Influenceurs et acteurs de la société civile au Niger : artisans de la désinformation 

0
151
Ph : DR

Jouissant d’une large audience sur les réseaux sociaux, des influenceurs et certains acteurs de la société civile publient et relayent en temps réel des informations non vérifiées sur des attaques terroristes et des opérations militaires. Ils ont tendance à se substituer aux médias traditionnels qui n’ont pas la même instantanéité en raison des vérifications que ces derniers procèdent avant de publier toute information. 

Comme par effet de mode, la plupart des Nigériens qui sont connectés sur les réseaux sociaux se réfèrent à ces influenceurs et acteurs de la société civile pour s’informer régulièrement. Il n’est pas rare d’entendre les citoyens dire que telle information a été publiée par un « influenceur ou un acteur de la société civile », une façon de signifier à leurs interlocuteurs que le fait qu’ils relatent à une certaine crédibilité. Mais qui sont ces influenceurs et acteurs de la société civile qui écument les réseaux sociaux au point de vouloir façonner l’opinion ?

Parmi ces figures de proue des créateurs, figure Bana Ibrahim dont l’appartenance affichée à certains cercles politiques et de la société est aux antipodes de la neutralité dans le traitement et la diffusion des informations sur son compte Facebook, suivi par 120.000 internautes. Récemment, sur son compte, parlant de la situation sécuritaire dans la région de Tillabéri, Bana Ibrahim préconise de : «  fermer et vider les sites d’orpaillage artisanal…..donc tant que ce commerce incestueux continuera, on ne pourra pas facilement vaincre le fléau », parlant du terrorisme. 

Cette affirmation basée sur l’opinion de son auteur n’est pas étayée par des faits qui plaident pour la fermeture des mines artisanales qui font vivre de nombreux pères de familles. Elle est basée sur l’avis « des fins connaisseurs de la zone des trois frontières ». Et l’information qui doit motiver la fermeture des sites d’orpaillage est au conditionnel puisque l’auteur utilise la formule « il semble que sur tous les sites d’orpaillage… ». Donc pas de certitude, mais du vraisemblable ! Et au regard du nombre de personnes qui suivent ses publications, cette idée est en train de gagner les esprits, beaucoup de personnes épousant de plus en plus la solution préconisée par Bana.

Une autre figure qui s’est distingué dans la publication des contenus sectaires est le journaliste nigérien Boussada Ben Ali. Depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023, il ne cesse de faire des postes outrageux contre les nouvelles autorités nigériennes et l’ancien président de la République Issoufou Mahamadou. La marque de fabrique de Monsieur Boussada est la lecture des évènements politique survenus au Niger très souvent sous l’angle ethno-régionaliste.

Dans ses écrits, il utilise couramment des terminologies comme les gens de « l’Ouest » pour parler des Zarma et des populations de « l’Est » pour parler des Haoussa. Cette utilisation abusive des terminologies de ce genre cache mal une intention de manipulation des sentiments identitaires chez certaines communautés nigériennes.

Dans ses posts, Boussada ne fait pas mystère de son soutien au président déchu, Bazoum Mohamed. La neutralité semble être le dernier souci de ce journaliste en rupture de rédaction. Ainsi, dans sa publication en date du 19/08/2024, Boussada Ben Ali faisant allusion aux déplacements du Premier ministre nigérien dans les pays frontaliers du Niger affirme ceci : « La Junte du Niger coincée, court dans tous les sens et se heurte à une fin de non-recevoir. En Turquie, rien! Algérie, rien ! Libye, RIEN ! Tchad, 2 FOIS RIEN. Et bientôt Russie, rien ». 

Cette affirmation ne repose sur aucun faisceau d’indice ou de preuve montrant que les déplacements des autorités nigériennes ont été infructueux. Au contraire, selon des sources bien informées, ce sont les appuis provenant de ces pays qui ont permis au Niger de résister aux sanctions économiques et financières imposées par la CEDEAO en réaction au coup d’Etat du Général Tiani.

Cet environnement virtuel des réseaux sociaux a également vu apparaitre des acteurs de la société civile qui dénoncent des actes de mauvaise gouvernance. Ce qui correspond à leur mission en régime démocratique. Parmi ces personnes, figure l’acteur de la société civile, Maikoul Zodi, qui dénonce régulièrement les hommes politiques nigériens qui se sont enrichis par des manœuvres frauduleuses et des détournements de deniers publics. 

Malheureusement, la plupart de ses dénonciations ne sont pas étayées par des preuves et des faits et l’activiste n’hésite pas souvent à tomber dans la calomnie à l’égard de certains hommes politiques. Sa tête de turc semble être l’ancien président de la République du Niger, Issoufou Mahamadou qu’il accuse régulièrement d’être un « homme corrompu » sans apporter la moindre preuve.

Maikoul Zodi va plus loin, car dans sa publication en date du 08/06/2024 dans laquelle il indique que « Amener Issoufou Mahamadou devant les tribunaux pour qu’il commence à payer de son vivant ce qu’il fait aux nigériens est un véritable djihad » et de conclure « Insha Allah, il va payer ». De tels propos qui ne reposent sur aucun fait avéré relèvent de la manipulation et peuvent créer chez certains citoyens la vocation à se substituer à la justice en évoquant le terme religieux « Djihad ». Comme quoi, tout bon musulman doit s’inscrire dans cette logique.

Il faut dire que l’actualité de la toile nigérienne est loin de se résumer à ces trois créateurs de contenus dont nous avons analysé les écrits teintés de désinformation et de manipulation pour le premier et le second ainsi que des accusations sans fondement pour le troisième. Leur manière d’utiliser les réseaux sociaux est très répandue chez beaucoup des créateurs de contenus qui partageant à longueur de journée des éléments sujets à caution en direction d’une vaste audience.

Aminata Boubacar Dioffo 

Cette enquête a été réalisée dans le cadre du projet « Révéler la vérité grâce à OSINT » mis en œuvre par le journal « L’Evènement » en collaboration avec le Centre pour l’Innovation du Journalisme et le Développement (CJID) sur financement de OSF Africa.