Des pages Facebook et des chaînes TikTok de propagande au cœur de la guerre géopolitique et géostratégique au Sahel 

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Ph : DR

Des pages Facebook et des comptes TikTok sont utilisés par des puissances étrangères pour manipuler l’opinion publique au Niger, au Mali et au Burkina Faso. À travers des techniques de désinformation et de propagande visuelle, ces acteurs influencent les perceptions locales pour servir leurs intérêts. Enquête sur un phénomène en croissance. 

Dans un contexte de tensions politiques et sécuritaires, les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la formation de l’opinion publique au Sahel. Cette région, marquée par l’instabilité politique et les conflits, est devenue un terreau fertile pour la manipulation numérique. Les réseaux sociaux, notamment Facebook et TikTok, sont utilisés pour diffuser des narratifs biaisés et des contenus trompeurs.

Dans le cadre de notre enquête, nous avons identifié plusieurs pages et comptes influents sur Facebook et TikTok qui partagent régulièrement des contenus biaisés et manipulatoires. Ces plateformes utilisent des visuels attractifs et des contenus émotionnels pour capter l’attention des utilisateurs avec parfois des contenus générés par l’intelligence artificielle. Elles attirent ainsi des milliers de followers, notamment des jeunes et des personnes vulnérables aux informations sensationnalistes. Elles usent aussi de publication de vidéos et d’images modifiées pour désinformer sur des événements politiques et de partage de fausses nouvelles concernant des alliances et des interventions militaires.

Sur Facebook, nous avons découvert plusieurs profils et pages qui publient des informations essentiellement consacrées aux activités des puissances étrangères au Sahel. Au nombre de ceux-ci, la page « DML », créée le 30 juillet 2022 avec plus de 63.000 abonnés à la date du 16 août 2024. Elle est créée par un certain  Djamilou Ibrahim Bizo (identité réelle ou pseudonyme ?) supposé vivre à Nantes mais dont plusieurs images de profil l’identifient à la région de l’Aïr (Agadez).

La page qui publie souvent des images montées ou générées par l’intelligence artificielle (IA) fait explicitement la promotion de la Russie sur Facebook avec des comparaisons souvent fallacieuses avec la France comme cette image qu’on peut voir avec le lien suivant :

https://www.facebook.com/share/p/sZmxTNZXDpXmgAJg/?mibextid=TrneLp

Au regard de ses contenus, la page sert également les intérêts de la Chine avec des comparaisons avec la France, comme dans comme cette image qu’on peut voir avec le lien suivant :

https://www.facebook.com/share/p/r4y2xkuRLY5zHtDv/?mibextid=qi2Omg
Une image contenant texte, capture d’écran, logiciel, Icône d’ordinateur

Description générée automatiquement

On peut remarquer que DML ne publie pas des analyses ou des informations étayées. Sa méthode consiste chaque fois à juxtaposer des images de la France notamment de Paris, qu’il a, au préalable, déformées et dévalorisées avec celles des ouvrages gigantesques des principales villes russes et chinoises, chaque image étant accompagnée d’un commentaire moqueur et dévalorisant à l’égard de la France.

Sur le même registre, nous avons identifié une page Facebook au nom de « Komi Sylivain officiel », créée le 12 décembre 2022, avec plus de 53.000 abonnés à la date du 15 août 2024, et dont l’administrateur est basé au Burkina, selon la description de la page. 

Cette page, diffuse régulièrement des contenus sur les puissances, telles que la Russie et la Chine, visant à convaincre ses lecteurs que ces puissances sont les plus fiables pour le développement des pays sahéliens. La page publie souvent les images des matériels militaires de la Russie qu’elle met en valeur, comme dans l’exemple ci-après :

https://www.facebook.com/100088433003681/posts/pfbid09j3yLaAuRyX7cP4189zGgFeeNGoLoWpHX95MUbBuSzAik64kTLfLTXmWDViyHQwDl/?app=fbl

La page « AES TV » est quant à elle, spécialisée dans la diffusion d’informations sensationnalistes et manipulatoires sur les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Créée le 14 septembre 2023, elle affiche plus de 160 000 abonnés le 18 août  2024 à 18h. 

Par exemple, dans cette vidéo diffusée (https://www.facebook.com/watch/?mibextid=7J6EjN&v=1466246874280848&rdid=fS5580mxOa9jjFAo), la page affirme que « la Russie et la Chine viennent de prendre des décisions importantes pour l’AES », déclarant que les deux puissances « ont décidé d’aider les forces armées de l’AES pour se débarrasser de tous ces terroristes, y compris les chefs terroristes ». Le narrateur poursuit en ces termes : « voilà les raisons secrètes qui ont poussé la CPI [Cour Pénale Internationale – ndlr] à émettre un mandat d’arrêt contre Iyad Ag Ghali [Chef terroriste recherché – ndlr] ». Il ajoute que les pays occidentaux « ont peur que les forces de l’AES capturent Iyad Ag Ghali un jour. Peut-être, poursuit-il, ils veulent coûte que coûte éliminer Iyad Ag Ghali ou l’attraper avant que les forces armées de l’AES ne l’attrapent ». 

La vidéo publiée le 22 juin 2024 a cumulé 64.372 vues, 467 partages, 20 commentaires et 695 réactions « j’aime » et « j’adore » à la date de 18 août 2024 à 18h20. 

Dans une autre vidéo, la page indique que l’Ukraine et tous les pays qui le soutiennent « veulent contrecarrer l’influence russe en Afrique », affirmant que c’est la France et tous les pays de l’OTAN qui se cachent derrière l’Ukraine « pour ce combat ». 

Sur Tiktok, nous avons repéré entre autres « Actu_monopole ». Avec plus de 121.600 followers à la date du 19 août à 17h43, cette chaîne fait la promotion de la Chine et de la Russie au Sahel qu’elle décrit dans ses publications (https://vm.tiktok.com/ZMrnCdSbf/), comme étant « des puissances fiables qui n’ont jamais cessé de coopérer avec l’Afrique pour son développement ». 

L’audio de cette publication, généré par l’IA, a été repris par 50 chaînes Tiktok, à la date du 19 août à 17h46, largement suivies, avec chacune des montages photos et vidéos de son choix.

Ce compte mène régulièrement des campagnes contre la France et les États-Unis. Dans cette vidéo, par exemple, « Actu_Monopole » affirme que « La Chine vient de faire ce que la France n’a pas pu pendant une décennie », suggérant que « maintenant c’est 100 pour 100 clair : la place de la France, la poubelle ».

Dans une voix générée par l’intelligence artificielle, la chaîne TikTok rapporte que « dans le cadre de la coopération de la Chine et Burkina Faso, la Chine a mis en place un projet permettant d’instaurer au Burkina Faso les derniers progrès technologiques et de former les jeunes burkinabè, notamment sur la sécurité urbaine, le domaine énergétique, l’internet et le 5G, NTIC, les services cloud, l’IA et tout ce [dont] un pays a besoin pour être une puissance ».

La chaîne conclut sa vidéo avec un éloge au Président chinois en ces termes : « vive le Président Xi Jinping et vive la Chine », tout en incitant les spectateurs à montrer leur soutien en commentant « un cœur pour la Chine » et à s’abonner à la chaîne « pour ne rien manquer ». 

Ces projets ont certes été annoncés par le Directeur de HUAWEI, selon la présidence du Faso, à l’issue d’une audience qu’il a eue avec le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré, le 22 mars 2024. Mais la tonalité adoptée par « Actu_monopole » dans cette annonce s’apparente à de la propagande, affirmant que la formation des jeunes burkinabè vise à contrer les « agresseurs occidentaux sur tous les plans », et soutenant que la coopération avec la Chine est nettement plus avantageuse que celle avec les pays occidentaux, comme la France. 

Nous avons également identifié la chaîne qui se nomme « l’éveil de conscience » qui défend également les intérêts stratégiques de la Chine, de la Russie et de l’Inde au détriment de ceux de la France.

Dans une de ses vidéos, le compte totalisant 81.800 followers le 19 août 2024 à 20h, affirme que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ambitionnent de remplacer le franc CFA par une monnaie commune appelée « Sahel » et que la « la France veut attaquer la Russie pour empêcher cela ». Et ce, sans avoir apporté des preuves. 

Dans son narratif, le compte présente le Mali comme premier producteur d’or en Afrique et justifie que les trois pays « peuvent y parvenir en exploitant leurs propres ressources naturelles, comme les raffineries d’or au Mali et au Burkina Faso, ainsi que les ressources pétrolières au Niger ». Or, le Mali est plutôt le 2e producteur d’or d’Afrique de l’Ouest en 2023, et non le premier comme l’affirme péremptoirement la chaîne pour donner une base à son raisonnement. 

Pour boucler la démonstration, elle indique plus loin que « le soutien de la Russie, de la Chine et de l’Inde à cette initiative renforce la crédibilité du Sahel en tant que monnaie stable ». 

L’audio de cette vidéo, généré aussi par l’IA, a été repris dans 16 publications d’autres chaînes TikTok à la date de 19 août 2024 à 18h, avec des montages d’images différentes. 

Nous avons aussi identifié le compte dénommé « princeofficiel54 », avec près de 140 000 abonnés à la date du 19 août à 18h9mn, qui met  en avant les intérêts de la Russie en Afrique et particulièrement au Sahel. 

Dans la plupart de ses publications, cette chaîne critique la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et diffuse des informations sur la présence des drapeaux russe au Nigeria. Elle adopte un ton très critique et moqueur à l’égard du Président de la République fédérale du Nigeria et Président en exercice de le CEDEAO, Bola Ahmed Tinibu. Elle est également pourfendeur du Président ivoirien Alassan Dramane Ouattara et de son gouvernement. 

Une autre chaîne Tiktok appelée « AES » œuvre dans le même sens. Totalisant plus de 159.000 abonnés, le 19 août à 18h, celle-ci promeut les intérêts de la Russie et diffuse de la désinformation. Dans cette vidéo par exemple, elle affirme que « le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko signe un accord nucléaire avec la Russie » et que le président « Bassirou Diamoye Faye exige le retrait immédiat et sans délai de toutes les forces armées françaises sur son territoire pour laisser place à l’armée russe ». 

Nos investigations et recherches menées sur internet n’indiquent aucune source ou site ayant donné la même information. Ce qui suggère que c’est le fruit de l’imagination des animateurs de la chaîne.

La désinformation est encore flagrante et apparente dans cette vidéo où elle véhicule la fausse information selon laquelle « la Cote d’Ivoire rejoint l’AES » et que les dirigeants des pays de l’AES, le Capitaine Ibrahim Traoré, le Colonel Assimi Goita et le Général Abdourahamane Tiani, « ont donné 32 milliards de francs CFA pour financer les campagnes de l’ancien Président [ivoirien] Laurent Gbagbo », présentant l’actuel Président ivoirien comme « l’ennemi de l’Afrique ». 

 Méthodes de désinformation 

Force est de constater que la majorité de ces comptes et pages sont anonymes ou sous des pseudonymes, et certains semblent être reliés à des organisations et individus étrangers. Elles excellent dans la diffusion de la désinformation avec des contenus manipulatoires. 

Interviewé dans le cadre de cette enquête, le spécialiste de la désinformation Paul-Joël Kamtchang, qui est également data activist et data hunter, identifie plusieurs méthodes de désinformation largement répandues en Afrique francophone. L’une des plus courantes est le « hors contexte », qui consiste à utiliser des images ou des textes anciens pour illustrer des situations actuelles, créant ainsi un décalage délibéré pour manipuler l’opinion publique.

Cette méthode, indique le spécialiste, s’accompagne souvent de l’intervention de trolls, des individus qui dévient le débat en publiant des commentaires qui suscitent la polémique, détournant ainsi l’attention du sujet principal. Selon Kamtchang, cette stratégie est particulièrement observée sur des plateformes comme Facebook, tandis que TikTok, avec son accent sur la vidéo, facilite l’usage de deepfakes et d’autres manipulations visuelles sophistiquées.

Les propos recueillis auprès d’autres professionnels de lutte contre la désinformation, notamment Amadou Traoré du Mali et Noël Kokou Tadegnon du Togo, confirment l’existence de campagnes de désinformation orchestrées par des puissances étrangères pour influencer l’opinion publique au Sahel. En plus des vidéos et photos détournées, des deepfakes, les méthodes utilisées incluent les faux comptes et fausses pages, et l’infiltration des groupes WhatsApp. 

« Des analyses nous ont permis de déceler des campagnes de désinformation orchestrées depuis des pays étrangers, notamment des puissances, et dirigées vers le Mali pour influencer l’opinion publique. Ces fausses informations ont pour objectif de dénigrer certains partenaires de notre pays, le Mali, et de préparer l’opinion à accepter l’idée que d’autres partenaires sont capables de nous sauver de la situation », a expliqué le journaliste fact-checker Amadou Traoré. Selon lui, « cela a fonctionné, car après ces campagnes, qui sont d’ailleurs en cours, l’opinion publique a accepté des décisions que les autorités actuelles ont prises en faveur d’une puissance étrangère et au détriment d’autres puissances ». 

Mécanismes de manipulation de l’opinion publique

Traoré détaille les méthodes employées dans ces campagnes : « Ces campagnes de désinformation utilisent les vidéos et photos détournées de leur contexte, l’utilisation des deepfakes (vidéos manipulées pour induire l’opinion publique en erreur) ». Le journaliste et formateur en fact-checking dit également avoir constaté « des campagnes d’influence menées par des faux comptes et des fausses pages créés par milliers et manipulés par quelques personnes qui diffusent des opinions favorables à une puissance et défavorables à une autre ».

Pour lui, « l’opinion publique, n’ayant pas la capacité de déceler ces campagnes d’influence, pense effectivement que ce sont des milliers de Maliens qui soutiennent cette opinion, alors qu’il s’agit de faux profils et de campagnes d’influence ». Ces méthodes, indique Traoré, « sont utilisées sur Facebook, TikTok et même X (Twitter) pour impacter l’opinion publique ; et les médias traditionnels les relaient ». 

Pour sa part, le spécialiste de la désinformation, Paul-Joël Kamtchang, indique que l’influence des puissances étrangères dans la manipulation de l’information est bien ancrée dans le Sahel, notamment dans les pays comme le Burkina, le Mali et le Niger. « On peut le constater au moins à plusieurs égards… cette approche géopolitique de la désinformation est une nouvelle manière de construire des narratifs pour conquérir des cœurs, notamment ceux des populations de ces pays », explique-t-il.

Il souligne également le rôle des gouvernements locaux qui, selon lui, « construisent un narratif qui est parfois en faveur d’une puissance étrangère plutôt qu’une autre » et utilisent des acteurs politiques pour diffuser ces récits au sein de l’opinion publique. Et cela est facilité dans les pays comme ceux de l’AES par le fait que les pouvoirs ont le contrôle de l’espace civique, de l’information publique et des médias. 

Indicateurs de désinformation

Les indicateurs de désinformation incluent, selon Traoré, « le taux de fausses pages créées, les comptes anonymes, le taux de fausses informations qui circulent, et la diversification de ces fausses informations ». « Nous sommes passés des cheap fakes aux fake news plus sophistiquées, difficiles à déchiffrer, notamment avec l’utilisation de l’intelligence artificielle », explique-t-il. 

« La création de nombreuses Web TV en faveur de ces puissances, qui passent la journée à diffuser des fausses informations, est également un indicateur. Et, l’infiltration des groupes WhatsApp qui reçoivent de nombreuses vidéos et photos sorties de leur contexte est un signe de la montée en puissance de ces campagnes de désinformation », fait constater le fact-cheker. 

 Impacts sur l’opinion publique 

Les impacts de ce phénomène sont profonds, biaisant le débat démocratique et conduisant à une pensée unique. Selon Amadou Traoré, ces campagnes de désinformation au Sahel ont « un impact significatif, déterminant ce que nous vivons aujourd’hui au Sahel ». En effet, explique-t-il, « ces fausses informations ont permis à l’opinion publique d’accepter le fait accompli, c’est-à-dire d’applaudir le putsch et de penser que le malheur de notre pays est dû aux autres, et qu’il faut que les militaires prennent le pouvoir ». Il ajoute : « cela a biaisé le débat démocratique.

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes traitent la presse comme ‘‘l’amie’’ des occidentaux, et les blogueurs pratiquent l’auto-censure. Le débat politique est quasiment absent, il n’y a plus d’opposition, et lorsque vous exprimez des idées contraires à l’opinion majoritaire, vous risquez l’emprisonnement, l’enrôlement forcé dans l’armée ou l’exil ». 

Pour Noël Kokou Tadegnon, journaliste et formateur en Web et Fact-checking, le phénomène de désinformation au Sahel, exacerbé par la prolifération des réseaux sociaux, devient « un outil de manipulation des opinions publiques, souvent utilisé par toutes les parties prenantes pour servir leurs intérêts stratégiques. Ces acteurs exploitent les vulnérabilités locales, distillant des narrations biaisées qui renforcent divisions et méfiance au sein des sociétés sahéliennes ». « Les contenus distillés visent à influencer les perceptions sur des enjeux importants, tels que la sécurité, la gouvernance et les relations internationales. L’impact est profond, souvent synonyme de radicalisation des opinions », ajoute Tadegnon. 

Des stratégies pour contrer la désinformation

Pour lutter contre la désinformation, les professionnels de Fact-checking proposent plusieurs solutions. Pour Amadou Traoré, « il est essentiel de mettre en place de grandes campagnes d’éducation aux médias et de soutenir les médias engagés dans cette lutte ». Il propose d’« introduire des modules d’esprit critique dès l’école fondamentale pour permettre aux enfants de ne pas tomber dans les pièges de la désinformation ». Il estime aussi que « les autorités doivent également s’engager à lutter contre la désinformation, même si, souligne-t-il, ces fausses informations sont souvent en leur faveur. Elles doivent appuyer les campagnes de sensibilisation, d’éducation, de formation et d’information, et légiférer pour réguler ces pratiques ». 

Solutions partagées par Paul-Joël Kamtchang qui les scinde en deux stratégies principales pour lutter contre la désinformation dans la région. La première est l’Éducation aux Médias à l’Information (EMI), qui vise à prévenir la désinformation en formant les citoyens à discerner les contenus fiables. La seconde stratégie est le Fact-checking, qui intervient une fois que la désinformation s’est déjà répandue. Pour Kamtchang, bien que le fact-checking soit essentiel, il doit être complété par des efforts éducatifs en amont pour être véritablement efficace, permettant de doter les citoyens des outils nécessaires pour naviguer de manière critique dans l’écosystème informationnel.

Impliquer les populations locales

Pour les populations locales, Traoré souligne l’importance de traduire les contenus dans les langues locales et de travailler avec les radios locales : « Il est essentiel de traduire les contenus dans les langues locales et de travailler avec les radios locales, car les communautés locales écoutent plus les radios que la télévision ou la presse classique. Il est également important de former les animateurs et les journalistes de ces radios pour les aider à se défaire des fausses informations et à éduquer et sensibiliser leurs auditeurs. Enfin, propose le journaliste, il faut identifier et réunir les administrateurs des groupes WhatsApp qui diffusent la désinformation pour les former, les éduquer et les sensibiliser afin qu’ils contribuent à la lutte contre la désinformation ».

Pour sa part, Tadegnon estime qu’« il faut encourager chaque individu à se poser des questions critiques sur les informations reçues. Il faudra aussi s’engager dans des discussions constructives et faire la promotion du dialogue au sein des communautés pour débattre des enjeux d’actualité et sensibiliser sur les impacts de la désinformation ».

Des investigations montrent que la plupart des publications sur les pays de l’AES (Alliance des États du Sahel) ont en commun l’apologie des puissances étrangères notamment le Russie et la Chine et accessoirement l’Inde. Elles présentent ces pays comme les meilleurs partenaires des pays du Sahel mais également une alternative crédible à la France qui a été pendant des décennies le partenaire privilégié du Burkina, du Mali et du Niger dans de nombreux domaines. 

En exposant ces mécanismes de manipulation numérique, nous espérons inciter les autorités à prendre des mesures pour réguler les contenus en ligne et promouvoir une éducation aux médias plus efficace. La vigilance du public est également importante pour contrer la désinformation et protéger la stabilité régionale.

Cette enquête a été réalisée dans le cadre du projet « Révéler la vérité grâce à OSINT » mis en œuvre par le journal « L’Evènement » en collaboration avec le Centre pour l’Innovation du Journalisme et le Développement (CJID) et OSF Africa