Reporters sans frontières (RSF) dénonce les graves atteintes à la liberté de la presse perpétrées par les autorités locales en RDC, où un journaliste et un technicien radio ont été détenus et torturés. L’organisation exhorte les autorités à tout mettre en œuvre pour protéger les professionnels de l’information du harcèlement orchestré par les instances régionales du pouvoir.
Le journaliste Hubert Djoko et le technicien Albert Lokongo, de la station privée Radio Losanganya, ont été arrêtés jeudi 20 août à Lodja, dans la province de Sankuru, au centre de la République démocratique du Congo (RDC), lors d’un raid d’agents des Forces armées (FARDC) et de la police nationale dans les locaux de la radio. Conduits dans le stade où le gouverneur de province qui avait ordonné cet assaut, Joseph Mukumadi, tenait un meeting, ils ont été publiquement menacés et accusés de travailler dans l’intérêt du propriétaire de leur média, Lambert Mende Omalanga, qui n’est autre que l’ancien rival politique de l’actuel gouverneur.
Les deux hommes ont ensuite été emmenés dans des locaux de la police, où ils ont été détenus pendant plusieurs heures et torturés. Souffrant de blessures sévères, comme en témoignent les photos consultées par RSF, les deux journalistes ont été transférés dans la résidence du gouverneur, où ils ont été ligotés, exposés toute une journée au soleil et sommés de reconnaître qu’ils avaient été “manipulés” par le propriétaire de leur radio. Face à leur refus, les policiers ont ramené les deux hommes au poste pour une deuxième nuit de détention, avant de les libérer samedi dans la soirée. Ils ont été admis dans un état grave à l’hôpital de Lodja. Lors de ce même raid, le rédacteur en chef et directeur de la Radio Losanganya, François Lendo, a également été arrêté et détenu plusieurs heures sans aucune raison.
Offensive contre les médias
Le même jour, les FARDC et la police ont également pris d’assaut les locaux de l’antenne locale de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC/Lodja), situés dans le même bâtiment. La station a été fermée jusqu’à nouvel ordre, tandis que la Radio Losanganya a été sommée de cesser toutes ses émissions et de ne plus diffuser que du contenu musical. Du matériel et les équipements de rédaction des deux radios ont également été saisis.
Selon Journalistes en Danger (JED), une organisation locale de défense de la liberté de la presse et partenaire de RSF, Joseph Mukumadi accuse les deux radios de “diffuser des émissions à caractère haineux” et de “saboter ses actions pour des raisons politiques”. François Lendo affirme par ailleurs qu’aucun communiqué officiel n’a été transmis aux deux radios sur les raisons de cette descente et sur la “barbarie” subie par les deux employés de sa rédaction lors de leur détention. De son côté le gouverneur Joseph Mukumadi, contacté à plusieurs reprises par RSF, n’a pas souhaité répondre à nos questions.
“Rien ne peut justifier les sévices corporels infligés à ces deux employés de la Radio Losanganya ni les ordres de fermeture intimés à des médias locaux, dénonce la rédactrice en chef adjointe de RSF, Catherine Monnet. Ces incidents inacceptables doivent faire au plus vite l’objet d’une enquête transparente, complète et les auteurs de ces actes barbares doivent être poursuivis et punis. Tout doit être parallèlement mis en œuvre pour protéger les professionnels de l’information du harcèlement des instances régionales du pouvoir.”
Les exactions portées contre les professionnels de l’information se maintiennent à un niveau alarmant en RDC, qui cumule le plus grand nombre d’atteintes à la liberté de la presse sur le continent subsaharien. Il y a quelques semaines, RSF s’inquiétait de l’offensive lancée par le gouverneur Crispin Ngbundu contre les médias de la province de la Mongala, au nord-ouest du pays. Des journalistes ont été radiés de la profession et d’autres suspendus, tandis que plusieurs émissions politiques ont été supprimées jusqu’à nouvel ordre et que des radios privées ont été fermées par les autorités provinciales.
Le 12 novembre 2019, lors d’un entretien entre RSF, JED et le président de la RDC Felix Tshisekedi, en marge du forum de Paris sur la paix, ce dernier avait soutenu l’idée d’un moratoire sur les arrestations de journalistes dans l’exercice de leurs fonctions en attendant la révision de la loi sur la presse de 1996. Les deux organisations avaient également plaidé pour la mise en place, dans les plus brefs délais, d’un mécanisme dédié à la protection et à la sécurité des journalistes, dont la première étape consiste à nommer un réseau de points focaux dans les différents ministères et administrations concernés par la liberté de la presse. Aucune de ces mesures proposées n’a pour l’instant été adoptée.
La République Démocratique du Congo occupe la 150e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2020.
Source : RSF