Libérez immédiatement Moussa Tchangari et abandonnez toutes les charges retenues contre lui
Les réactions de condamnation suite à l’arrestation de Moussa Tchangari, de demande et d’exigence de sa libération continuent à être enregistrées, tant au plan national qu’international. La dernière en date, dont nous vous livrons le contenu, est celle rendue public, ce jour, 9 décembre 2024, par Amnesty International, Human Rights Watch et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains.
(Paris, 9 décembre 2024) – Les autorités militaires du Niger devraient immédiatement libérer un éminent militant de la société civile et détracteur du gouvernement détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits fondamentaux et abandonner toutes les charges retenues contre lui, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (un programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture, OMCT, et de la Fédération internationale pour les humains, FIDH).
L’arrestation et la détention, le 3 décembre 2024, de Moussa Tchangari, secrétaire général de l’organisation de la société civile Alternatives Espaces Citoyens (AEC), à Niamey, la capitale du Niger, semble liée à la répression généralisée menée par les autorités nigériennes contre l’opposition politique, les médias et la dissidence pacifique depuis que le général Abdourahamane Tiani a pris le pouvoir depuis le coup d’État militaire en juillet 2023.
« Moussa Tchangari n’a rien à faire en prison, pas plus que plusieurs autres Nigériens injustement arrêtés par le gouvernement du général Tiani, y compris l’ancien président Mohamed Bazoum et son épouse », a déclaré Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH. « Les autorités nigériennes devraient immédiatement libérer Moussa Tchangari, abandonner toutes les charges retenues contre lui et cesser de s’en prendre aux défenseurs et aux militants des droits humains » a-t-il ajouté.
Le 3 décembre vers 19h30, au moins trois hommes armés en civil, se présentant comme des policiers, ont arrêté Moussa Tchangari, 55 ans, à son domicile à Niamey, et ont saisi son téléphone, son ordinateur portable et sa valise. « Ils sont entrés violemment dans notre maison. Mon mari leur a demandé s’ils avaient un mandat, mais ils ont répondu qu’un mandat n’était pas obligatoire », a affirmé l’épouse de Moussa Tchangari, qui a assisté à l’arrestation. « Ils lui [Moussa Tchangari] ont ordonné de les suivre en silence car ils ne voulaient pas que l’on sache ce qui se passait ».
Moussa Tchangari avait déjà fait part à ses collègues et amis de ses inquiétudes quant aux risques d’arrestation et de détention arbitraires qui guettent de nombreux Nigériens, en particulier ceux qui, comme lui, critiquent publiquement les autorités militaires.
« Moussa Tchangari m’a dit que les acteurs de la société civile nigérienne étaient inquiets, qu’ils pesaient soigneusement leurs mots et leurs actions pour pouvoir continuer à défendre les droits humains, malgré le risque constant d’arrestation », a déclaré Isidore Ngueuleu, responsable de l’unité Afrique à l’OMCT, avant d’ajouter que « Moussa Tchangari représente un modèle pour de nombreux défenseurs des droits humains et son arrestation vise à les intimider ».
Pendant près de deux jours, le lieu où se trouvait Moussa Tiangari est resté inconnu. Le 5 décembre vers 16 heures, des avocats l’ont finalement localisé au Service Central de Lutte contre le Terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisée (SCLCT/CTO) à Niamey et se sont entretenus avec lui. Rabiou Mamane, l’un de ses avocats, a déclaré que son client avait été emmené « cagoulé » au bureau des services de renseignement, « qui n’est pas une unité d’enquête sous l’autorité du procureur général », avant d’être transféré au SCLCT/CTO. Me Mamane a indiqué que M. Tchangari avait été accusé d’ « apologie du terrorisme, atteinte à la sûreté de l’État et association de malfaiteurs en relation avec le terrorisme ».
« J’ai dû me battre pour voir mon client et j’ai dû écrire plusieurs lettres aux autorités judiciaires pour dénoncer les conditions déplorables dans lesquelles Moussa Tchangari a été arrêté », a déclaré son avocat à Amnesty International. « Je n’aurais pas dû avoir à le faire, mais l’État de droit n’est pas respecté au Niger ».
Depuis les années 1990, Moussa Tchangari est connu comme un militant œuvrant pour la promotion des droits humains et de l’État de droit au Niger. Il a été placé en détention une première fois en mai 2015 pendant quatre jours, à la suite d’une interview lors de laquelle il a exprimé des préoccupations concernant l’arrestation arbitraire de six personnes soupçonnées de collusion avec le groupe islamiste armé Boko Haram, puis une deuxième fois en 2018 pour avoir participé à une manifestation pacifique.
Moussa Tchangari a récemment critiqué la décision, prise le 12 novembre par le ministre de l’Intérieur du Niger, de retirer leurs licences à deux organisations non gouvernementales humanitaires, ainsi que la création, le 27 août, d’une base de données sur le terrorisme.
Le 28 novembre dernier, AEC, l’organisation de Tchangari, a organisé une réunion pour discuter du décret présidentiel du 10 octobre retirant provisoirement leur nationalité nigérienne à neuf personnes liées à l’ancien président Mohamed Bazoum. Human Rights Watch a également fait part de ses préoccupations concernant le décret et a appelé les autorités à l’abroger.
Les charges retenues contre Moussa Tchangari, notamment l’apologie du terrorisme et l’association de malfaiteurs en relation avec le terrorisme, font partie de la vaste liste d’infractions dont la commission par un citoyen est susceptible d’entraîner une déchéance de sa nationalité avant même sa condamnation, conformément à l’ordonnance du mois d’août établissant la base de données sur le terrorisme.
L’arrestation de Moussa Tchangari a suscité une vague d’indignation. Des organisations internationales, régionales et nigériennes de défense des droits humains, dont Transparency International Niger, ont demandé sa libération.
Amnesty International, la FIDH, Human Rights Watch et l’OMCT ont fait état de manière détaillée des restrictions sévères des droits fondamentaux des défenseurs des droits humains, des journalistes, des membres des partis d’opposition et des dissidents imposées par les autorités nigériennes depuis le coup d’État.
« Moussa Tchangari est la dernière victime en date de la campagne menée par le gouvernement nigérien pour écraser toute critique de ses politiques et pratiques », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch.
Les autorités détiennent arbitrairement l’ancien président Mohamed Bazoum et son épouse, ainsi qu’au moins 30 membres du gouvernement déchu, y compris d’anciens ministres, des membres du cabinet présidentiel et des personnes proches du président déchu, en violation de leur droit à un procès équitable et de la procédure légale. Ils ont menacé, harcelé, et arrêté arbitrairement des journalistes, suspendu des organisations de médias, et ont rejeté le contrôle des dépenses militaires, contrairement à leur engagement de lutter contre la corruption.
La Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Niger est partie, protègent les droits à la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique.
« Toutes les actions récentes, y compris l’arrestation de Moussa Tchangari, montrent que les autorités nigériennes devraient immédiatement libérer Tchangari et cesser d’utiliser les accusations de terrorisme pour faire taire les dissidents », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. « Les partenaires régionaux et internationaux du Niger devraient condamner un pareil ciblage de ceux qui mettent les puissants face à la vérité. »