Au Niger, 2,9 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire en 2020 (ONU)

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La situation humanitaire au Niger se dégrade, a alerté une haute responsable de l’ONU qui a conclu samedi une visite de six jours dans ce pays d’Afrique de l’Ouest confrontée à de multiples crises.

Violences et déstabilisations dans les zones frontalières, insécurité alimentaire, déplacements massifs de population, répercussions du changement climatique. Les défis sont nombreux au Niger et les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme.

« A l’heure actuelle, 2,3 millions de personnes, c’est-à-dire plus d’une personne sur dix, ont besoin d’assistance humanitaire. L’année prochaine, le nombre de personnes ayant besoin d’aide d’urgence risque d’atteindre environ 2,9 millions », a alerté la Sous-Secrétaire général adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, Ursula Mueller, à l’issue de sa rencontre mardi avec le Premier Ministre nigérien, Brigi Rafini, à Niamey. 2,9 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire en 2020. Cela représenterait une augmentation de 26% par rapport à 2019.

Mme Mueller a effectué une mission de six jours (9 au 14 décembre) au Niger. Une mission au cours de laquelle elle s’est entretenue dans la capitale Niamey avec les plus hautes autorités civiles nigériennes (le Président Mahamadou Issoufou et le Premier Ministre Brigi Rafini) et a rencontré l’équipe-pays des Nations Unies.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), 500 civils ont été tués ou enlevés en 2019 au Niger dans le contexte accru de violences. Des violences qui ont fait la une au Niger durant la visite de Mme Mueller. Mardi 10 décembre, 71 soldats nigériens ont été tués dans l’attaque de leur base à Inates, près de la frontière avec le Mali.

Selon Mme Mueller, les multiples crises auxquelles est confronté le Niger mais aussi les pays du Sahel (Mali, Mauritanie, Burkina-Faso, Tchad) et du Lac Tchad (Cameroun, Nigéria et Tchad) requiert une approche régionale accrue, davantage de planification, d’analyse et de résultats collectifs, ainsi qu’une attention aux jeunes.

Au cours de sa mission de six jours au Niger, Mme Mueller s’est rendue sur le terrain en différents lieux du pays pour constater les défis humanitaires et le travail des agences onusiennes et de leurs partenaires pour y répondre.

La Sous-Secrétaire générale s’est rendue mercredi à Diffa, au sud-est du Niger. Cette ville frontalière du Nigéria accueille 260.000 personnes déplacées du bassin du Lac Tchad. Des milliers d’enfants et leurs familles ont été affectés par les violences et le changement climatique. Mme Mueller s’est dit préoccupée par l’aggravation de la situation dans le bassin du Lac Tchad. « Ici à Diffa, l’une des régions les plus pauvres du Niger, les réfugiés et les communautés qui les accueillent continuent de faire face à la violence. Beaucoup ont fui plusieurs fois. Il est urgent d’accorder plus d’attention à leur situation », a-t-elle dit. 

Les violences ne sont pas l’unique facteur de déstabilisation du Niger. Le pays est actuellement confronté à des inondations, les pires qu’il est connu depuis un siècle. Des hectares entiers de terres cultivées ont été ravagés. « L’équivalent de 150 terrains de football de terres cultivées est perdu », a alerté Mme Mueller.  Avec pour conséquence d’accroître l’insécurité alimentaire l’année prochaine, dans un pays déjà confronté à la malnutrition chronique et à l’extrême pauvreté.

Dans le sud du Niger, la ville de Maradi n’est qu’à 50 kilomètres de la frontière avec le Nigéria. 35.000 Nigérians ont trouvé refuge dans cette ville, fuyant les violences. Assam est l’une d’entre elles. Cette femme a fui avec ses enfants au Niger après que son village au Nigéria eut été attaqué par des bandes. « Son histoire est celle de nombreuses personnes avec qui j’ai parlé », a dit Mme Mueller qui s’est rendue sur place mercredi.

A Maradi, un financement du Fonds central d’intervention d’urgence des Nations Unies (UNCERF) a permis de fournir de l’eau et de la nourriture à ces réfugiés ainsi que de construire des abris et des cliniques. à Maradi, la Sous-Secrétaire générale a visité le Centre intégré de réhabilitation nutritionnelle pour enfants. Sur place Chuma tient ses deux enfants dans ses bras. Ces derniers reçoivent un traitement. « Chaque année, 370 000 enfants nigériens risquent de mourir de malnutrition sévère s’ils ne sont pas traités », a alerté la haute responsable onusienne.

En 2019, quatre personnes sur 10 n’ont pas reçu l’aide humanitaire dont ils ont besoin

A Hamdallaye, village situé à 33 kilomètres à l’est de Niamey, la Sous-Secrétaire générale a visité jeudi un centre de transit où vivent 500 réfugiés originaires d’Afrique de l’Est et qui ont été évacués de Libye. Ces réfugiés ont fui leurs pays pour tenter de rejoindre l’Europe en quête de sécurité. Dans leur périple, ils ont tout perdu. « Des femmes ont été violées, des hommes agressés », a rappelé Mme Muller. 

Sur place, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) fournit à ces réfugiés des soins de santé, un soutien psychosocial, une scolarisation et procède à leur réinstallation. A ce jour, près de 3.000 personnes ont été réinstallées. « L’investissement dans ces centres fait une énorme différence », a souligné Mme Mueller. 

Le Niger demeure un pays de transit pour les personnes empruntant l’itinéraire périlleux à la recherche d’un avenir meilleur en Europe. Un itinéraire qui s’arrête souvent en Libye où migrants et réfugiés africains ont connu de terribles tragédies. « J’ai parlé avec des femmes qui ont vécu des expériences horribles, violées, brutalisées, vendues comme esclaves. Je ne les oublierai jamais », a dit Mme Mueller qui a salué le travail de l’Organisation internationale pour les migrations (IOM) pour aider ces survivants à reconstruire leur vie.  

Depuis Hamdallaye, la Sous-Secrétaire générale a appelé les pays occidentaux à accélérer le processus de réinstallation des réfugiés évacués de Libye et à faire preuve de solidarité. Une solidarité dont a fait preuve le Niger où 2.956 réfugiés ont été réinstallés grâce au Fonds financier d’urgence de l’Union européenne (EUTF).

Jeudi soir, 168 Nigériens sont arrivés à l’aéroport de Niamey en provenance de Libye dans un avion affrété par l’OIM. Dans la capitale nigérienne, le personnel de l’OIM les a aidé avec les inscriptions administratives, l’aide médicale et leurs moyens de transports sur place. 

Le budget du plan de réponse humanitaire pour le Niger en 2019 s’élevait à 407 millions de dollars. A deux semaines de la fin de l’année, il n’était financé qu’à hauteur de 59%. « Au-delà des chiffres, cela signifie que quatre personnes sur 10 n’ont pas reçu l’aide humanitaire dont ils ont besoin pour survivre », a dit Mme Mueller. 

Malgré les défis financiers et ceux liés à l’accès, les ONG au Niger atteignent les personnes qui ont le plus besoin d’assistance humanitaire. « Le sous-financement de l’action humanitaire empêche une réponse dans les temps et adéquat à un moment critique », a alerté la Sous-Secrétaire générale, rappelant que 407 millions de dollars seront nécessaire en 2020 pour poursuivre l’aide. 

« Le Niger est un acteur clé, non seulement pour la zone du bassin du Lac Tchad, mais aussi pour toute la région du Sahel et bien au-delà, y compris pour l’Europe », a dit la Coordinatrice adjointe des secours d’urgence de l’ONU. Pour Mme Mueller, la communauté internationale doit relever son niveau de soutien et fournir un appui plus diversifié au Niger afin de l’aider à répondre de la meilleure façon possible aux urgences humanitaires, mais également et surtout à renforcer les projets de développement initiés par le gouvernement en particulier dans les régions les plus fragiles.

Source : ONU Info