Le Niger s’apprête à ériger une raffinerie d’or, un projet scellé par un accord de partenariat entre l’État et l’entreprise Suvarna Royal Gold Trading LLC. Au terme de cet accord, une entreprise est créée au nom de Royal Gold Niger SA.
Il s’agit d’une entité qui donnera vie à une unité de production de bijoux étincelants et à un atelier où l’or brut se transformera sous les mains expertes des artisans. Mais derrière la promesse scintillante de Suvarna Royal Gold Trading LLC, une ombre plane : celle du Kenyan d’origine indienne, Kamlesh Pattni. Son nom résonne encore avec une tristesse particulière, celui d’un homme d’affaires dont l’implication dans le scandale Goldenberg, l’une des plus colossales affaires de fraude financière de l’histoire du Kenya.
Ce partenariat qui lie le Niger à l’entreprise Suvarna affirme la volonté des autorités nigériennes de « maîtriser ses ressources et de s’assurer que leurs retombées bénéficient prioritairement aux générations présentes et futures », a souligné le ministre des Mines, le Commissaire-colonel Abarchi Ousmane.
Il précise aussi que cet accord pose les premières pierres d’une « économie nationale intégrée, où chaque gramme d’or transformé au Niger génère de la valeur pour notre peuple ».
La vision de ce projet est de faire en sorte que « l’or du Niger ne sera plus seulement extrait, il sera transformé ici, au profit des Nigériens. A l’horizon 2035, le Niger doit pouvoir compter dans le concert des nations comme un pays référence en matière de valorisation minière », dira le Commissaire-colonel Abarchi Ousmane.
Suvarna Royal Gold Trading LLC est présidée par le kenyan d’origine indienne, Kamlesh pattni. C’est un homme d’affaire connu pour son implication dans le scandale Goldenberg, l’une des plus grandes affaires de fraude financière de l’histoire du Kenya.
Le système frauduleux Goldenberg orchestré par Kamlesh Pattni
Imaginez la scène : la société de Pattni, Goldenberg International Ltd (GIL), tissant une toile complexe pour obtenir frauduleusement des compensations à l’exportation sur des cargaisons fantômes d’or et de diamants. Des complicités se nouent dans les bureaux feutrés de hauts fonctionnaires et derrière les guichets de banques locales, facilitant cette escroquerie d’une ampleur sans précédent.
Le rapport de la commission judiciaire sur l’affaire Goldenberg, consulté par l’Evènement Niger, tel un livre ouvert sur cette fraude, révèle que « GIL fut enregistrée avec seulement 1,000 actions de 100 Ksh chacune, sans démonstration de fonds propres ou de capacité minière ». Elle est à l’image d’une coquille vide, ne possédant ni les fonds propres ni la capacité minière pour justifier ses activités dès sa création en juillet 1990.
En visualisant les documents d’exportation, des simulacres soigneusement élaborés pour tromper les autorités, alors qu’en réalité, aucune cargaison d’or ou de diamants de la valeur déclarée n’a jamais quitté le territoire kényan.
D’après le rapport, « les statistiques douanières montrent 62 tonnes de bijoux exportés cette année-là (1992), alors que les balances commerciales suisses n’enregistrent aucune importation correspondante ».
« Aucun enregistrement douanier ne corrobore les déclarations d’exportation de bijoux diamantés par GIL. Les documents étaient systématiquement falsifiés », témoigne le rapport.
Selon ledit rapport, « Pattni a utilisé des sociétés écrans (comme Servino Securities Inc. et Solitaire) pour masquer l’origine des fonds et créer l’illusion d’exportations légitimes ».
Il indique que des « comptes bancaires opaques, comme celui de « Shimba Kay » à la Exchange Bank Ltd (dont Pattni était actionnaire), ont servi à blanchir de l’argent provenant du marché noir des devises ».
« Sur la base des 1,432 témoignages sous serment et des 322 pièces à conviction, nous concluons que M. Kamlesh Mansukhlal Pattni a orchestré un système complexe de fraude fiscale ayant coûté au Trésor public 1,432,212,501 Ksh, environ 13 millions de dollars », conclut le rapport.
La tentative de réitération au Zimbabwe : un écho du système Goldenberg
Après avoir fui le tumulte du scandale kényan, Pattni a cherché refuge au Zimbabwe, avec la sombre ambition de reconstruire son empire frauduleux.
Selon le département du trésor des Etats-Unis, Kamlesh Pattni dirige un réseau mondial (Pattni) « qui a facilité des activités illicites en soudoyant des fonctionnaires, en déployant des soutiens de confiance pour masquer la propriété et en tissant un réseau mondial d’entreprises pour dissimuler ses activités illicites. Ce système frauduleux a privé les citoyens zimbabwéens des bénéfices de ses ressources naturelles, tout en enrichissant des fonctionnaires corrompus et des acteurs criminels ».
Pattni, le tristement célèbre

La réputation de Pattni le précède, le plaçant sur la liste des personnes sanctionnées au Royaume-Uni pour son implication dans des actes de corruption graves.
Il est inscrit le 09 décembre 2024 sur la liste des personnes sanctionnées au Royaume-Uni qui sont impliqués dans des affaires de corruption. Selon le fichier, « Kamlesh PATTNI est une personne impliquée au sens du Règlement mondial de 2021 sur les sanctions anticorruption », car il a été « impliqué dans des actes de corruption grave, à savoir des pots de vin, en soutien à ses entreprises de commerce illicite d’or ».
Son épouse, Minal et son beau-frère, Vaya, figurent également sur cette liste. Tous sont liés par leur association avec cet homme à la réputation sulfureuse.
A l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption de l’année 2024, les Etats-Unis d’Amérique ont sanctionné 28 personnes et entreprises impliquées dans la contrebande d’or et le blanchiment d’argent au Zimbabwe. Parmi les personnes sanctionnées se trouve le tristement célèbre Pattni.
« Partout dans le monde, lorsque des acteurs corrompus comme Pattni choisissent d’exploiter les failles des structures de gouvernance à leur profit et à celui de leurs proches, les communautés en pâtissent et la confiance du public est ébranlée », a déclaré Bradley T. Smith, sous-secrétaire par intérim au Trésor chargé de la lutte contre le terrorisme et du renseignement financier.
Connaissant la triste réputation du Pattni, l’acteur de la société civile Mourtala Abdoul Aziz attire l’attention des autorités nigériennes à « prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que cette activité de raffinage soit effective, en respectant les réglementations en vigueur ». Le Niger regorge des potentialités minières de part le pays et l’acteur de la société civile d’appeler les autorités compétentes à « veiller à ce que ces ressources soient utilisées en bon escient, surtout l’or. Et de ne pas laisser n’importe qui venir nous berner ».
L’ombre de Kamlesh Pattni, avec son passé tristement célèbre dans la fraude aurifère, planant sur le partenariat pour l’installation de la raffinerie d’or au Niger, soulève inévitablement des interrogations légitimes. Imaginez les Nigériens se demandant si la promesse d’une valorisation locale de leur or ne risque pas d’être ternie par les pratiques d’un homme dont l’histoire est marquée par la fraude à grande échelle. La transparence et l’intégrité de ce projet crucial pour l’avenir économique du Niger sont désormais des questions centrales qui nécessitent une vigilance accrue.
Ismaël Abdoulaye