[Exclusif] Orano versus Niger, de la fiction à la réalité

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Ph : DR

Le 20 décembre dernier, la presse française reprenait d’une seule voix, le communiqué de presse d’Orano qui annonçait un arbitrage international à l’encontre de l’État du Niger, suite au retrait de son permis d’exploitation d’Imouraren en date du 19 juin 2024.

La démarche peut surprendre, puisque Nicolas Maes, devenu Directeur général d’Orano a lui-même signé avec le Gouvernement Bazoum, soutenu par la France, la convention d’abandon de cette mine, le 4 mai 2023.

Extrait de l’accord qui indique clairement la renonciation au permis d’exploitation et qui limite les activités à un permis de recherche.

La Cour d’arbitrage pourrait aussi relever que parmi les dirigeants d’Areva mis en examen figure Madame Lauvergeon pour délit d’entrave à la mission des commissaires aux comptes, présentation de comptes inexacts et diffusion d’informations trompeuses. Toutes ces personnes ont droit à la présomption d’innocence, mais curieusement, le ministère public ne trouve pas les moyens d’écrire l’indispensable ordonnance de renvoi nécessaire à la tenue du procès.

L’avocat Thomas Clay qui défend les intérêts d’Orano, a précédemment défendu avec succès les intérêts de l’Etat français dans l’arbitrage Tapie. Il était réputé proche d’Arnaud Montebourg, bien connu pour avoir participé à la défunte Alliance Minière Responsable au détriment de la Guinée Conakry. Membre éminent du parti socialiste, Thomas Clay organisait la primaire à gauche en 2017. Il nous a indiqué n’avoir plus d’amitié pour Montebourg et n’être plus membre du parti socialiste.

Aucun article de presse ne précise auprès de quelle institution la demande d’arbitrage a été déposée. A ce jour, nos vérifications auprès de l’ICSID (Banque mondiale) ne font apparaitre aucune démarche, alors que celle de Goviex a bien été enregistrée début janvier.

Cette activité juridique n’est pas anodine, surtout pour les porteurs de la dette obligataire. Dans son bilan 2022, Orano affichait d’importantes réserves prouvées, sur lesquelles des créanciers pouvaient compter pour garantir leur remboursement.

Désormais, l’endettement financier net total du groupe Orano s’élève à 1 589 millions d’euros au 30 juin 2024, contre 1 479 millions d’euros fin 2023.

L’Etat a dû recapitaliser une nouvelle fois Orano à hauteur de 300 millions d’euros en octobre 2024, il possède désormais 90% du capital, les deux actionnaires japonais n’ayant pas souscrit à l’augmentation du capital.

Heureusement, Orano vient d’annoncer la découverte d’un « gisement de classe mondial » en Mongolie. Les mauvaises langues diraient qu’il s’agit exactement des éléments de langage utilisés dans l’affaire Uramin.

Cette découverte nécessite de lourds investissements : « Le développement du projet durera 4 ans avant la mise en production de la mine de Zuuvch-Ovoo dont la capacité nominale est estimée à environ 2 500 tonnes d’uranium par an ». Prévu pour durer 30 ans, « ce projet représente un investissement initial d’environ 500 millions de dollars avant le début de mise en exploitation du gisement et un total de 1,6 milliard de dollars sur toute la durée de vie de la mine ».

Sur son site internet, la société qui exploite la licence en Mongolie indique que « la découverte date de 2010 ce qui lui fait un point commun avec Imouraren ».

Pourtant, la world nuclear association dont Monsieur Nicolas Maes est membre ne semble pas connaître le site Uranium in Mongolia – World Nuclear Association.

Dans un article très documenté du TIME, M. Meleard, responsable d’Orano en Mongolie, admet que « si Orano était une entreprise privée et non une entreprise publique, elle aurait probablement abandonné la Mongolie depuis longtemps ».

Fort heureusement, Orano annonce déjà 90 000 tonnes de ressources qui devraient désormais figurer à son bilan 2025. Malgré nos demandes précises, Orano a refusé de commenter l’absence de certificateur indépendant et l’absence de ces ressources dans le document de référence publié par la NAE/AIEA (voir droit de réponse ci-dessous).

Pour pouvoir signer ce contrat avec les autorités mongoles, Orano a, au préalable, signé une convention avec le Parquet National Financier français. Dans cette convention l’opération East Asia Minerals est brièvement mentionnée. Il importe de rappeler les détails.

En janvier 2006, la petite société East Asia Minerals, cotée sur le segment le moins encadré de la bourse de Toronto, indique qu’elle ne peut pas mettre à jour sa comptabilité à cause de ses activités en Mongolie. Depuis un an, elle a dépensé quelques centaines de milliers de dollars dans ce pays.

Et pourtant, son président exulte de joie quand il annonce le rachat de sa société par Areva en mars 2007. Il écrit à ses actionnaires :

« La vente de propriétés d’uranium en Mongolie, pour un montant de 83 millions de dollars, est considérée comme la plus importante vente de propriétés en phase d’exploration jamais réalisée à la Bourse de Toronto ». Michael Hawkins ajoute : « La majorité des propriétés vendues avaient été acquises il y a moins de 12 mois et East Asia avait dépensé moins de 2 millions de dollars pour leur acquisition et leur exploration. »

Il faut croire que la Mongolie porte-bonheur, et l’agence Standard and Poors qui note la dette obligataire d’Orano devrait en tenir compte dans ses évaluations. La dernière date du 4 décembre 2024 et Orano conserve la note BBB-juste à la limite de la classification requise pour les créanciers institutionnels. Dans son analyse, elle stipule : « La société prévoit de consolider son portefeuille de mines d’uranium. Dans notre scénario de base, nous supposons que l’entreprise financera elle-même ses plans d’investissement à long terme. »

Il n’est pas certain que les parlementaires français aient bien compris les conséquences des activités d’Orano en Mongolie à l’heure du vote du budget de l’Etat. Peut-être sont-ils rassurés de voir la mention de l’Agence Anti-corruption dans la convention signée entre Orano et le Parquet. Elle doit avoir accès aux comptes pendant au moins trois ans et sans réserve. Si les bilans ne sont pas conformes à la réalité comme dans le passé, qui sera responsable ? Orano appartient à 90% à l’Etat français, la dette publique française et celle d’Orano peuvent-elles avoir une notation différente ?

Droit de réponse

Thomas Clay

« Je laisserai bien sûr le service de presse d’Orano vous répondre sur le dossier lui-même. Mais pour ce qui me concerne, je vous indique que, contrairement à ce qu’indique votre projet d’article : je n’ai plus aucun lien ni avec Arnaud Montebourg ni avec le Parti socialiste depuis des années. »

Orano groupe

« Merci de l’intérêt manifesté à l’endroit de nos activités industrielles et minières. Nous contestons les allégations tendancieuses, voire fausses, reprises dans votre texte concernant le groupe Orano et ses activités. Pour toute information utile les concernant, nous vous invitons à consulter le site internet du groupe www.orano.group et plus singulièrement notre rapport annuel d’activité qui reprend l’ensemble des informations utiles de l’année écoulée. En sus, vous pouvez retrouver toutes nos actualités dans la rubrique Presse, notamment sur la Mongolie et le Niger que vous citez dans l’article ». 

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