L’Etat perçoit les redevances minières et pétrolières sans reverser aux collectivités territoriales concernées par l’exploitation des ressources naturelles. Des irrégularités relevées dans une étude menée par le ROTAB qui a formulé d’importantes recommandations.
« Le transfert des 15% de redevances minière et pétrolière n’est pas constant et en grande partie ineffectif aux communes des régions concernées ». Tel est le résultat d’une étude exhaustive menée par le Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB). L’étude menée avec l’appui financier de l’ONG Oxfam Niger a porté sur l’effectivité et la gestion des 15% des redevances minières et pétrolières rétrocédées aux communes concernées par l’exploitation des ressources naturelles par l’Etat.
A titre illustratif, l’étude indique que pour les communes de la région d’Agadez où la société française ORANO, exploite depuis près d’un demi-siècle l’uranium, « sur 1249 330 392 FCFA à verser au titre de l’année 2009, le gouvernement n’a versé que 930 808 089 FCFA, et ce en 2011 avec deux (2) ans de retard », relève l’étude. « Les collectivités de cette région totalisent 5 années d’arriérés (2009,2010, 2016, 2017 et 2018) », ajoute la même source.
La région de Zinder qui accueille la société de raffinage du pétrole (SORAZ) « n’a pas encore bénéficié de la rétrocession des 15% de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) alors que la loi N°2014-11 du 16 avril 2014 (article 32) portant code pétrolier aval, donne désormais droit à la région de bénéficier effectivement des 15% de la rétrocession des recettes sur les produits pétroliers », indique l’étude.
Les collectivités de la région de Diffa n’échappent pas également à l’irrégularité dans la rétrocession des 15% des recettes instituées pourtant par la loi. Elles totalisent pour leur part trois années d’arriérés de 2015 à 2017.
Montants insuffisants
Au-delà de l’irrégularité dans le transfert des 15%, l’étude constate que les montants transférés aux communes « sont très insuffisants pour susciter le développement local ». Et pour cause ! « En 2012, les 46 collectivités territoriales de la région de Tillabéry se sont partagé la somme de 82 119 910 FCFA pour l’exploitation de l’or. »
L’étude relève par ailleurs « une méconnaissance des textes qui régissent la rétrocession des 15% des redevances minière/pétrolière, et un déficit d’information des citoyens sur le principe de la rétrocession des 15% des redevances, tout chose qui conduit à une gestion peu orthodoxe des fonds rétrocédés dans certaines collectivités territoriales bénéficiaires ».
Montants perçus par les régions concernées par l’étude
Selon les résultats de l’étude du ROTAB, de 2015à 2018, la Direction générale des impôts (DGI) a recouvré la somme de 44 275 726 223 au titre des redevances minières. Mais « seuls 2 186 972 782 FCFA ont été effectivement rétrocédés, au lieu de 6 641 358 933 FCFA qui constituent les 15% des montants recouvrés, soit un taux effectif de 0.4% du montant global pour les régions de Tillabéry et Agadez ».
S’agissant de la redevance pétrolière, pour la même période (2015 à 2018), sur 10 222 760 904 FCFA recouvrés par la DGI et enregistrés comme recette devant être transférée aux collectivités de la région de Diffa, « seul 1 160 889 996 FCFA ont été effectivement versés aux bénéficiaires, soit des arriérés pour la période qui s’élèvent à 9 061 870 908 FCFA ».
Face à ces manquements, le ROTAB a formulé d’importantes recommandations, notamment aux collectivités territoriales, aux partenaires de développement locaux, ONG internationales, à l’Etat et aux partenaires. Il s’agit entre autres de la création d’un cadre d’échange multipartite (Etat, collectivités territoriales, OSC, parlement et PTF) pour, d’une part établir l’état des lieux et les modalités d’apurement des arriérés et d’autre part mener des réflexions sur les différentes réglementations sur la rétrocession des 15%.
Au Niger, la rétrocession des 15% des redevances minières et pétrolières est encadrée par plusieurs textes législatifs.
Sani Aboubacar