Chers lecteurs, je partage ma modeste contribution au débat actuel sur la transparence de la gouvernance publique au NIGER. Ce qu’il faut dire, de prime abord, c’est qu’il existe un code de transparence en matière de gestion des finances publique au Niger.
Les acteurs de la gestion publique sont bien tenus à l’obligation de déclaration de leurs biens de par des dispositions de la Constitution du 25 novembre 2010, de la Loi organique n° 2020-035 du 03 juillet 2020 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes et/ou de l’Ordonnance 2020-02 du 27 janvier 2020 déterminant la liste des agents assujettis à l’obligation de déclaration des biens.
La nuance, c’est qu’il s’agit d’une obligation de déclaration de biens et non de patrimoine.
Et il faut comprendre que le patrimoine d’un individu est l’ensemble des biens sur lesquels celui-ci peut faire valoir un titre de propriété ou un droit et qui peuvent être vendus ou donnés.
Un bien est, lui, un droit sur une chose ayant une valeur patrimoniale et susceptible d’appropriation. Les biens sont les moyens qui permettent de satisfaire les besoins.
La déclaration de patrimoine va faire l’inventaire une fois par an des biens meubles corporels et incorporels, les biens immeubles détenus par une personne. Cette déclaration comprend à la fois l’ensemble de l’actif patrimonial du déclarant et son passif patrimonial.
Parmi l’actif patrimonial, la personne déclarante doit mentionner l’ensemble de :
– son patrimoine immobilier qui comprend toutes les propriétés bâties et non bâties ;
– son patrimoine professionnel tel que les entreprises, fonds de commerce ou encore une clientèle ;
– son patrimoine financier c’est-à-dire l’inventaire de ses comptes bancaires, ses livrets d’épargne, ses valeurs mobilières, ses assurances-vie ;
– son patrimoine mobilier.
La déclaration de patrimoine de la personne déclarante comprend également le passif, c’est-à-dire ses dettes et toutes les sommes restant à payer. Là, vous comprendrez la nuance avec la déclaration de biens qui ne fait pas l’état des dettes.
La déclaration de patrimoine contribue à prévenir les détournements des deniers publics, les blanchiments de capitaux et l’enrichissement illicite.
La déclaration de patrimoine renforce la dissuasion contre toute forme de corruption et institue un très haut standard d’intégrité et de transparence professionnelle.
Au Niger, nous n’en sommes, malheureusement, toujours pas à l’obligation de déclaration de patrimoine mais bien à la déclaration de biens, là où il faut mettre en place des dispositifs efficaces et opérants.
La déclaration de situation patrimoniale peut, par exemple, être effectuée en début et en fin de fonctions ou mandat ou périodiquement. C’est la photographie de ce que le déclarant possède à la date où il fait sa déclaration.
Mais qu’en dit notre code de transparence de la gestion des finances publiques ?
Loi 2014 du 16 avril 2014-07 portant adoption du code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA.
L’organisation financière du Niger est le fruit d’un long processus de maturation et de tergiversation dont les racines remontent à la colonisation française et à la création de l’UEMOA.
S’il est ambitieux et présomptueux de vouloir évoquer la transparence dans les finances publiques, les défis des finances publiques du début du 21e siècle justifient la plus grande transparence vis-à-vis des citoyens et de leurs représentants.
Extraits de l’inspiration de l’UEMOA : directive n°01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA
Préambule :
« L’argent public est au cœur de l’État de droit et de la démocratie.
La collecte et l’utilisation des fonds publics respectent les principes de l’État de droit : la légalité́, la transparence, le contrôle démocratique et la responsabilité́. Les institutions de l’État, gardiennes de ce bien commun, ont chacune leurs missions et responsabilités dans sa préservation et son usage pour le bien de tous… Les citoyens, à la fois contribuables et usagers des services publics, sont clairement, régulièrement et complètement informés de tout ce qui concerne la gouvernance et la gestion des fonds publics : ils sont mis en capacité d’exercer, dans le débat public, leur droit de regard sur les finances de toutes les administrations publiques. Les acteurs publics qui pilotent et gèrent les fonds publics, élus ou fonctionnaires, acceptent des obligations d’intégrité́ et de rectitude particulièrement exigeante, à mesure de la confiance qui leur est faite. Les sanctions prévues sont effectivement mises en œuvre… ».
« I- légalité et publicité des opérations financières publiques
…
1.4 La règlementation applicable aux passations de marchés publics et de délégations de service public est conforme au présent Code de transparence ainsi qu’aux normes et meilleures pratiques internationales.
1.5 Les ventes de biens publics s’effectuent de manière ouverte, et les transactions importantes font l’objet d’une information spécifique.
1.9 Lorsque les décisions gouvernementales sont susceptibles d’avoir un impact financier, un chiffrage de l’impact budgétaire complet de ces décisions, en recettes comme en dépenses, est rendu public… »
« VI- information du public
6.1 La publication, dans des délais appropriés, d’informations sur les finances publiques est définie comme une obligation légale de l’administration publique…
6.3 L’information régulière du public sur les grandes étapes de la procédure budgétaire, leurs enjeux économiques, sociaux et financiers sont organisés dans un souci de pédagogie et d’objectivité ; la presse, les partenaires sociaux et d’une façon générale tous les acteurs de la société́ civile sont encouragés à participer à la diffusion des informations ainsi qu’au débat public sur la gouvernance et la gestion des finances publiques.
6.4 L’ensemble des informations et documents relatifs aux finances publiques mentionnés dans le présent Code de transparence sont publiés par les institutions compétentes sur leur site internet dès qu’ils sont disponibles… ».
« VII- intégrité des acteurs
7.1 Les détenteurs de toute autorité publique, élus ou hauts fonctionnaires, font une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat ou de fonction. Une loi spécifique précise les conditions et le périmètre d’application de ce principe et définit les infractions et sanctions de tout enrichissement illicite.
7.2 Le comportement des agents de l’État est régi par des règles déontologiques claires et largement connues de tous. Un code de déontologie spécifique aux élus, inspiré des principes du présent Code de transparence, est établi par le Parlement. Les règles et procédures disciplinaires de la fonction publique sont renforcées en ce qui concerne les infractions en matière de finances publiques.
7.3 Des sanctions, prononcées dans le respect des règles de l’État de droit, sont prévues à l’encontre de tous ceux qui, élus ou fonctionnaires, ont à connaitre ou à gérer des deniers publics. La non dénonciation à la justice de toute infraction à ces règles par un agent public qui en aurait eu connaissance est sanctionnée pénalement.
7.4 Les procédures et les conditions d’emploi dans la fonction publique sont fixées par la loi. Nul ne peut être nommé ou affecté dans un poste comportant des responsabilités financières sans qu’ait été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties déontologiques qu’il présente. Des programmes de formation adaptés entretiennent et actualisent ces compétences… ».
Donc, le maître mot en matière de finances publiques est désormais la transparence garante de l’égalité fiscale et de l’équilibre budgétaire. La quête de la transparence dans les finances publiques est continue.
La transparence budgétaire se définit comme le fait de faire pleinement connaître, en temps opportun et de façon systématique, l’ensemble des informations budgétaires.
Mais pourquoi la transparence ? Parce que c’est un facteur clef de succès. Elle permettrait de faciliter les échanges entre les membres d’une société et de résoudre les problèmes plus rapidement. Elle permet également d’instaurer plus de confiance envers le management et ainsi d’avoir un impact direct sur le bien-être au travail et les performance.
Comment assurer la transparence des finances publiques ? Au fondement du pacte démocratique, le consentement à l’impôt suppose la garantie de la transparence des finances publiques essentielle à la fois lors du vote (autorisation a priori) et du contrôle de l’utilisation des deniers publics (approbation a posteriori).
La transparence des finances publiques repose sur la tenue d’une comptabilité budgétaire fiable permettant d’assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes publics. À ce titre, la loi 2012-09 du 26 mars 2012, portant loi organique relative aux lois de finances (LOLF), elle-même d’inspiration UEMOA, a permis d’enrichir substantiellement, dans le principe, la comptabilité publique grâce à l’instauration des comptabilités budgétaires (de caisse, déjà existante), patrimoniale (en droits constatés) et analytique.
Pour autant, afin de préserver le consentement à l’impôt, et le civisme fiscal, il appartient de renforcer encore davantage à la fois la fiabilité et la complétude des informations comptables et budgétaires.
La LOLF a inspiré l’instauration de la comptabilité analytique de coût (ou « managériale »). Cette dernière vise à calculer, à partir des données patrimoniales (dépréciation, provisions), le coût exact de l’action publique.
Cette transparence comptable et budgétaire s’accompagne d’un contrôle renforcé. D’une part, la Cour des comptes occupe un rôle central dans la transparence des comptes publics.
D’autre part, l’approfondissement des documents budgétaires (près de 1000 pages d’annexe pour la loi de finances) renforce la transparence des finances publiques. En effet, en fournissant des informations plus complètes (toutes administrations publiques) par le biais du contrôle exercé par la Commission des finances à l’Assemblée Nationale .
Si le référentiel comptable a été approfondi, certaines limites subsistent parmi lesquelles des défauts relatifs au système d’information, à la sincérité des enregistrements, par exemple, les litiges fiscaux, et à l’évaluation de certains actifs (financiers et militaires).
Par ailleurs, la transparence est amoindrie par la fragmentation des comptes publics. Celle-ci est double. Elle concerne le champ des administrations publiques (comptes et documents budgétaires séparés). Elle concerne également le budget de l’État.
Enfin, la prolifération de l’information budgétaire a pu également, paradoxalement, faire naître une complexité trop importante au détriment d’une transparence d’efficacité et de simplicité.
D’où encore des obstacles à la transparence :
Un des obstacles à la transparence est l’existence ou plutôt l’inexistence d’une comptabilité simple, régulière et complète.
Comme le fait observer Montcloux, déjà en 1840 : « Il ne suffit […] pas que l’impôt soit bien assis et qu’il rende le plus possible de la manière la moins lourde possible ; il ne suffit pas que le Trésor se remplisse et se remplisse aisément ; il faut encore qu’une comptabilité simple, régulière et complète, permette d’apprécier la mesure exacte des ressources du pays et garantisse à tous qu’aucune portion des sacrifices demandés à chacun n’ira se perdre dans des dépenses inutiles… ».
Ce qui revient à dire que la complétude de la comptabilité publique n’a été, voire n’est, pendant bien trop longtemps, qu’un vain mot.
Un deuxième obstacle à la transparence est la séparation entre les politiques et les techniciens et leur rôle respectif.
En effet, comme le souligne Jèze dans son cours de finances publiques de 1935 et comme cela me semble encore être le cas au Niger, si « le rôle des techniciens est considérable, il n’est pas exclusif. Bien plus, il est secondaire en ce sens qu’ordinairement les techniciens n’interviennent qu’après les hommes politiques, une fois que ceux-ci ont résolu le problème politique qui est la base des problèmes financiers. Les techniciens n’ont rien de particulier à dire, en tant que techniciens, sur le problème politique. Ils n’ont d’autre rôle à jouer, touchant le problème politique que celui de sociologues ou de citoyens éclairés… ».
Un troisième obstacle à la transparence est l’aptitude des politiques à comprendre et à contrôler les comptes. Il n’y a pas de méthode et les règles de comptabilité ne sont toujours pas claires.
Les exemples d’arbitraire et de dilapidation sont même légion. Tout a été jusqu’ici plus ou moins livré, quant au maniement des finances, à la discrétion ministérielle ou des chefs des institutions et à l’arbitraire.
Les emplois de comptables sont la plupart du temps soit donnés à des hommes de confiance, soit érigés en offices et vendus au plus offrant enchérisseur.
Un quatrième obstacle à la transparence dans la sphère publique, c’est l’inapplication factuelle de l’Ordonnance 2011-22 du 23 février 2011 portant Charte d’accès à l’information publique et aux documents administratifs du fait de l’auto-censure ou du refus de communication des responsables publics.
Un cinquième obstacle à la transparence et non des moindres, c’est l’absence d’obligation de déclaration de conflits d’intérêts à effectuer en début de mandat ou de fonctions par les agents publics. La déclaration d’intérêts ayant pour but de prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts, les dispositions d’une telle mesure impliquant qu’un intérêt se définisse en soi comme étant susceptible de faire naître un conflit d’intérêts dans l’exercice des fonctions ou du mandat.
Mais pourquoi la transparence ? Eh bien, parce que c’est un facteur clef de succès. Elle permettrait de faciliter les échanges entre les membres d’une société et de résoudre les problèmes plus rapidement. Elle permet également d’instaurer plus de confiance dans le management public et ainsi d’avoir un impact direct sur le bien-être des gens et les performances des personnels publics.
Et comment assurer la transparence des finances publiques ? Au fondement du pacte démocratique, le consentement à l’impôt suppose la garantie de la transparence des finances publiques essentielle à la fois lors du vote (autorisation a priori) et du contrôle de l’utilisation des deniers publics (approbation a posteriori).
Dans la continuité des progrès effectués, comment approfondir les cadres budgétaire et comptable afin de renforcer la transparence des finances publiques (toutes administrations publiques) ?
Dans la logique de nouvelle gestion publique, la transparence des comptes publics a certes été renforcée, depuis l’avènement de la LOLF. Pour autant, leur fiabilité et leur complétude pourraient être approfondies afin de renforcer cette transparence. Un mécanisme de certification des comptes publics par la cour des comptes ou un organisme indépendant semble essentiel dans ce sens, à l’image des commissaires aux comptes pour les entreprises.
L’institution de liste noire publique des mauvais fournisseurs bannis des commandes publiques me semble une bonne pratique.
À mon point de vue, cette transparence de la gestion peut être renforcée par l’instauration d’un site internet agrégé des recettes et de la dépense publique au jour le jour, d’amont à aval, avec pour la dépense sa nature, son bien-fondé et le co-contractant de l’État.
Je propose que chaque contributeur à l’impôt y dispose d’un code d’accès. Il en va aussi de la complétude des fameuses communications sur les commandes publiques faites en Conseil des ministres.
Hamma HAMADOU