Le Sahel classé « zone rouge » : « C’est l’échec même de la politique française »

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Les pays du G5 Sahel

Paris a classé en zone rouge le Sahel après l’attaque de Kouré. Si les dirigeants sahéliens n’ont pas réagi, des observateurs dénoncent la politique française dans la région.

Après l’assassinat le 9 août dernier au Niger de six Français et de deux Nigériens, le ministère français des Affaires étrangères déconseille à ses ressortissants de se rendre dans les pays du Sahel désormais classés en zone rouge, à savoir le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso. Selon le Quai d’Orsay, la menace d’attentat et d’enlèvement visant des Occidentaux demeure élevée dans la zone sahélienne, mais aussi dans les pays limitrophes.

Contradictions ?

Cette décision choque Aly Tounkara, enseignant à l’université de lettres et de sciences humaines de Bamako, et spécialiste de l’islam politique : « On ne peut pas rester dans des salons climatisés à Paris ou Washington et mettre tout une liste de pays sur ce qu’on pourrait qualifier de carte rouge. Et dans le même temps, brandir les succès militaires remportés dans lesdits pays. Donc, vous comprendrez aisément combien le Quai d’Orsay se trouve au cœur même de la contradiction.« 

Moussa Aksar, journaliste d’investigation et directeur de l’hebdomadaire L’Evénement du Niger, affirme pour sa part que les raisons invoquées par la diplomatie française ne sont pas convaincantes. Ce membre du Consortium international des journalistes d’investigations (ICIJ) et par ailleurs président en exercice du Centre Norbert Zongo pour le journaliste d’investigation en Afrique de l’ouest (CENOZO) croit que Paris serait en partie comptable de l’enlisement sécuritaire dans le Sahel :

« On peut dire d’emblée que c’est l’échec même de la politique française mais aussi de Barkhane (l’opération Barkhane a été lancée le 1er août 2014 et est dirigée par l’armée française pour lutter contre les djihadistes dans le Sahel). La France a misé sur le tout sécuritaire au lieu que ça soit des actions concrètes de développement dans ces zones qui connaissent l’insécurité. » 

Coopération étroite en Paris et le Sahel

C’est pourquoi le sociologue Mohamed Amara, auteur de l’essai  « Le Mali rêvé« , plaide pour une étroite coopération entre la France et ses partenaires du G5 Sahel : « Donc, ce serait bien qu’il y ait un cadre de coopération, qu’il y ait de la concertation. Ce qui permettrait de lever toute équivoque par rapport à une politique qui est une politique de deux poids deux mesures où, quand ce sont des Français qui sont attaqués, on voit tout de suite que le Quai d’Orsay monte au créneau. Mais la même politique devrait aussi se faire du côté des pays africains, des Nigériens, des Burkinabè. »

Jusqu’à présent, aucun des dirigeants politiques de ces pays classés en zone rouge n’a réagi officiellement à cette décision de la diplomatie française.

Source : DW