Liberté de la presse au Niger: Du recul à l’autocensure

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Les professionnels de médias au Niger célèbrent dans l’inquiétude, aujourd’hui 3 mai 2024, la Journée mondiale de la liberté de presse. Cette dernière intervient dans un contexte d’arrestation et d’emprisonnement des journalistes. Pourtant, la pénalisation des délits commis par voie de presse a depuis lors été abrogée au Niger avec l’adoption de l’Ordonnance 2010-035 du 4 juin 2010 portant régime de la liberté de la presse. Pour l’heure, deux professionnels des médias sont inquiétés. Il s’agit du journaliste Ousmane Toudou, un des doyens de la presse au Niger, interpellé pour « une publication faite par voie électronique, aux premières heures de la prise du pouvoir par le CNSP ».

Puis, c’est fut le tour du Directeur de publication du quotidien privénigérien, L’Enquêteur, Mr Soumana Idrissa Maiga qui, après avoir passé 4 jours à la police judiciaire, a été finalement été placé sous mandat de dépôtà la prison civile de Niamey le 29 Avril par un juge d’instruction. Il est poursuivi par la justice d’« atteinte à la défense nationale » pour avoir publié, le 25 avril dernier, un article titré « Installation présumée d’équipements d’écoute par des agents russes sur les bâtiments officiels ». 

Des dénonciations d’atteinte à la liberté de la presse

Réagissant à ces arrestations, le Réseau des journalistes pour le droit de l’homme (RJDH) a rendu public, le 2 mai dernier, un communiqué de presse dans lequel il qualifie l’arrestation de ces deux journalistes d’« atteinte grave à la liberté de la presse ». Dans son communiqué, le RJDH a exigé du CNSP et du Gouvernement de Transition, « la libération immédiate de nos collègues arrêtés, Soumana Idrissa Maiga et Ousmane Toudou ».

Pour le Directeur du bureau Afrique subsaharienne de Reporter Sans Frontières (RSF), Sadibou Marong, l’arrestation de Soumana Maiga est un message éclairé des autorités militaires aux autres confrères que « la couverture de certains sujets d’intérêt général est passible de poursuites », a-t-il déploré. Par conséquent, a-t-il ajouté, « cela risque de pousser les médias à s’autocensurer ». Ces arrestations ont aussi été condamnées par Transparency International/Section du Niger qui, dans une déclaration rendue publique, s’est indignée  de cette traque des journalistes dans l’exercice de leur profession. Pour Transparency International/Niger, « les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans crainte de représailles, surtout lorsqu’ils se font l’écho de préoccupations légitimes dans l’intérêt public ».

Pour garantir la liberté de la presse, le Niger a pourtant dépénalisé les délits commis par voie de presse avec l’adoption de la loi portant régime de la liberté de la presse. A sa prise de pouvoir le 26 juillet 2023, le CNSP a promis aussi de garantir les droits humains à travers les instruments juridiques ratifiés par le Niger.

A noter que ces arrestations interviennent quelques mois seulement après la suspension de l’autorisation d’exercice de la maison de la presse par le ministère de l’intérieur.

Bien que le pays soit sous régime d’exception depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, ces privations de liberté constituent un grave recul à la liberté de la presse. Selon le classement 2024 de RSF sur la liberté de la presse dans le monde, le Niger qui occupait le 61ème rang mondial en 2023 a perdu 19 places pour se retrouver au 80ème rang sur 180 pays classés.

Ismaïl Abdoulaye