Niger/Ordonnance 2024-05 du 23 Février 2024 : « un boulevard à la grande corruption »

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Longtemps décriées sous les régimes précédents, les mauvaises pratiques, tels que la corruption à grande échelle, le détournement massif des deniers publics, le clientélisme, le gaspillage des ressources publiques, les violations des droits humains et bien d’autres forfaitures favorisant le maintien du citoyen nigérien dans l’extrême pauvreté, sont malheureusement de retour sous la transition militaire du CNSP.

En effet, depuis le 23 février dernier, un boulevard à la grande corruption est ouvert dans le processus de passation des marchés publics à travers l’Ordonnance 2024-05 du 23 Février 2024 portant dérogation à la législation relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevance et à la comptabilité publique. « une ordonnance prise sans aucune consultation ni concertation avec les acteurs concernés, et qui constitue une grave atteinte aux principes de transparence, de redevabilité et de bonne gouvernance qui sont au cœur des attentes des Nigériens vis-à-vis du CNSP » a dénoncé dans un communiqué de presse en date du 11 mars 2024, l’Association Transparençy international/Niger. Une ordonnance, poursuit-elle, qui « ouvre un grand boulevard à une grande corruption au Niger ».

En effet, explique le communiqué de Transparençy international/Niger, « cette ordonnance confère aux autorités le pouvoir discrétionnaire de passer des marchés publics sans appel d’offres ni contrôle préalable, de dispenser certains opérateurs économiques (du reste connus de tous) du paiement des impôts, taxes et redevances, et de soustraire certaines dépenses publiques au contrôle des services compétents et des citoyens nigériens ».

En somme, des dispositions qui sont « contraires à la morale et aux engagements internationaux du Niger en matière de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance » et qui sont de nature à « favoriser la corruption, le clientélisme, le népotisme, le gaspillage des ressources publiques et la violation des droits des citoyens », fustige l’Association nigérienne de lutte contre la corruption.

Face au caractère immoral de cette ordonnance, Transparençy International/Niger « condamne sans réserve la signature de cette ordonnance qui illustre la marche du Niger vers la promotion de l’affairisme au sommet de l’Etat ». Elle « rappelle au Président du CNSP ses multiples professions de foi quant à son engagement pour une gestion transparente des affaires publiques et lui demande l’abrogation pure et simple de cette ordonnance hautement ‘’corruptogène’’ et qui va permettre de faire main basse sur les biens publics ».

Toute en réitérant son attachement au respect des principes de la démocratie et de l’État de droit, « la seule garantie d’une bonne gouvernance des affaires publiques, conditions de tout développement », Transparençy International/Niger « invite les Organisations de la Société Civile et les Citoyens Nigériens à se mobiliser pour lutter contre la Corruption et la mauvaise gouvernance annoncés par l’ordonnance n°2024-05 du 23 février 2024 ».

Outre l’Association nigérienne de lutte contre la corruption, de nombreuses autres organisations qui œuvrent pour la promotion de la bonne gouvernance sont également montées au créneau pour fustiger cette ordonnance qui « prive le Trésor des impôts et taxes et qui va à l’encontre de l’ordonnance portant organisation des pouvoirs publics pendant la transition ».

Au rang de ces organisations, on peut citer entre autres, l’Initiative pour un co-développement avec le Niger (ICON)-Niger-Stop-Corruption qui, à travers une lettre ouverte adressée au Président du CNSP, Chef de l’Etat, dans laquelle elle considère que cette Ordonnance constitue « un recul grave en matière de bonne gouvernance dans le secteur de la sécurité et ne donne pas de garantie quant au respect d’une gestion saine des finances publiques ».

Pour l’Initiative (ICON)-Niger-Stop-Corruption, « ce texte met fin à toute possibilité de contrôle à priori visant à prévenir les irrégularités ainsi qu’au contrôle à posteriori ayant pour but de sanctionner les irrégularités ». Mieux, poursuit-elle, « cette ordonnance contrevient au décret N°2022-743/PRN/PM du 29 septembre 2022 portant Code des marchés publics et des délégations de service public, notamment aux chapitres V sur les dispositions particulières aux marchés des forces de défense et de sécurité, aux articles 54, 55, 56 et 57, ainsi qu’à la section 3 du même chapitre, aux articles 66 et 67 ». D’où son appel à prendre en considération les préoccupations du peuple nigérien pour une transparence dans la gestion des ressources publiques et de veiller surtout à ce que « les principes de transparence, de responsabilité et de bonne gestion des finances publiques soient respectés ».

A noter que bien d’autres personnes, imbues de valeurs d’intégrité et convaincues que sans le respect des principes de la bonne gouvernance, l’on peut véritablement mener une lutte contre la corruption au Niger ont également donné de la voix en faveur de l’abrogation de cette ordonnance qui ne « précise aucune procédure pour la gestion des achats effectués avec des fonds publics ».