Au Bénin, la Cour suprême va se prononcer le vendredi 23 juillet 2021 sur la condamnation du journaliste d’investigation Ignace Sossou.
L’affaire remonte à décembre 2019. Le journaliste Ignace Sossou est incarcéré pour avoir relayé les propos « très critiques vis-à-vis du gouvernement béninois » tenus par Mario Mètonou, alors procureur du Tribunal de Cotonou, lors d’une conférence publique. Arrêté à son domicile le 20 décembre 2019 puis condamné, après 4 jours de garde à vue, à 18 mois de prison ferme et 200.000 fcfa d’amende, le journaliste Ignace Sossou a vu sa peine réduite, en appel, à 12 mois de prison dont 6 fermes et 500.000 fcfa d’amende. Insatisfaits du verdict, le journaliste et son conseil ont pourvu en cassation le verdict de la Cour d’appel.
Il est reproché au journaliste d’avoir sorti de leur contexte les propos relayés et ainsi causé une « détresse émotionnelle » au procureur Mètonou. Ignace Sossou a donc été condamné pour « harcèlement » par le biais d’une communication électronique, une infraction prévue par le Code numérique. Le 23 juillet, la Cour suprême du Bénin va dire si les faits reprochés au journaliste sont constitutifs de « cyberharcèlement » conformément aux dispositions de la loi.
Une mobilisation internationale
L’arrestation et l’incarcération du journaliste Ignace Sossou avaient suscité plusieurs réactions à travers le monde. Dans une tribune commune, plus de 150 organisations de journalistes et de la société civile dont Amnesty International, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) et Reporters sans Frontières, avaient dénoncé la détention arbitraire du journaliste au motif « farfelue » et réclamé sa libération. Sur les réseaux sociaux, plusieurs campagnes ont été menées par ces organisations pour soutenir le journaliste.
En octobre 2020, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a estimé que la détention du journaliste Ignace Sossou est illégale. Dans un avis rendu public, le Groupe de travail a appelé les autorités béninoises a indemnisé le journaliste à hauteur du dommage subi du fait de cette détention arbitraire, honteuse et disproportionnée. « Les autorités doivent mener une enquête sur les circonstances de cette arrestation afin d’adopter des mesures appropriées contre ceux qui en sont responsables« , avait recommandé l’instance onusienne.
Le journaliste pris pour cible ?
L’incarcération du journaliste Ignace Sossou est perçue comme une atteinte à sa qualité de journaliste d’investigation. En effet, quelques mois avant son arrestation, le journaliste avait eu des soucis judiciaires pour avoir publié des enquêtes sur les flux financiers illicites et les évasions fiscales au Bénin. Son article avait mis en cause un homme d’affaire réputé qui est, au moment des faits, le conseiller au commerce extérieur de la France près le Bénin et propriétaire du plus grand supermarché du pays et d’une grande usine de peinture et de colorant.
Dans un pays où plus de 50% des activités économiques juteuses sont contrôlées par les proches du chef de l’État, homme d’affaires devenu président de la République depuis avril 2016, le travail de journaliste d’investigation peut être dérangeant.