à Diffa et des chiffres aussi élevés qu’un enseignant pour 45 élèves à Maradi (PTSEF 2020-2022) », a notifié OCHA dans son rapport.
Au niveau national et régional, les acteurs du secteur se mobilisent avec leurs différents partenaires pour normaliser la situation éducative et ainsi permettre à des milliers d’enfants de jouir de leur droit à l’éducation conformément à la Convention Internationale des droits de l’enfant ratifiée par le gouvernement du Niger.
Mais, faut-il le dire, il ne serait pas aisé de normaliser cette situation dans certaines localités du pays tant que l’insécurité y persiste. En effet, il faudra d’abord beaucoup miser sur la situation sécuritaire, source de ce dysfonctionnement, afin de réinstaurer une certaine stabilité, dans ces zones, pouvant permettre aux populations de vaquer tranquillement à leurs occupations et permettre ainsi la continuité des activités pédagogiques.