Un bébé est mort-né toutes les 16 secondes, une tragédie pour la plupart évitable (ONU)

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©UNICEF/UNI32026/PirozziUNICEF/UNI32026/Pirozzi / Kadiatu Sama, qui n'a reçu aucun soin prénatal et dont l'enfant est mort-né, est réconfortée par une femme infirmière dans la maternité de l'hôpital gouvernemental en Sierra Leone.

Près de 2 millions de bébés sont mort-nés chaque année – soit un toutes les 16 secondes – selon les premières estimations conjointes de la mortinatalité jamais publiées par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Groupe de la Banque mondiale et la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies.

« Perdre un enfant à la naissance ou pendant la grossesse est une tragédie dévastatrice pour une famille, qui est souvent endurée discrètement, mais qui sévit trop fréquemment dans le monde entier », a déclaré la Directrice exécutive de l’UNICEF, Henrietta Fore. Selon le nouveau rapport intitulé « Une tragédie négligée : le fardeau mondial de la mortinatalité », la grande majorité des mortinaissances, soit 84%, se produisent dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur. 

En 2019, 3 mort-nés sur 4 sont nés en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud. Le rapport définit une mortinaissance comme étant un bébé né sans signe de vie à 28 semaines de grossesse ou plus. « Accueillir un bébé dans le monde devrait être un moment de grande joie, mais chaque jour des milliers de parents éprouvent une tristesse insupportable parce que leurs bébés sont morts-nés », a déclaré le Directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. 

Au-delà de la souffrance et de la perte de vies humaines, les coûts psychologiques et financiers pour les femmes, les familles et les sociétés sont graves et durables. Or la majorité des mortinaissances auraient pu être évitées grâce à un suivi de qualité, des soins prénataux appropriés et une aide à l’accouchement qualifiée, affirme l’ONU.

La Covid-19 est un facteur aggravant

Le rapport avertit que la pandémie de Covid-19 pourrait aggraver le nombre de mortinaissances dans le monde. Une réduction de 50% des services de santé due à la pandémie pourrait provoquer près de 200.000 mort-nés supplémentaires sur une période de 12 mois dans 117 pays à faible et moyen revenu, soit une augmentation de 11,1% du nombre de mortinaissances. 

« La Covid-19 a déclenché une crise sanitaire secondaire dévastatrice pour les femmes, les enfants et les adolescents en raison de l’interruption des services de santé vitaux », a déclaré le Directeur mondial de la santé, de la nutrition et de la population à la Banque mondiale et Directeur de la facilité de financement mondiale pour les femmes, les enfants et les adolescents, Muhammad Ali Pate. Selon la modélisation effectuée pour le rapport par les chercheurs de l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg, 13 pays pourraient connaître une augmentation de 20% ou plus du nombre de mortinaissances sur une période de 12 mois.

La plupart des mortinaissances sont liées à la qualité des soins 

La plupart des mortinaissances sont dues à la mauvaise qualité des soins pendant la grossesse et l’accouchement. Le manque d’investissements dans les services prénatals et intra-partum et dans le renforcement du personnel infirmier et des sages-femmes sont les principaux défis à relever, selon le rapport. Plus de 40% des mortinaissances ont lieu pendant l’accouchement, une perte qui pourrait être évitée si l’on disposait d’un personnel de santé qualifié lors de l’accouchement et de soins obstétriques d’urgence en temps utile.

Environ la moitié des mortinaissances en Afrique subsaharienne et en Asie centrale et du Sud surviennent pendant l’accouchement, contre 6% en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. « La tragédie de la mortinatalité montre combien il est vital de renforcer et de maintenir les services de santé essentiels, et combien il est essentiel d’accroître les investissements dans les infirmières et les sages-femmes », affirme le Dr Tedros. Même avant que la pandémie ne provoque de graves perturbations dans les services de santé, peu de femmes dans les pays à faible et moyen revenu recevaient des soins de qualité en temps utile pour prévenir les mortinaissances. 

La moitié des 117 pays analysés dans le rapport ont une couverture qui va de moins de 2% à 50% seulement pour huit interventions importantes en matière de santé maternelle, telles que la césarienne, la prévention du paludisme, la gestion de l’hypertension pendant la grossesse et la détection et le traitement de la syphilis. On estime que moins de la moitié des femmes enceintes qui en ont besoin bénéficient d’une couverture pour l’accouchement vaginal assisté – une intervention essentielle pour prévenir les mortinaissances pendant le travail.

En conséquence, malgré les progrès des services de santé pour prévenir ou traiter les causes de décès des enfants, les progrès dans la réduction du taux de mortinatalité ont été lents. De 2000 à 2019, le taux annuel de réduction du taux de mortinatalité n’a été que de 2,3%, contre une réduction de 2,9% de la mortalité néonatale et de 4,3% de la mortalité des enfants âgés de 1 à 59 mois. Des progrès sont toutefois possibles grâce à une politique, des programmes et des investissements judicieux.

La mortinatalité est liée aux facteurs d’inégalité

Le rapport note également que la mortinatalité n’est pas seulement un défi pour les pays pauvres. En 2019, 39 pays à revenu élevé avaient un nombre de mortinaissances supérieur aux décès néonatals et 15 pays avaient un nombre de mortinaissances supérieur aux décès de nourrissons. Le niveau d’éducation d’une mère est l’un des principaux facteurs d’inégalité dans les pays à revenu élevé.

Que ce soit dans les pays à faibles ou à hauts revenus, les taux de mortinatalité sont plus élevés dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Le statut socio-économique est également lié à une plus grande incidence de la mortinatalité. Au Népal, par exemple, les femmes des castes minoritaires ont un taux de mortinatalité de 40 à 60% supérieur à celui des femmes des castes supérieures.

Les minorités ethniques des pays à revenu élevé, en particulier, peuvent ne pas avoir accès à des soins de santé de qualité suffisante. Le rapport cite que les populations inuites du Canada, par exemple, ont un taux de mortinatalité près de trois fois plus élevé que le reste du Canada, et que les femmes afro-américaines des États-Unis ont près de deux fois plus de risques de mourir à la naissance que les femmes blanches.

« Les femmes enceintes ont besoin d’un accès continu à des soins de qualité, tout au long de leur grossesse et pendant l’accouchement. Aidons les pays à renforcer leurs systèmes de santé afin de prévenir les mortinaissances et de garantir que chaque femme enceinte puisse avoir accès à des services de santé de qualité », a lance le responsable de la Banque mondiale.

ONU Info